Sida
Le virus va plus vite que les progrès
Source : Onusida
Toujours plus de contaminations et de décès
Trois millions de personnes sont mortes en 2005 de maladies liées au sida. Et cinq millions de nouvelles infections ont été enregistrées la même année. En tout, ce sont 40,3 millions d’individus qui vivent, dans le monde, avec cette terrible maladie. Soit deux fois plus qu’il y a dix ans. Le Nigeria (3,2 à 3,6 millions), l’Afrique du Sud (environ 5 millions) et l’Inde (5,1 millions) sont les trois pays où l’on dénombre le plus de séropositifs.
L’Afrique : première cible du VIH
Même si c’est en Europe orientale, en Asie centrale et de l’Est que l’épidémie progresse le plus vite depuis quelques années, l’Afrique subsaharienne reste la région la plus durement touchée par le sida. Environ 60 % des personnes infectées par le VIH (25,8 millions) vivent sur ce continent qui ne regroupe pourtant que 10% de la population mondiale. Sur les 5 millions de nouveaux contaminés, 3,2 millions sont Africains. Et 2,4 millions d’enfants et d’adultes des pays africains sont morts en 2005 des suites du sida, pour un total mondial de 3 millions de décès enregistrés.
Traitement et prévention : des progrès limités
On n’atteindra pas l’objectif de l’initiative 3X5 (3 millions de personnes ayant accès aux traitements d’ici 2005). Mais selon Badara Samb, du département VIH/sida de l’OMS, il avait été délibérément placé très haut parce qu’il y avait une «obligation morale» de montrer qu’un effort énorme était nécessaire. Environ un million de malades des pays en développement ont actuellement accès aux anti-rétroviraux, ce qui représente un triplement par rapport à 2001 dans les pays à faible et moyen revenu. En Afrique subsaharienne, le nombre de malades sous ARV a été multiplié par trois entre juin 2004 et juin 2005. Cela reste très limité puisque sur le continent africain, seul un malade sur dix est concerné et un sur sept en Asie. Si l’impact des progrès dans l’accès aux traitements n’est pas encore vraiment significatif, Badara Samb estime tout de même que cette mobilisation a permis d’éviter entre 250 000 et 350 000 décès. Reste que dans le domaine de l’accès aux traitements, des obstacles importants demeurent et retardent la mise en œuvre des actions. Le premier se situe bien évidemment au niveau des ressources. Seuls 1,5 milliard de dollars étaient disponibles sur les 3,5 milliards qui auraient été nécessaires pour atteindre les objectifs de l’initiative 3X5. Mais là n’est pas le seul problème. Qui dit traitement dit prescription et suivi. Et les Etats ne disposent pas d’assez de médecins et infirmiers pour encadrer les malades. D’autre part, le problème de la diffusion des ARV au-delà des centres urbains n’est, dans la plupart des pays, pas encore résolu. Tout limités qu’ils soient, les progrès dans l’accès aux ARV ont permis de montrer à quel point le fait d’offrir aux malades l’espoir d’une prise en charge améliore la réception des messages en faveur de la prévention et du dépistage.
Une lueur d’espoir dans quelques pays ?
Si le tableau de l’épidémie est globalement sombre, certains pays ont réussi à obtenir des améliorations. Au Kenya, en Ouganda, au Zimbabwe, dans les zones urbaines du Burkina Faso et dans quelques Etats des Caraïbes (Haïti, République dominicaine, Bahamas), on note une diminution de la prévalence. Michel Sidibé voit dans cette situation un encouragement et note qu’il s’agit de «la première tendance à la baisse depuis deux décennies en Afrique subsaharienne» [il y avait eu à l’époque des signes encourageants en Ouganda et au Sénégal]. Au Kenya, par exemple, le nombre d’adultes infectés est passé de 10% de la population en 1990 à 7% en 2003. Au Zimbabwe, c’est dans la population particulièrement sensible des femmes enceintes qu’une amélioration a été enregistrée. Le taux d’infection y est passé de 26% en 2003 à 21% en 2004. De même, la prévalence chez les femmes enceintes est tombée au Burkina Faso de 4 à 2% entre 2001 et 2003. En Haïti, le rapport d’Onusida voit apparaître les éléments d’une possible inversion de tendance. Dans ce pays fortement touché, le pourcentage de femmes enceintes séropositives a diminué de moitié entre 1993 et 2003-2004. Il est aujourd’hui de 3,1%. Il faut néanmoins nuancer ces résultats encourageants car la baisse de la prévalence est en partie due à la mortalité liée au sida. Ce qui en relativise l’impact.
Les femmes et les enfants : une situation de plus en plus inquiétante
Le dernier rapport d’Onusida avait insisté sur l’augmentation inquiétante de la part des femmes dans les infections. Cette tendance se confirme cette année. Entre 2003 et 2005, le nombre de femmes contaminées a augmenté d’environ un million (16,5 à 17,5 millions). Et elles représentent dorénavant près de 50 % des adultes porteurs du virus. Cette tendance est d’autant plus inquiétante qu’elle se conjugue avec un autre phénomène : l’augmentation du nombre d’enfants (moins de 15 ans) infectés. Sur les quelque 5 millions de nouvelles contaminations durant la dernière année, 2,1 millions étaient des enfants. Et le sida est aujourd’hui à l’origine, en Afrique, de 6,5 % des décès d’enfants de moins de cinq ans contre 2% en 1990. D’autre part, le problème de transmission de virus de la mère à l’enfant demeure très préoccupant dans les pays du Sud car au Nord, il a été pratiquement résolu. Onusida estime que 35 % des enfants nés de mère séropositive contractent le virus si des traitements préventifs ne sont pas fournis. Pour Michel Sidibé, cette situation a un très fort «impact social et psychologique».
Lutter contre la stigmatisation
L’un des handicaps majeurs de la lutte contre le sida vient de la stigmatisation dont sont victimes les personnes infectées. Malgré des efforts de sensibilisation, dans de nombreux pays la peur d’avouer sa maladie motive des comportements à risque et contribue donc à propager le virus. Pour éviter toute discrimination, de nombreuses personnes refusent le dépistage préférant ne pas savoir. D’un autre côté, l’information sur le sida est encore bien limitée. Dans 24 pays d’Afrique subsaharienne (Cameroun, Côte d’Ivoire, Kenya, Nigeria, Ouganda, Sénégal…), l’Onusida estime que les deux tiers des femmes de 15 à 24 ans ne savent pas vraiment comment le sida se transmet.
par Valérie Gas
Article publié le 21/11/2005 Dernière mise à jour le 21/11/2005 à 17:08 TU