Sida
Des chimpanzés du Cameroun «réservoir naturel» du VIH
(Photo : AFP)
Pan troglodytes troglodytes : c’est ainsi que se nomme la sous-espèce de chimpanzés sauvages chez laquelle des chercheurs internationaux ont identifié la présence du virus SIVcpz, le virus de l’immunodéficience simienne, proche VIH-1 responsable de la pandémie humaine. Il a fallu plus de quatre ans d’observation pour obtenir ce résultat important. Un travail long et minutieux qui a été mené dans la forêt tropicale au sud du Cameroun où vivent ces populations de singes, par des scientifiques des universités d’Alabama (Etats-Unis), Montpellier-1 (France) et Nottingham (Grande-Bretagne), en collaboration avec le Presica (prévention du sida au Cameroun).
Tout est parti, en 1989, des travaux menés par des chercheurs de l’Institut de recherche et de développement (IRD), Eric Delaporte et Martine Peeters, qui ont identifié la présence d’un virus proche du VIH humain sur des chimpanzés captifs au Gabon. La découverte de ce virus, baptisé SIV cpz, a fait penser que l’apparition du VIH-1 pouvait être due à une transmission inter-espèces. Mais pendant longtemps, le SIV cpz n’a été décelé que sur des chimpanzés en captivité. Ce qui ne permettait pas aux scientifiques de confirmer leur hypothèse sur son apparition chez des animaux sauvages, réservoir naturel.
Porteurs sains
Les recherches sur les Pan troglodytes troglodytes sont donc les premières à permettre de vérifier qu’il y a effectivement des espèces de chimpanzés non captifs qui jouent le rôle de porteurs sains d’un virus qui a vraisemblablement été à l’origine de l’apparition du VIH. Pour obtenir ce résultat, les scientifiques ont travaillé sur environ 600 prélèvements de matières fécales recueillis dans la forêt, sur lesquels ils ont réalisé au fur et à mesure deux sortes d’analyses. Il s’agissait d’abord d’obtenir l’empreinte génétique de l’animal pour identifier l’espèce à laquelle il appartenait, puis de déterminer s’il avait des anticorps révélant la présence du virus dans son organisme.
Cela a permis d’identifier l’existence de plusieurs souches de SIV cpz, dont certaines étaient particulièrement proches du VIH-1 du groupe M qui a provoqué la pandémie, et de constater que dans certaines communautés de chimpanzés le virus était très répandu (jusqu’à 35% des individus pouvaient en être porteur). Les chercheurs en ont donc conclu que les Pan troglodytes troglodytes du sud du Cameroun représentaient un réservoir naturel du VIH.
Avancer vers un vaccin
Selon toute vraisemblance, c’est donc dans cette région que le virus a franchi la barrière des espèces il y a 50 ou 70 ans, et a contaminé l’homme. Certainement lorsqu’un chasseur a manipulé ou mangé de la viande infectée dans la brousse. Il aurait pu ensuite le transporter en remontant la rivière Sanaga jusqu’à Kinshasa, en République démocratique du Congo, où le premier cas a été observé en 1959. Soit plus de vingt ans avant que l’on identifie véritablement le sida.
Mais au-delà de l’éclairage qu’elle apporte sur l’origine du sida, cette découverte pourrait surtout permettre d’essayer de comprendre pourquoi un virus si proche du VIH qui fait de tels ravages chez les hommes, ne provoque l’apparition d’aucun symptôme chez les singes qui en sont porteurs. Trouver l’explication de ce phénomène pourrait donc ouvrir la voie à la mise au point de nouveaux traitements et même peut-être d’un vaccin. D’autre part, les chercheurs espèrent qu’en poursuivant leurs investigations ils pourront découvrir si d’autres virus de l’immunodéficience simienne, qui circulent dans la région, sont susceptibles d’être dangereux pour l’homme et de provoquer de nouvelles infections.
par Valérie Gas
Article publié le 26/05/2006 Dernière mise à jour le 26/05/2006 à 16:46 TU