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Irak

Zarqaoui : dernière étape d’un itinéraire sanglant

«<em>Les forces de la Coalition ont tué le dirigeant terroriste d'Al-Qaïda Abou Moussab Al-Zarqaoui, le 7 juin, à 18h15, au cours d'une frappe aérienne sur une cachette isolée et identifiée</em>», a annoncé le général américain George Casey, commandant des forces de la coalition en Irak. 

		(Photo : AFP)
«Les forces de la Coalition ont tué le dirigeant terroriste d'Al-Qaïda Abou Moussab Al-Zarqaoui, le 7 juin, à 18h15, au cours d'une frappe aérienne sur une cachette isolée et identifiée», a annoncé le général américain George Casey, commandant des forces de la coalition en Irak.
(Photo : AFP)
Le rôle d’Ahmad Fadil Nazzal al-Khalayleh, alias Abou Moussab al-Zarqaoui, est terminé. Après une traque de plusieurs années, l’ennemi public numéro 1 en Irak et en Jordanie a finalement été « éliminé », selon la formule employée par le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki. Mercredi soir, un avion F16 américain a bombardé le bâtiment où il se trouvait en compagnie d’une dizaine de ses lieutenants, au cœur du triangle sunnite irakien. C’est la dernière étape d’un itinéraire sanglant, qui a conduit l’extrémiste jordanien de sa ville natale Zarqa, à l’Afghanistan, puis « au pays des deux fleuves » : l’Irak.

De notre correspondant à Amman

Issu de l’une des plus importantes tribus sunnites de Jordanie, les Bani-Hassan, Ahmad Fadil grandit dans un ville déshéritée, à 25 kilomètres d’Amman, au sein d’une famille pauvre, logée dans un taudis. Il quitte l’école à 17 ans, erre, vit de petits larcins. A la fin des années 80, il part pour l’Afghanistan comme d’autres Jordaniens perdus, pour mener le djihad contre l’Union soviétique.

Après le retrait de l’Armée rouge, en 1989, Ahmad Fadil décide de revenir en Jordanie. Sur le chemin du retour, il fait une rencontre cruciale, celle de Mohammed Taher al-Barkaoui, alias Abou Mohammed al-Makdissi, un universitaire salafiste qui finira par devenir son mentor. Peu de temps après son retour dans sa ville natale, Ahmad Fadil « l’Afghan » est arrêté et reconnu coupable de conspiration contre la monarchie. Il passera sept ans derrière les barreaux et ne sera libéré qu’à la faveur d’une amnistie signée par le souverain hachémite Abdallah II, lors de son accession au trône.

L’icône de l’insurrection

En 1999, il est à nouveau condamné après le démantèlement d'une cellule d’al-Qaïda en Jordanie, mais réussit cette fois à prendre le large. Commence alors une longue traque, engagée d’abord par les services de renseignement jordaniens, puis par l’armée américaine. Le nom de Zarqaoui apparaît pour la première fois en février 2003, lorsque l’ancien secrétaire d'État américain Colin Powell affirme qu’il est l’agent de liaison entre Oussama ben Laden et Saddam Hussein, une hypothèse démentie par la suite. A cette époque Zarqaoui se rapproche du groupuscule islamiste Ansar-al-Islam, puis fait officiellement allégeance à Oussama ben Laden, après l’invasion américaine en mars 2003.

Pour Washington, il devient vite l’homme à abattre, l’icône honnie de l’insurrection. Le Jordanien est soupçonné d’être l’auteur direct, ou le commanditaire, de dizaines d’attaques et de centaines de morts en Irak. Il revendique d’ailleurs régulièrement ses « opérations » par des messages sonores diffusés sur internet. Il endosse notamment la responsabilité de l’attaque contre le siège de l’ONU à Bagdad en août 2003, ainsi que de dizaines d’attentats suicide.

Victoire symbolique

Dans son pays natal, la liste des attentats ou tentatives d’attentats qui lui sont imputés est longue. Le terroriste aux multiples visages a été du reste condamné à mort par contumace à quatre reprises. Il est l’homme qui a fait vaciller le mythe de la Jordanie comme modèle de stabilité, en frappant au cœur d’Amman, une ville réputée pour être la plus sûre de la région. En novembre 2005, les kamikazes qui agissaient sous ses ordres avaient tué plus de 60 personnes, dans trois hôtels de la capitale jordanienne.  Dès lors, la relative sympathie dont il bénéficiait auprès d’une minorité de la population locale a laissé place à de la révolte. Les Jordaniens, écœurés par le bain de sang au cours duquel une majorité de civils musulmans avaient trouvé la mort, sont sortis massivement dans la rue pour dénoncer le terrorisme.

Aujourd’hui rien ne laisse penser que la disparition d’Abou Moussab al-Zarqaoui contribuera à juguler la menace terroriste en Jordanie, et à plus forte raison en Irak. Pour les spécialistes des « moukhabarates », les services de renseignement du royaume, la mort de l’ennemi public numéro 1 représente avant tout une victoire symbolique. La lutte contre le terrorisme reste un travail de longue haleine, souligne un ancien haut responsable, « car les têtes de la nébuleuse djihadiste repoussent aussitôt coupées ».



par Nazim  Ayadat

Article publié le 08/06/2006Dernière mise à jour le 08/06/2006 à TU