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Politique française

Clearstream : Villepin persiste et nie

Le Premier ministre Dominique de Villepin, lors de sa conférence de presse mensuelle, le 4 avril 2006.(Photo: AFP)
Le Premier ministre Dominique de Villepin, lors de sa conférence de presse mensuelle, le 4 avril 2006.
(Photo: AFP)
Dominique de Villepin a de nouveau affirmé, lors de sa conférence de presse du 4 mai, qu’il n’avait pas demandé d’enquête sur Nicolas Sarkozy, accusé à tort de détenir des comptes occultes dans la société financière luxembourgeoise Clearstream par un mystérieux «corbeau». Mis sous pression depuis la publication par le quotidien Le Monde de documents qui indiquent le contraire, le Premier ministre estime être victime d’un «lynchage» médiatique et politique. Il affirme que les propos en question sont «tronqués» et dénonce un risque «d’instrumentalisation» de cette affaire.

Dominique de Villepin n’a pas évoqué Clearstream dans l’exposé liminaire qu’il a présenté lors de sa conférence de presse mensuelle. Et pourtant, ce n’est ni sur la politique de l’emploi, ni sur l’aide aux personnes âgées que l’on attendait ses explications ce jeudi. Le Premier ministre est, en effet, sur la sellette depuis que le quotidien Le Monde a publié les extraits du procès verbal de l’audition du général Philippe Rondot qui indiquent que Nicolas Sarkozy a été cité lors de la réunion du 9 janvier 2004, au cours de laquelle Dominique de Villepin a demandé à ce spécialiste du renseignement une enquête pour vérifier un certain nombre d’informations concernant des accusations de corruption dans le cadre de la vente de frégates à Taiwan.

A le croire, les documents présentés mettent en valeur des propos «tronqués». Il n’aurait jamais cité le nom de Nicolas Sarkozy «en liaison» avec cette affaire au cours de la réunion. Le nom du président de l’UMP aurait donc pu être prononcé mais en aucune manière pour demander une enquête sur lui. En outre, la présence lors du rendez-vous fixé à Philippe Rondot de Jean-Louis Gergorin, vice-président d’EADS (groupe d’aéronautique et de défense), sur lequel la rumeur a fait peser le soupçon d’être le «corbeau», s’explique, selon Dominique de Villepin, par le fait que celui-ci disposait d’un «certain nombre d’informations» sur l’affaire des frégates dont il devait faire part au général.

Attention à ne pas voir des «complots» partout

D’autre part, il n’y aurait pas eu plus «d’instructions» venues du président de la République que de demande d’enquête sur Nicolas Sarkozy. Une note du général Rondot, retrouvée chez lui lors d’une perquisition, évoquait pourtant l’implication du chef de l’Etat dans la décision de mener des investigations sur le ministre de l’Intérieur. Mais Dominique de Villepin a démenti cette information en déclarant : «Il [Jacques Chirac] n’a eu à aucun moment à me donner d’instructions» sur cette affaire. L’Elysée avait d’ailleurs déjà affirmé que le chef de l’Etat n’était pas intervenu et n’avait pas «demandé la moindre enquête concernant des personnalités politiques». Le Premier ministre a aussi mis en garde contre la tendance à voir des «complots» partout, appelé les journalistes à respecter leur «code de déontologie» et insisté sur «le risque d’instrumentalisation».

Les dénégations à répétition de Dominique de Villepin n’ont pas réussi à faire retomber la pression. Depuis le début de la semaine, la gauche dénonce avec la plus grande virulence les ravages de la guerre politique Villepin-Sarkozy dont l’affaire Clearstream montre, selon elle, jusqu’à quelles extrémités peut conduire le choc des ambitions au sein du parti majoritaire. François Hollande, le Premier secrétaire du Parti socialiste, notamment, a estimé qu’un gouvernement qui regroupe Villepin, Sarkozy et Alliot-Marie se trouve dans l’incapacité «de travailler» alors que «la suspicion est à son comble». Dans ce contexte, il a demandé la démission du Premier ministre et de son équipe. Tout comme François Bayrou, le président de l’UDF (Union pour la démocratie française), le parti centriste, et d’autres personnalités politiques. Pour le moment, cela ne semble pas être à l’ordre du jour, Dominique de Villepin ayant repoussé cette option. Un sondage (CSA/Le Parisien/Aujourd’hui en France/iTélé) indique d’ailleurs que la majorité des Français (46%) approuve le Premier ministre, au moins sur ce point, et ne souhaite pas qu’il quitte ses fonctions.

Villepin et Chirac en chute libre

Reste que la position de Dominique de Villepin est de plus en plus difficile. Et avec lui celle du président de la République, auquel de nombreuses personnalités politiques demandent de «s’expliquer» sur l’affaire Clearstream. Après la crise du contrat première embauche (CPE), ce scandale vient donc porter le coup de grâce au duo gouvernemental toujours aussi étroitement associé. Et les enquêtes d’opinion montrent que les cotes de popularité du président et du Premier ministre n’en finissent pas de s'effondrer. Seuls 19% de sondés continuent, en effet, à faire confiance à Jacques Chirac, soit 1% de moins que dans le dernier baromètre TNS Sofres. Quant à Dominique de Villepin, il chute encore de 5 points et se situe à 24%.

Et pendant ce temps, Nicolas Sarkozy reste en retrait. Le ministre de l’Intérieur ne jette pas d’huile sur le feu, tout au moins publiquement. Il s’en est remis à la justice et attend les résultats sans vouloir faire de «procès d’intention» à quiconque. Mais cela ne l’empêche pas de rester très ferme sur sa volonté d’obtenir la vérité au bout du compte et de le dire à chaque occasion. Cette attitude semble lui réussir médiatiquement puisqu’il grimpe encore de 3 points dans le baromètre TNS Sofres et obtient un indice de confiance de 51%. Politiquement, le président de l’UMP pourrait aussi une nouvelle fois tirer les marrons du feu en gagnant encore plus de soutiens dans les rangs de la droite, voire au sein même du gouvernement, où Dominique de Villepin ne fait plus l’unanimité.


par Valérie  Gas

Article publié le 04/05/2006 Dernière mise à jour le 04/05/2006 à 17:48 TU

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Clarisse Vernhes

Journaliste à RFI

«Pour la première fois le Premier ministre a déclaré que Jacques Chirac ne lui avait donné aucune instruction pour diligenter une enquête sur Nicolas Sarkozy»

[04/05/2006]

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