Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

France

Affaire Clearstream : Villepin sous pression

A gauche comme à droite, les responsables politiques multiplient les appels à la démission du Premier ministre, Dominique de Villepin.(Photo : AFP)
A gauche comme à droite, les responsables politiques multiplient les appels à la démission du Premier ministre, Dominique de Villepin.
(Photo : AFP)
A gauche, mais aussi au sein même de la majorité, les voix s’élèvent pour dénoncer une « véritable crise de régime » et appeler à la démission du Premier ministre Dominique de Villepin. Avec la rentrée parlementaire, mardi, le chef du gouvernement va être à nouveau sommé de s’expliquer sur l’affaire Clearstream.

Avec la gauche, c’est la droite elle-même qui s’impatiente aujourd’hui. Après les émeutes en banlieue en novembre 2005, les grosses manifestations anti-CPE en mars et avril dernier, voici le dossier Clearstream. Il concerne des dénonciations calomnieuses sur de supposés « comptes occultes » qu’auraient eu des hommes politiques, via cette société, Clearstream, basée au Luxembourg. Le feuilleton politico-judiciaire met directement en cause Dominique de Villepin et prend aujourd’hui des allures d’affaire d’Etat sur fond de rivalité fratricide avec le ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy : l’enquête fait apparaître des relations entre certains acteurs de l’affaire et les services du Premier ministre, ainsi qu’une implication des services secrets. Tandis que des proches de Dominique de Villepin mettent en avant une manipulation pour tenter de le déstabiliser, la pression monte et gagne du terrain dans les rangs de la droite : les appels à la démission du gouvernement se multiplient de tous les côtés. Des voix venues de différents partis (socialistes, centristes (UDF) et extrême-droite), ont même réclamé des élections anticipées.

La droite se fissure : le président de l’UDF, François Bayrou, a dépeint, quant à lui, dans une interview au Parisien dimanche : « un climat intenable » alimenté par une « haine inextinguible entre le numéro un et le numéro deux du gouvernement », avec « des coups tordus et des manipulations du renseignement [qui] révèlent où nous en sommes arrivés dans l’effondrement des principes démocratiques ». Le président du groupe UDF à l’Assemblée nationale, Hervé Morin, a évoqué dimanche sur la chaîne de télévision TF1, l’idée d’une élection présidentielle anticipée : « On serait dans n’importe quel autre pays occidental, on aurait de toute évidence des élections générales, avec pour nous une élection présidentielle, puisqu’il s’agit de l ‘élection qui détermine la vie politique du pays ».

Inquiets que leur électorat soit déstabilisé par tous ces remous, les députés UMP ont appelé le président de la République à reprendre en mains la situation. Le député Nicolas Dupont-Aignan, se déclarant « écoeuré par les règlements de compte au sommet de l’Etat », estime  que Jacques Chirac doit « remettre de l’ordre dans son gouvernement » pour éviter, selon lui, « un suicide collectif ». Soulignant que la pression politique « se fait plus aiguë », le Monde cite « un député sarkozyste » qui ne voit pas « comment [le Premier ministre] peut rester à Matignon, la situation n'est pas tenable » ; le quotidien rapporte également les propos d’un élu de la majorité UMP qui considère que le chef du gouvernement « a perdu ce qui lui restait de plumes après le CPE ».

Un climat de « Watergate à la française »

L’opposition souhaite, pour sa part, une commission d’enquête parlementaire sur les dysfonctionnements de l’Etat, et l’utilisation des services secrets. Le premier secrétaire du parti socialiste, François Hollande, estime que le Premier ministre doit être auditionné « le plus rapidement possible ». Les ténors socialistes, arguant d’un spectacle de « déliquescence » donné à la France et à l’étranger, n’hésitent pas à évoquer un climat de « Watergate à la française », selon les commentaires de certains journaux et hommes politiques, comme le quotidien espagnol El Pais ou l’ancien ministre français des Finances, le socialiste Dominique Strauss-Khan. S’exprimant à la radio, sur Europe-1, le porte-parole du PS Julien Dray a demandé solennellement à Jacques Chirac de « prendre ses responsabilités» pour mettre un terme à cette ‘crise d'Etat’», ajoutant que « en démocratie en général, la seule manière de s’en sortir (dans de tels cas, c’est de donner la parole au peuple ».

Marie-George Buffet, à la tête du parti communiste, a déclaré : « Il y a des hommes qui sont devenus dangereux à la tête de l’Etat », renchérissant par là-même les propos de la socialiste, Ségolène Royal, donnée favorite dans les sondages pour la présidentielle de 2007, qui a déploré, quant à elle, « la fin d’un règne sans éthique ».

Dominique de Villerpin se retrouve sur le devant de la scène dans cette affaire, soupçonné  -depuis un article du Monde, paru jeudi dernier- d’avoir demandé une enquête sur le ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, « sur instruction » du président Chirac –ce que démentent à la fois Dominique de Villepin et Jacques Chirac. L’entourage de Jacques Chirac a assuré dimanche que la démission exigée par la gauche est « une question sans fondement ». La menace d’une audition par les juges plane sur le Premier ministre, et son propre camp s’interroge désormais sur la longévité politique du chef du gouvernement.


par Dominique  Raizon

Article publié le 01/05/2006 Dernière mise à jour le 01/05/2006 à 17:06 TU