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France

CPE : des manifestations à haut risque

Objectif du dispositif de sécurité mis en place pour la journée du 28 mars : éviter que les manifestations ne se terminent une nouvelle fois en bataille rangée entre voyous et policiers.(Photo : AFP)
Objectif du dispositif de sécurité mis en place pour la journée du 28 mars : éviter que les manifestations ne se terminent une nouvelle fois en bataille rangée entre voyous et policiers.
(Photo : AFP)
Un dispositif de sécurité renforcé a été mis en place pour les manifestations anti-contrat première embauche (CPE), organisées le 28 mars. Les organisations syndicales, étudiantes et lycéennes se sont mises d’accord avec la police pour encadrer les défilés et éviter au maximum l’intervention des bandes de casseurs qui se sont livrés à des violences de plus en plus dures lors des dernières journées d’action contre le CPE. La tâche est difficile et le risque de dérapage très important.

Rester discret tout en étant assez présent pour intervenir dès que nécessaire. C’est à cet exercice délicat que devront essayer de se livrer les forces de l’ordre qui vont encadrer les défilés anti-CPE du 28 mars. Pas question pour les gendarmes mobiles et les CRS d’entrer dans les cortèges. Toutes les organisations syndicales, étudiantes ou lycéennes qui appellent à manifester le refusent. Elles estiment qu’il revient à leurs services d’ordre de se charger de la sécurité dans les défilés et d’en chasser, si nécessaire, les fauteurs de troubles. Des consignes ont été données aux manifestants pour faire en sorte qu’aucun casseur n’entre dans les cortèges. Etudiants et lycéens formeront, par exemple, des chaînes en se tenant la main de manière à entourer les participants et à empêcher des voyous de se mêler à eux.

Les policiers se répartiront, en revanche, à l’avant et l’arrière des manifestations. Ils pourront aussi se positionner le long des parcours dans les rues adjacentes. Mais en s’efforçant de ne pas se montrer pour ne pas provoquer le mécontentement des participants, parmi lesquels certains s’énervent à la vue de l’uniforme estimant que la présence policière est une entrave à leur droit de manifester.

Bloquer les bandes hors de Paris

A Paris, la police va aussi essayer de réduire les risques de dérapages violents en pratiquant un contrôle en amont. C’est-à-dire en interceptant les bandes de jeunes originaires de banlieues, qui semblent représenter le plus fort contingent de casseurs, avant qu’elles ne rejoignent la manifestation. La préfecture a annoncé qu’elle avait pris contact avec la RATP (métro) et la SNCF (trains), qui assurent les transports en région parisienne, pour que l’arrivée de groupes de jeunes au comportement suspect en provenance des départements de la région soit immédiatement signalée, de manière à permettre aux policiers de les «bloquer» à l’extérieur de la capitale. Ce genre de dispositif est utilisé dans d’autres circonstances, par exemple pour empêcher la déferlante des hooligans lors des grands rassemblements sportifs.

Le quartier de la Sorbonne a, d’autre part, été totalement bouclé. C’est, en effet, autour de la plus prestigieuse université parisienne que se sont déroulées les violences les plus importantes depuis le début du mouvement anti-CPE. Après la dernière manifestation, le 23 mars, des échauffourées y ont eu lieu, alors même que l’itinéraire du défilé en était éloigné. Des palissades de protection ont été déployées le long du boulevard Saint-Michel. Des policiers sont positionnés à temps plein dans leurs véhicules équipés de canons à eau. Ils contrôlent les allées et venues dans le périmètre protégé où ne peuvent pénétrer que les résidents.

L’enjeu est important : il s’agit d’éviter qu’une nouvelle fois les manifestations ne se terminent en batailles rangées entre des bandes de voyous de plus en plus violents et des policiers obligés de charger. Il est vrai que les derniers défilés, à Paris mais aussi dans plusieurs villes de province (Marseille, Rennes notamment), ont été le théâtre d’agressions, de dégradations et de pillages en tous genres. De jeunes manifestants ont d’ailleurs été parfois pris pour cibles, malmenés et dépouillés, par des casseurs dont la motivation ne semble être ni le retrait du contrat première embauche, ni la dénonciation de la précarité pour les jeunes mais plutôt le vol ou la violence gratuite. L’un d’entre eux, à Paris, a d’ailleurs été grièvement blessé à la tête.

Les forces de l’ordre ont-elles laissé faire ?

Dans ce contexte, une polémique sur la manière dont les forces de l’ordre sont intervenues, ou pas intervenues, a émergé. Bernard Thibault, le secrétaire général du syndicat CGT, a estimé qu’il y a eu «des situations où les forces de police auraient pu intervenir et ne l’ont pas fait». Des jeunes ont raconté que certains manifestants s’étaient fait bastonner par des casseurs sous les yeux des policiers sans que ceux-ci ne bougent. François Hollande, le Premier secrétaire du Parti socialiste, a même accusé le gouvernement d’avoir délibérément laissé faire en déclarant que le pouvoir «n’était pas fâché qu’il y ait des incidents».

Face à ces attaques, Nicolas Sarkozy, le ministre de l’Intérieur, a insisté sur les conditions difficiles dans lesquelles travaillent les CRS et les gendarmes mobiles, qui doivent prendre garde à ne pas blesser des manifestants en chargeant les voyous ou provoquer des mouvements de panique dangereux. Il a aussi rappelé qu’ils avaient reçu des consignes «de retenue et de maîtrise» vis-à-vis des manifestants pacifiques, mais de «fermeté» à l’égard des fauteurs de troubles. Certains casseurs interpellés lors des précédentes manifestations anti-CPE ont déjà été jugés. Quelques-uns ont été condamnés à des peines de prison ferme ou avec sursis. A l’heure du bilan de la journée de manifestations, on sera donc attentif aussi bien à l’ampleur de la mobilisation qu’à l’existence de violences.


par Valérie  Gas

Article publié le 27/03/2006 Dernière mise à jour le 27/03/2006 à 15:59 TU