Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Environnement

Clemenceau, le retour

Le porte-avions <i>Clemenceau</i> va rentrer en France.(Photo: AFP)
Le porte-avions Clemenceau va rentrer en France.
(Photo: AFP)
La décision de la justice française et de la présidence de la République de ramener l’ex-porte-avions Clemenceau dans les eaux territoriales françaises met un terme à une polémique qui ne cessait de se développer, menaçant de ternir la réputation de la France et d’embarrasser ses autorités à quelques jours d’une visite du président de la République en Inde, où l’épave devait être démantelée.

«Au vu du dossier, le président de la République a décidé de rapatrier le navire en France». C’est par ce simple communiqué, publié en début d’après-midi, à Paris, que s’achève, provisoirement, l’odyssée de l’ex-fleuron de la marine nationale française. La déclaration de la présidence intervenait tout juste quelques minutes après la décision du Conseil d’Etat, saisi par quatre associations, de suspendre le transfert du Clemenceau vers le chantier indien de l’Etat du Gujarat où il devait être définitivement désamianté et démantelé.

«Le président de la République a décidé de placer ce navire dans les eaux françaises dans une position d’attente qui offre toute les garanties de sécurité jusqu’à ce qu’une solution définitive soit trouvée pour le démantèlement», précise le communiqué de l’Elysée. En effet, après plusieurs semaines d’interrogations et de polémiques sur ce transfert contesté, ce dernier épisode ne conclut pas le dossier. «La décision (est) suspendue», stipule l’arrêt du Conseil d’Etat. Car la plus haute juridiction administrative française n’a pris qu’une décision provisoire, en attendant le jugement sur la légalité du transfert de l’épave qui sera rendu ultérieurement par le tribunal administratif de Paris d’ici… six mois. Le Clemenceau doit faire route vers le port français de Brest, par le passage du cap de Bonne Espérance, a indiqué en fin d'après-midi la ministre française de la Défense, Michèle Alliot-Marie.

Mise en danger de la santé des travailleurs

Actuellement le Clemenceau croise dans les eaux internationales, au large des côtes indiennes dont l’accès lui était interdit jusqu’à la décision attendue de la Cour suprême de New Delhi. L’arrêt du Conseil d’Etat français et la déclaration de la présidence de la République porte en tout cas un net coup d’arrêt à sa progression vers le fameux chantier d’Alang où l’épave était attendue. Ils mettent également un terme aux protestations qui n’avaient cessé d’enfler, notamment depuis l’appareillage de la coque désarmée et partiellement désamiantée, le 31 décembre 2005.

Jusqu’à cette décision du Conseil d’Etat, soutenue par le président de la République, les péripéties n’avaient cessé de se succéder pour entraver le cours de l’opération et la polémique entamée par les organisations écologistes et les associations des victimes de l’amiante était, depuis quelques jours, abondamment relayée par nombre de responsables politiques français.

L’argument de la mise en danger de la santé des travailleurs indiens, exposés aux particules d’amiante, a manifestement pesé lourdement dans la décision. Dans un communiqué commun publié mercredi après-midi, l’association écologiste Greenpeace et la Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme (FIDH) se félicitent de l’issue de cette affaire et saluent la décision prise par Jacques Chirac. Les deux organisations «demandent que le cas du Clemenceau fasse jurisprudence». Le directeur général de Greenpeace France estime notamment que Paris «doit en tirer toutes les conséquences et élaborer une stratégie nationale de gestion des navires en fin de vie qui organisera leur dépollution avant une possible exportation.»

Le Norway, après le Clemenceau

A l’évidence, Jacques Chirac a pris la mesure de la gravité du dossier et a demandé une contre-expertise «pour établir de manière incontestable les quantités d’amiante» toujours à bord du porte-avions désarmé. Les chiffres vont de 46 tonnes, selon le ministère français de la Défense, à 500 à 1 000 tonnes, selon les associations. Le président français a également déclaré que «la France se doit d’être exemplaire et d’agir dans la plus totale transparence (…) sur le sujet du démantèlement des navires, qui pose au plan mondial des questions de protection de l’environnement». Il réclame une «réflexion européenne» et la mise en place de «normes mondiales rigoureuses qui donnent toutes les garanties de respect du droit social, de la santé des travailleurs et de l’environnement lorsqu’un navire est exporté dans un chantier étranger».

Des déclarations qui tombent dans un contexte particulièrement sensible au moment où le président français est attendu en fin de semaine en Inde où, par ailleurs, on assiste à l’émergence d’un véritable front syndical et associatif sur ces questions de sécurité et d’environnement. Cette conclusion intervient aussi au moment où le chantier bangladais de Sitakundu s’apprête notamment à accueillir un autre ancien joyau amianté des chantiers navals de l’Atlantique de Saint-Nazaire : l’ex-paquebot France, devenu Norway en 1979, que Greenpeace a inclus sur une liste de 50 navires qu’elle craint de ne pas voir décontaminés, avant leur démantèlement.


par Georges  Abou (avec AFP)

Article publié le 15/02/2006 Dernière mise à jour le 15/02/2006 à 16:46 TU