France
Remue-ménage aux Renseignements généraux
(Photo : AFP)
Une mise à l’écart habillée en promotion. Comme souvent, c’est la nécessité impérieuse de profiter des compétences d’un homme pour mener d’autres tâches qui justifie son départ d’un poste clef, enjeu de pouvoir entre les responsables politiques… Officiellement, Pascal Mailhos est donc appelé à quitter la direction des Renseignements généraux (DCRG) parce qu’il a le profil idéal pour remplir une mission importante à la tête de la direction de la modernisation et de l’administration territoriale. Il n’aurait donc pas démérité mais partirait au bout de 27 mois à la tête des RG, une rotation jugée «normale» à ce niveau. Jean-François Copé, le porte-parole du gouvernement, a déclaré que cette nomination s’était faite de manière tout à fait «classique» sur proposition du ministre de l’Intérieur, avec l’accord du Premier ministre et du président de la République.
Reste que tout n’est pas si simple. De sa nomination à son départ, le parcours de Pascal Mailhos à la DCRG aura été plutôt chaotique. Imposé par l’Elysée en 2004 pour éviter l’arrivée d’un homme jugé trop proche de Nicolas Sarkozy, Bernard Squarcini (l’adjoint de l’ancien chef de RG, Yves Bertrand), cette décision n’avait pas fait l’unanimité. Plus administratif qu’opérationnel, Pascal Mailhos n’était pas un spécialiste du renseignement. Le choix de le placer à ce poste répondait donc à des impératifs essentiellement politiques et s’inscrivait dans le cadre des rivalités internes de la majorité.
Du grain à moudre pour Sarkozy
Son éviction relève de la même démarche. Sauf qu’aujourd’hui, c’est le ministre de l’Intérieur qui reprend la main. Il est vrai que plusieurs événements ont donné du grain à moudre à Nicolas Sarkozy contre Pascal Mailhos. Il y a d’abord eu l’affaire Clearstream dans laquelle un corbeau bien mal intentionné a tenté d’impliquer, entre autres, Nicolas Sarkozy en l’accusant de détenir des comptes occultes au Luxembourg. Même si une enquête a finalement montré que cette dénonciation était infondée, le ministre de l’Intérieur a peu apprécié le manque de discernement des RG sur les tenants et aboutissants de cette tentative de manipulation à partir d’un document truqué.
Est ensuite venu le temps des émeutes dans les cités de banlieue, au mois de novembre 2005. Là encore, une opposition est apparue entre l’analyse de Nicolas Sarkozy et celle des services de renseignement. Alors que le ministre l’Intérieur avait dénoncé des événements «parfaitement organisés», les RG ont avancé le contraire en parlant d’un mouvement «d’insurrection non organisé» et «d’une révolte populaire des cités, sans leader». Décidément, l’harmonie n’était pas au menu. Si l’on ajoute à cela, la dernière crise sociale provoquée par le contrat première embauche (CPE), le tableau des désaccords est presque complet. Nicolas Sarkozy a, en effet, reproché à la DCRG de ne pas avoir réussi, là encore, à prévoir l’ampleur du mouvement de contestation. Alors que l’anticipation des crises sociales était l’une des actions prioritaires attribuées au service avec la lutte contre le terrorisme et les dérives urbaines (violence et économie souterraine).
Dans ce contexte plus que tendu, la sortie du livre du président du Mouvement pour la France (MPF), Philippe de Villiers, Les mosquées de Roissy, dans lequel il publie une note établie, d’après lui, par les RG concernant la présence de nombreux islamistes sur la plateforme aéroportuaire, a certainement représenté la cerise sur le gâteau pour Nicolas Sarkozy. Même si le départ de Pascal Mailhos de son poste était, selon le ministère l’Intérieur, prévu depuis la mi-mars et si les Renseignements généraux ont démenti avoir rédigé ce document, cette polémique n’a certainement pas été pas du goût de Sarkozy, que Philippe de Villiers accuse de dissimuler les faits.
Un homme de confiance
La nomination de Joël Bouchité devrait donc permettre au ministre de l’Intérieur d’obtenir un fonctionnement du service qui correspond à ses attentes. Le nouveau directeur de la DCRG est, en effet, un proche de Bernard Squarcini, lui-même lié à Nicolas Sarkozy. Il a effectué toute sa carrière dans la police. Commissaire divisionnaire depuis 1995, il a gravi les échelons dans les services de renseignements généraux en région (Guadeloupe, Corse, Midi-Pyrénées) avant de rejoindre l’administration centrale à Paris. Il s’agit donc d’un homme du sérail. Son arrivée a d’ailleurs été saluée par le Syndicat des commissaires et hauts-fonctionnaires de la police nationale qui a déclaré qu’elle allait permettre de privilégier «l’impulsion opérationnelle plutôt que la gestion administrative».
D’autre part, à un an de l’élection présidentielle, le fait de disposer d’un homme de confiance à la tête des RG représente un atout supplémentaire pour le candidat Sarkozy, même si officiellement ce service n’est plus en charge de surveiller la vie politique française…
par Valérie Gas
Article publié le 26/04/2006 Dernière mise à jour le 26/04/2006 à 16:37 TU