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Agriculture

L’Afrique s’offre au coton transgénique

Au-delà du choix des OGM, la filière africaine du coton a du mal à s’en sortir. 

		(Photo: Monique Mas/RFI)
Au-delà du choix des OGM, la filière africaine du coton a du mal à s’en sortir.
(Photo: Monique Mas/RFI)
A l’occasion d’un séminaire à Ouagadougou, huit pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre, annoncent qu’ils vont se lancer dans la culture de coton transgénique. Bénin, Burkina Faso, Mali, Tchad, Cameroun, Côte d’Ivoire, Ghana et Togo veulent diversifier leur production. L’idée est également de travailler à l’échelle régionale dans le domaine de la recherche.

Les ministres du Commerce et de l’Agriculture du Bénin, du Burkina Faso, du Mali et du Tchad ont assisté à ce séminaire à Ouagadougou ainsi que des représentants du Cameroun, de Côte d’Ivoire, du Ghana et du Togo. Tous ont un secteur cotonnier important. Cette réunion était organisée par la Banque mondiale et l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour parler de la filière et chercher à renforcer ses atouts. Il a été notamment décidé de passer, en partie, au coton génétiquement modifié. 

Un centre régional de biotechnologie sera créé  dans l’un de ces pays producteurs ainsi qu’un observatoire régional des intrants agricoles, c’est-à-dire des additifs utilisés tout à la fois pour augmenter les rendements et supprimer les parasites et les mauvaises herbes. Une des recommandations adoptées à l’occasion de ce séminaire indique qu' « en plus des engrais, il y a lieu d’intégrer la question des semences et le passage aux OGM (organismes génétiquement modifiés) ». Le centre permettra donc d’observer l’évolution de la qualité des terres et la productivité. Ce centre de recherches étudiera toutes les pratiques agricoles en allant des plus traditionnelles utilisant des produits chimiques jusqu’aux plus novatrices utilisant des plants de coton transgéniques.

La possibilité de mener ces études agronomiques séduira probablement bien des chercheurs africains souvent tentés de partir dans les pays du Nord pour progresser dans leurs travaux. Pourtant, ce futur centre de recherche représente probablement la contrepartie offerte par les bailleurs de fonds aux pays producteurs de coton pour qu’ils se lancent dans la culture de coton génétiquement modifié.

L’exception du Burkina Faso

Jusqu’à présent, de tous ces pays, seul le Burkina Faso a commencé, en 2003, des cultures expérimentales de coton transgénique en collaboration avec le groupe américain Monsanto. D’autres pays producteurs se sont interrogés, comme le Mali. Pour commencer, Bamako a regardé l’expérience sud-africaine. Dans ce pays d’Afrique australe, les quatre-cinquièmes de la production de coton sont d’origine OGM. Et c’est Monsanto, l’un des rares groupes mondiaux à avoir mis au point des semences OGM, qui a convaincu le gouvernement de passer aux organismes génétiquement modifiés. Car l’Afrique du Sud plante également du soja et du maïs transgéniques en moins grande proportion.

A part le Burkina Faso, aucun des autres pays présents à cette réunion de Ouagadougou n’avait donc fait le pas. Lors d’une précédente réunion il y a tout juste deux ans, toujours à Ouagadougou, quatre chefs d’Etat ouest-africains s’étaient déclarés « favorables » à l’utilisation des organismes génétiquement modifiés dans leur agriculture, tout en voulant d’abord s’assurer que cette technologie agricole ne représente « aucun danger pour les populations et l’environnement ». Amadou Toumani Touré du Mali, John Kufuor du Ghana, Mamadou Tandja du Niger et Blaise Compaoré du Burkina Faso avaient donc dit « oui mais » à l’occasion de cette réunion organisée par le gouvernement américain. John Penn, le vice-ministre de l’Agriculture, était venu en personne présenter aux leaders africains « les avantages » de la biotechnologie.

Le Niger n’est pas venu au tout dernier rendez-vous. Lors du précédent, celui de 2004, le président Tandja avait déclaré : « C’est la vérité que la biotechnologie a révolutionné l’agriculture et pourrait tout aussi bien être utilisée pour améliorer les performances de l’agriculture africaine. Mais il me paraît fondamental que soient minutieusement étudiés et mis en exergue tous les contours de cette délicate question afin de nous édifier sur les impacts environnementaux, économiques et sociaux de cette matière encore peu connue de nos pays ».

Aller de l’avant

Un collectif d’organisations non gouvernementales burkinabé avait, il y a deux ans, présenté les OGM comme un « danger » pour l’Afrique, demandant un moratoire de cinq ans avant l’introduction de cette technologie agricole dans leur pays. Aujourd’hui le ministre de l’Agriculture du Burkina Salif Diallo souligne qu’« il est urgent d’aboutir à des décisions rapides et courageuses pour éviter de tomber dans le paradoxe des débats interminables ».

Car au-delà du choix des OGM, la filière africaine du coton a du mal à s’en sortir. Comme dans les autres secteurs économiques, le prix du baril de pétrole augmente les coûts. Et les producteurs américains et européens sont encore trop subventionnés, ce qui empêche les Africains de trouver leur place sur le marché mondial. Le ministre burkinabé de l’Agriculture a donc appelé de ses vœux la création d’un fonds de « lissage », demandant aux Etats-Unis et à l’Union européenne de prendre une part active à la création de ce fonds. Son objectif serait de « permettre au petit paysan de maintenir un prix acceptable pour son coton, de ne pas mourir avant que les négociations (à l’Organisation mondiale du commerce) ne se terminent ».

Plusieurs pays africains se sont depuis peu lancés dans le coton labellisé Max Havelaar, donc presque bio, le respect de l’environnement faisant partie des critères de labellisation du commerce équitable. Les producteurs sont donc en train de faire le grand écart entre une agriculture à connotation sociale et une autre, la plus technologique qui soit. 



par Colette  Thomas

Article publié le 21/06/2006Dernière mise à jour le 21/06/2006 à TU