Environnement
Le « Clem » embarrasse le gouvernement français
(Photo : AFP)
Le « Clem » n’est pas arrivé en Inde que, déjà, il pourrait en revenir. L’ex-fleuron de la marine devait finir ses jours en baie d’Alang (Inde) où il devait être démantelé, mais la Cour suprême -la plus haute juridiction indienne- a décidé de créer une nouvelle commission d’experts pour statuer sur le sort du navire français. Elle demande un supplément d’informations du ministère de la Défense pour décider si elle doit ou non autoriser le porte-avions à rentrer dans les eaux territoriales indiennes. La polémique monte, embarrasse de plus en plus le gouvernement et devient une véritable affaire d’Etat. L’affaire est dénoncée en France par l’opposition comme un fiasco. Le Conseil d’Etat pourrait prononcer, en fin de semaine, la « suspension » du transfert du navire vers l’Inde.
La Cour suprême indienne doit déterminer si la fin du désamiantage et le démantèlement du Clemenceau dans un chantier de l'Etat du Gujarat (ouest) sont conformes à la Convention de Bâle sur les déchets dangereux (1989), et conformes aux lois indiennes sur l'environnement. Elle ne se prononcera définitivement qu’après le compte-rendu de la nouvelle commission d’experts. « Je fais entièrement confiance à la Cour suprême indienne, je ne veux pas entrer dans les polémiques sur les quantités (d'amiante) (…) mais, lorsque la cour aura rendu sa décision, je ne manquerai pas de rétablir toute la vérité », a également affirmé Michèle Alliot-Marie.
En France, un commissaire du gouvernement, magistrat indépendant a recommandé lundi au Conseil d'Etat, la plus haute juridiction administrative, de suspendre le transfert du navire en Inde, en invoquant « l'intérêt général ». Ce magistrat a évoqué un « doute sérieux » sur la quantité d'amiante à bord. La ministre de la Défense Michèle Alliot-Marie a de son côté contre-attaqué mardi en mettant en cause pour des « présomptions d'irrégularités » une société française, Technopure, ayant effectué les premiers travaux de décontamination à bord du navire. La ministre a demandé au procureur de Marseille (sud) de donner à son enquête « les suites judiciaires nécessaires ».
Laurent Fabius suggère un « rapatriement » du Clemenceau
Le quotidien français Libération titrait mardi sur « Le fleuron de la farce : la galère du Clemenceau continue ». Alors que des ONG parlent de « pressions énormes » qu'exercerait le gouvernement français sur New Delhi pour obtenir gain de cause, l'opposition française renchérit et dénonce « un fiasco » de l’affaire : « Le traitement du désamiantage est indigne pour la France », selon le Parti socialiste (PS), qui a fustigé le « flou total » sur les quantités retirées du navire et le « cynisme du gouvernement ». Un des responsables du PS, Laurent Fabius, a estimé qu'il fallait « rapatrier » le vieux navire, jugeant cette affaire « grotesque ». Le Parti socialiste « demande l'audition sans tarder de la ministre de la Défense par l'Assemblée nationale. (…) des explications claires et une transparence totale sur la question de l'amiante contenue dans le bateau et sur la disparition mystérieuse de 30 tonnes de celle-ci ». L’opposition souligne : « Il y a une obligation de responsabilité de notre pays à l'échelle internationale et un devoir de vérité devant les Français ».
La sénatrice des Verts, Dominique Voynet, souligne que l’affaire est autant éthique que politique : le démantèlement du navire en Inde « dégrade l'image de la France dans le monde entier. (…) Le retour du Clemenceau va coûter énormément d'argent. Le démantèlement du bateau va coûter énormément d'argent [mais] c’est la seule solution décente. (…) Il me paraît hors de question de prendre le risque d'exposer des milliers de travailleurs aux risques d'amiante, maintenant que l'on connaît ce risque et sa gravité », a souligné la dirigeante écologiste, ajoutant : « Je demande que le bateau rentre à Toulon, qu'un plan de démantèlement, tout à fait respectueux des règles internationales et de la santé des salariés, soit mis en place. Le contribuable paiera, évidemment. Mais cela devait être pris en compte dès le début »
Le Premier ministre Dominique de Villepin a affirmé : « La France se conformera bien sûr aux obligations et aux décisions de la justice indienne et française », et exprimé le souhait d’en finir avec l’affaire du « Clem » : « Je souhaite que cela puisse venir maintenant très rapidement, de façon à ce que puisse être mis fin à ce feuilleton ». En attendant, le porte-avions désarmé est toujours en remorque à 200 milles nautiques des côtes indiennes, en dehors des eaux territoriales.
par Dominique Raizon
Article publié le 14/02/2006 Dernière mise à jour le 14/02/2006 à 15:58 TU