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France

CPE : une rencontre, la balle au centre

Les leaders syndicaux à leur sortie de Matignon. De g. à d. Jean-Claude mailly (FO), Jean-Marc Icard (CFE-CGC), Francois Chérèque (CFDT) et Bernard Thibault (CGT).(Photo: AFP)
Les leaders syndicaux à leur sortie de Matignon. De g. à d. Jean-Claude mailly (FO), Jean-Marc Icard (CFE-CGC), Francois Chérèque (CFDT) et Bernard Thibault (CGT).
(Photo: AFP)
La rencontre entre Dominique de Villepin et les représentants des syndicats de salariés n’a permis aucune avancée. Le Premier ministre a maintenu son refus de retirer le contrat première embauche (CPE). Il a simplement accepté de recevoir, dès samedi 25 mars, les représentants des étudiants et des lycéens qui n’avaient pas été conviés à cette première entrevue. Il parait maintenant probable qu’aucune négociation concrète ne pourra avoir lieu avant la journée de grève et de manifestation du 28 mars. Les leaders syndicaux ont d’ailleurs affirmé que, pour le moment, aucun autre rendez-vous n’avait été pris avec le chef du gouvernement. Dominique de Villepin a, quant à lui, déclaré que cette rencontre constituait «une première étape» et qu’il souhaitait poursuivre les discussions «dans les prochains jours».

Ensemble : les douze organisations de l’intersyndicale anti-contrat première embauche ont affirmé être toujours aussi décidées à poursuivre la mobilisation les unes avec les autres, à l’issue de leur réunion de vendredi matin. Pas question, à les entendre, de laisser Dominique de Villepin introduire une division dans un mouvement dont l’unité a assuré jusqu’ici la réussite. Et surtout, impensable du point de vue des organisations étudiantes et lycéennes d’engager des négociations à deux vitesses : d’un côté, les aînés avec le Premier ministre et de l’autre, les jeunes avec le ministre de l’Education nationale.

Les représentants des lycéens et des étudiants ont immédiatement traduit leur courroux par des actes. Ils ont annoncé qu’ils ne se rendraient pas à l’invitation de Gilles de Robien, vendredi. Une manière de protester contre le fait que le Premier ministre, qui ne les avait pas conviés en même temps que les cinq confédérations syndicales (CGT, CFDT, CGC, CFE-CGC, FO) à venir le rencontrer à Matignon, a refusé clairement vendredi matin de donner suite à la demande exprimée par les organisations de l’intersyndicale d’être reçues toutes ensembles.

Le sens des responsabilités

Tout en réaffirmant leur solidarité avec les jeunes et en confirmant que le retrait du CPE était toujours, pour eux aussi, un préalable à l’ouverture des négociations, les syndicats de salariés ne sont néanmoins pas revenus en arrière. Ils ont honoré l’engagement pris la veille de rencontrer Dominique de Villepin qu’il faut, à les croire, interpréter comme le signe de leur bonne volonté et de leur sens des responsabilités.

Paradoxalement, le chef de l’Etat a fait de Bruxelles, où il participait à un sommet européen, des déclarations susceptibles de porter atteinte au bon déroulement de l’entrevue entre le chef du gouvernement et les syndicalistes. Jacques Chirac a estimé qu’«on n’a pas à donner d’ultimatums» et que «quand une loi a été votée… elle doit être appliquée», tout en admettant que cela «n’empêche pas le gouvernement de discuter de telle ou telle modalité». Ces propos avaient de quoi fâcher d’entrée les leaders syndicaux qui refusent de se voir proposer de simples aménagements. François Chérèque, le secrétaire général de la CFDT, a d’ailleurs réagi en qualifiant cette déclaration de «très maladroite», avant d’entrer à Matignon.

L’intervention de Jacques Chirac était en tout état de cause révélatrice du fait que la réunion proposée aux syndicats de salariés n’était qu’une prise de contact et qu’il n’était pas question de céder dans l’immédiat aux revendications des opposants au contrat première embauche. A l’issue de la rencontre avec le Premier ministre, d’ailleurs assez brève, cette hypothèse a été confirmée par l’annonce du refus de Dominique de Villepin de retirer le CPE. Les syndicalistes ont annoncé qu’ils n’avaient pas réussi «à convaincre» le Premier ministre sur ce point mais que celui-ci avait néanmoins accepté de rencontrer directement les représentants des organisations étudiantes et lycéennes dès demain, samedi 25 mars.

Rien n’a donc été débloqué. Mais la porte ne semble pas fermée. En tout cas, Dominique de Villepin a pris soin de marquer qu’il était plein de bonnes intentions de manière à ménager la suite des contacts. Il a affirmé qu’il fallait «trouver des solutions constructives pour répondre aux inquiétudes réelles des jeunes, notamment sur le contrat première embauche» et qu’il comptait bien revoir les représentants des confédérations syndicales la semaine prochaine. Soit après la journée d’action du 28 mars. Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, a enregistré le message et en a conclu que l’ampleur de la mobilisation jouerait «un rôle déterminant».

Des risques de dérapages violents

Dominique de Villepin attend-il un nouveau message de la rue pour engager la tête haute un rétropédalage sur le CPE et envisager d’autres bases de négociations que celle des aménagements à ce nouveau contrat pour les moins de 26 ans, refusés catégoriquement par l’intersyndicale ? C’est possible. Mais c’est risqué car la situation s’est dangereusement détériorée ces derniers jours. On a assisté à une escalade de la violence lors des dernières manifestations. Le phénomène a même pris parfois un caractère incontrôlable.

A Paris, le 23 mars, plusieurs centaines de casseurs étaient présents sur l’esplanade des Invalides, où le défilé devait prendre fin. Ils se sont livrés à des actes de vandalisme et des agressions, sur les étudiants notamment. Un jeune homme a été grièvement blessé à la tête et a dû être opéré dans la nuit. A Marseille, à Rennes aussi, les choses ont mal tourné. Les forces de l’ordre ont précédé à 630 interpellations de fauteurs de troubles durant cette seule journée. Et le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy, qui avait déjà mis en garde contre un nouvel embrasement des banlieues à l’occasion du mouvement anti-CPE, a estimé que les manifestations étaient «en train de changer de visage».


par Valérie  Gas

Article publié le 24/03/2006 Dernière mise à jour le 24/03/2006 à 17:54 TU

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Louis Chauvel

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