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Environnement

Le Clemenceau, point final

Dernière traversée en mer pour le <em>Clem</em>.(Photo : AFP)
Dernière traversée en mer pour le Clem.
(Photo : AFP)
Le Clemenceau rentre au bercail, le port de Brest où il a été construit, après un aller et retour vers l’Inde accompagné d’une polémique sur les risques encourus sur son désamiantage. Dans les semaines à venir, le gouvernement français va décider du sort de l’ex-porte-avions. Son démontage, en France ou en Europe, sera long et coûteux. Une filière de démantèlement pourrait voir le jour, peut-être à Brest et probablement européenne, pour démonter d’autres navires.

« L’ex-Clemenceau sera démantelé. Je ne peux pas aujourd’hui vous dire où, ni par qui ». La ministre française de la Défense était de passage à Brest vendredi, quelques jours avant l’arrivée du navire dans le port breton. Pour Michèle Alliot-Marie, tout dépendra du résultat de l’appel d’offres que lancera son ministère. On connaîtra ensuite les modalités des opérations de démontage et leur coût. Jusqu’à la fin de l’année, les industriels pourront poser leur candidature. A la fin du premier trimestre 2007, les offres seront terminées. En principe, en décembre 2007, le marché sera conclu entre la Défense et l’entreprise choisie. 

La coque de l’ex-porte-avions sera d’abord inspectée par des experts. Ils diront quelle quantité d’amiante elle contient encore. La présence de cette substance, cancérigène si on en inhale les fibres, représentait un cadeau empoisonné pour les employés du chantier indien de la baie d’Alang, où devait finir le navire ; sans parler des résidus d’autres produits toxiques nécessaires au fonctionnement de ce type de bateau.

Greenpeace avait protesté publiquement contre le désamiantage du Clemenceau dans ce chantier indien. L’association écologiste avait également invoqué le droit. L’amiante étant un déchet, l’ancien navire de guerre français ne devait pas partir à l’étranger pour son démantèlement. En dehors de l’aspect juridique, les écologistes avaient également mis l’accent sur le danger, pour les ouvriers indiens, d’effecteur ces opérations sans les protections dont bénéficient les ouvriers européens.

« Si je peux, j’irai le voir », indique un ancien quartier-maître mécanicien qui navigua à bord du Clemenceau dans les années 60. Etienne Le Guilcher est aujourd’hui président de l’association finistérienne des victimes de l’amiante. On a beaucoup construit de navires de guerre en Bretagne et l’amiante fut longtemps le meilleur matériau pour prévenir le risque d’incendie.

Après une décision de justice et une polémique franco-indienne sur la quantité d’amiante restant dans la coque du navire, le président Chirac décidait finalement, mi-février, de faire rentrer le Clemenceau en France. Depuis 2002, plusieurs épisodes malheureux s’étaient enchaînés. Le dernier voyage fut plusieurs fois reporté. L’Espagne, la Turquie, puis le port français de Toulon, en 2004, devaient trouver la solution pour la fin de vie du Clemenceau. Et il repart en janvier 2006 pour l’Inde qui devait être la destination finale. Et c’est le demi tour vers la Bretagne.

Dès l’annonce du retour du Clemenceau à Brest, le maire (socialiste) François Guillandre avait pris les devants, indiquant qu’il ne voulait pas que l’ex-porte-avions « pourrisse dans la rade » pendant des années. Pas question d’avoir cette mauvaise carte postale dans le paysage pour les fêtes de la mer de 2008. Elles ont lieu tous les 4 ans et donnent lieu à un rassemblement exceptionnel de navires venant du monde entier, pour une grande parade.

L’idée naît à ce moment-là de créer à Brest, port de construction des navires de guerre, une filière pour les démanteler lorsqu’ils arrivent en fin de vie. Ce type d’opérations industrielles ne fait pas partie du cahier des charges de la DCN, la direction des constructions navales. Chaque fois que le problème s’est posé, pour d’autres navires plus petits et moins complexes, la DCN a délégué la tâche à des sous-traitants. Cette fois, vu la taille du Clemenceau et après la polémique sur la manière dont la France se débarrasse de ses déchets, syndicats et élus locaux ont parlé d’une même voix. Ils souhaitent que Brest soit choisie pour lancer cette filière de déconstruction. La DCN n’est pas contre mais n’en sera pas maître-d’œuvre. En tout cas la DCN a fait le Clemenceau. Elle pourra fournir les indications pour savoir où sont les zones potentiellement dangereuses du navire, qu’il s’agisse de l’amiante ou d’autres substances.

Des emplois

Combien d’emplois peut espérer la ville de Brest où on ne construit presque plus de navires de guerre ? Les syndicats de marins avancent le chiffre de plusieurs centaines. Car 120 navires militaires, français et anglais, vont bientôt être mis à la retraite. De plus, en 2010, les pétroliers à simple coque vont disparaître pour être remplacés par des doubles coques. Encore des navires à démanteler. Et sur le plan mondial, entre 700 et 750 navires vont bientôt être envoyés à la casse chaque année. « Brest est bien positionné », indique Jean-Paul Hellequin, représentant du syndicat des marins de Brest. Autre avantage du port, « il a un polder de disponible au fond de la rade, un ferrailleur, et deux sociétés de désamiantage ».

La question du coût des opérations de déconstruction avait motivé l’envoi du Clemenceau en Inde. Si ces opérations sont réalisées en France, elles reviendront plus cher en raison du coût de la main-d’œuvre. L’Etat devrait probablement contribuer au financement. La France compte également rallier ses partenaires européens à ce projet. Une première réunion est programmée le 24 mai à Paris, à l’invitation du chef d’état-major de la marine française. Selon les estimations, et sans compter les navires qui sortiront de leurs flottes dans les années à venir, il y aurait environ un millier de bâtiments civils ou militaires en train de rouiller dans des cimetières marins.

D’autres pays européens à forte vocation maritime pourront, eux aussi, revendiquer le démarrage de cette filière de démantèlement. Comme dans la construction navale, cette nouvelle filière sera confrontée à la concurrence de l’Asie dont les prix sont imbattables. Pour l’heure, Greenpeace se déclare « très satisfaite » du retour de l’ex-porte-avions en France car « cette affaire a permis d’engager un changement fondamental et global de la gestion des navires en fin de vie… Les opérateurs privés, comme les Etats, doivent intégrer dans la construction et la gestion des navires le coût de la dépollution ».

De son côté, l’association Robin des Bois dénonce la manière dont les Etats-Unis se débarrassent de leurs vieux bâtiments militaires. Le jour où le Clemenceau entre dans la rade de Brest, un ancien porte-avions américain, l’Oriskany, est coulé au large de la Floride pour devenir un récif artificiel. Robin des Bois critique la politique américaine et canadienne qui consiste à saborder aussi bien de vieux Boeing que d’anciennes rames de métro pour s’en débarrasser.      


par Colette  Thomas

Article publié le 16/05/2006 Dernière mise à jour le 16/05/2006 à 16:56 TU

Audio

Charlotte Nithart

Porte-parole de l'association écologiste Robin des bois

«Nous considérons que la marine nationale a joué un rôle leader dans la préparation et dépollution préalable des navires avant de les envoyer à la casse.»

[17/05/2006]

Marie Duhamel

Envoyée spéciale de RFI à Brest

«Le Clemenceau n’a plus rien d’un bateau de prestige. C’est une coque rouillée qui a l’air fatigué de son voyage.»

[17/05/2006]

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