Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Social

CPE : comment renouer le dialogue ?

De violents affrontements ont eu lieu lors des manifestations contre le CPE.(Photo: AFP)
De violents affrontements ont eu lieu lors des manifestations contre le CPE.
(Photo: AFP)
Les manifestations organisées par les lycéens et les étudiants dans toute la France, le jeudi 16 mars, ont montré que le mouvement anti-contrat première embauche (CPE) était toujours sur la pente ascendante. Entre 247 500 et 500 000 jeunes ont défilé dans les rues de plusieurs villes. Mais des casseurs se sont introduits dans les cortèges et des affrontements violents avec les forces de l’ordre ont eu lieu en fin de journée, à Paris et à Rennes notamment. Près de 200 personnes ont été interpellées par la police. Ces incidents ne devraient pas avoir d’influence sur la mobilisation en vue de la prochaine journée d’action, samedi 18 mars, pour laquelle les opposants au CPE attendent une participation encore plus importante. Dans cette épreuve de force, chacune des parties semble déterminée à faire valoir son point de vue et le dialogue paraît quasi-impossible. Si le Premier ministre se dit prêt à assouplir les conditions d’application du CPE, il refuse en revanche de renoncer à cette mesure. Les jeunes et les syndicats ne veulent, quant à eux, discuter que si le gouvernement consent à retirer le texte.

«Enrichir», «améliorer», chaque jour le gouvernement emploie un nouveau mot pour montrer sa bonne volonté concernant le contrat première embauche (CPE). Mais ces paroles raisonnent dans le vide. Ni les jeunes, ni les syndicats, ni l’opposition ne les entendent. Les Français en général semblent rester sourds à ces tentatives pour amener l’opinion à de meilleurs sentiments sur ce nouveau type de contrat, pourtant présenté par le Premier ministre comme une avancée dans la lutte contre le chômage des jeunes. Le dernier sondage réalisé par l’institut CSA pour le quotidien Le Parisien et la chaîne i-Télé montre que 68 % des Français sont désormais favorables au retrait du CPE, alors qu’ils n’étaient que 55% il y a une semaine.

Et la situation pourrait encore se dégrader pour le gouvernement si la manifestation du 18 mars, qui doit réunir tous les opposants au CPE, lycéens, étudiants, salariés, rencontre le succès que ceux-ci escomptent. La CFDT, l’un des syndicats qui appellent à la mobilisation, annonce en effet tabler sur 1,5 million de manifestants dans les rues de France. Quel que soit leur nombre, ils seront tous rassemblés autour de la même revendication : obtenir le retrait du CPE. Il s’agit d’une condition indispensable, préalable et, semble-t-il, non négociable.

Chirac parle dans le vide

Dans ce contexte, les appels répétés du président de la République en faveur du «dialogue» sont tombés totalement à plat. Car Jacques Chirac les a assortis de la manifestation de son soutien à Dominique de Villepin et d’une réaffirmation de l’intérêt présenté par le CPE qui «offre des opportunités et des garanties nouvelles pour les jeunes en difficulté». Cette position ne correspondait pas aux attentes des opposants à ce contrat. Les interventions du chef de l’Etat n’ont donc eu aucun effet. Ni sur la mobilisation des manifestants, ni sur la détermination des organisations lycéennes, étudiantes et des syndicats de salariés à refuser des aménagements.

La crispation est telle dans le milieu étudiant que 46 présidents d’université (sur 49) ont appelé le gouvernement «à faire un effort pour le dialogue». Le président de la Conférence des présidents d’université (CPU), Yannick Vallée, a même demandé à Dominique de Villepin de faire «un geste fort» pour sortir de la crise. Il doit d’ailleurs, avec d’autres présidents d’universités, rencontrer le Premier ministre, vendredi soir, pour évoquer cette question.

Reste alors à savoir qui cédera et sur quoi ? Pour le moment, Dominique de Villepin fait le dos rond, peut-être dans l’espoir de voir le mouvement de protestation redescendre progressivement. Mais en jouant l’usure, le Premier ministre prend le risque de faire une nouvelle bévue, après l’erreur commise en essayant de faire adopter le CPE sans concertation préalable avec les partenaires sociaux. Les partis de gauche et les syndicats l’ont d’ailleurs mis en garde contre cette tentation à leurs yeux dangereuse. Le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, a prévenu que face à l’obstination du gouvernement, il envisageait de «passer à un cran supérieur», à savoir l’appel à la grève. Le président de l’Unef, le principal syndicat étudiant, Bruno Julliard, a lui aussi averti le gouvernement que la stratégie du pourrissement ne fonctionnerait pas, en faisant le bilan de la journée de manifestation du 16 mars : «Il fallait faire descendre beaucoup de gens dans la rue pour montrer que la dynamique était de notre côté et que si le gouvernement voulait engager un bras de fer long, on était disponible pour engager ce bras de fer long».

Le dérapage vers la violence

D’autre part, les dernières manifestations ont fait apparaître un nouveau danger : le dérapage vers la violence. Les défilés organisés par les jeunes le 16 mars ont, en effet, donné l’occasion à des groupes de casseurs d’engager un affrontement avec les forces de l’ordre. Lors de ces échauffourées, 46 gendarmes mobiles et CRS ont été blessés à Paris, notamment par des jets de pavés. Nicolas Sarkozy avait donné des consignes précises aux policiers pour éviter que des jeunes ne soient blessés et s’est félicité de leur sang-froid. Mais ces incidents font craindre que les prochaines manifestations ne soient encore perturbées par des violences de ce type. Le président de la République est conscient de cette menace. C’est pourquoi il en a appelé vendredi à «la responsabilité de chacun» et a affirmé que la manifestation du 18 mars devait «se dérouler dans le calme et le respect de tous».


par Valérie  Gas

Article publié le 17/03/2006 Dernière mise à jour le 17/03/2006 à 16:58 TU