Immigration
Parrains républicains pour enfants sans-papiers.
(Photo : AFP)
Le 30 juin marque la date de fermeture des établissements scolaires et, ce faisant, la fin d’un sursis à l’expulsion que le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy avait accordé aux élèves de familles immigrées en situation irrégulière. A deux jours de l’expiration du délai, la mobilisation des enseignants et des parents d’élèves s’intensifie dans l’espoir de leur apporter un soutien et une « protection ». Ici des maîtresses et des parents d’élèves démarchent pour « monter des dossiers de régularisation, un boulot énorme », de l’avis d’un parent d’élève ; là des familles se déclarent prêtes à « cacher des enfants » pour les « mettre à l’abri » de toute intervention musclée des forces de police. Un peu partout en France, symboliques et sans valeur juridique, « les parrainages républicains » se multiplient.
Ressortissants du Maghreb, d’Europe de l’Est, d’Asie, d’Afrique, les filleuls bénéficient en fait d’un appui moral et d’une aide logistique de parrains qui « prennent l’engagement solennel de protéger et d’agir pour [leur] régularisation », explique Richard Moyon, le porte-parole de Réseau éducation sans frontières (Resf). « Le parrainage consiste à prendre sous sa protection [des familles en situation irrégulière]. C’est un défi aux lois qui fabriquent des sans-papiers. Ils ont commencé en janvier. C’est un mouvement protéiforme qui prend une ampleur énorme aujourd’hui. Ils peuvent être individuels ou collectifs, et sont organisés dans des mairies, des églises, des écoles, des cinémas et même au Sénat. Nous en recensons plusieurs centaines », a assuré Richard Moyon.
A Marseille (sud), Resf a organisé samedi une cérémonie qui a dépassé ses espérances, totalisant quelque 400 parrainages pour 700 à 800 adultes et enfants par des familles, des associations et des syndicats. La semaine dernière, au Sénat, une dizaines de parlementaires de gauche ont assisté à une cérémonie de parrainage de familles africaines et asiatiques. Samedi, le maire socialiste de Paris, Bertrand Delanoë, a symboliquement remis un certificat de parrainage aux enfants de douze familles menacées d’expulsion, un certificat susceptible d’apporter son poids dans l’étude des dossiers de régularisation.
Les préfectures face à une explosion de demandes de régularisation
Dans les deux circulaires en date du 13 et 14 juin, le ministre proposait qu’une offre financière d’aide au retour dans le pays d’origine soit faite aux familles d’immigrés dont au moins un enfant est scolarisé (4 000 euros pour le demandeur, plus 3 000 euros pour le conjoint, plus 2 000 euros pour chacun des trois premiers enfants, et 1 000 euros à partir du quatrième enfant). Il autorisait également que les préfets, en cas de refus de cette aide, « réexaminent » la situation des familles « en vue d’une admission au séjour à titre exceptionnel et humanitaire », en tenant compte de six critères :
- au moins l’un des parents doit avoir sa résidence habituelle en France, depuis au moins deux ans
- au moins un des enfants doit être scolarisé depuis septembre 2005
- un enfant doit être né en France ou être entré en France avant l’âge de 13 ans
- l'absence de lien entre l’enfant et le pays dont il a la nationalité
- la contribution effective du ou des parents à l’entretien et l’éducation des enfants
- une réelle volonté d’intégration des familles
Quelque douze jours après la parution de ces circulaires, la confusion semble régner dans les préfectures prises d’assaut par une explosion de demandes de régularisation –lesquelles doivent être enregistrées avant le 15 août prochain (la rentrée scolaire se fera le 4 septembre). Sans avoir forcément à l'esprit les critères mis en avant par la circulaire adressée aux préfets par le ministre de l'Intérieur, et au risque de considérer un peu trop rapidement que l’inscription scolaire vaut pour une carte de séjour, les familles se sont précipitées en début de semaine dans les centres de réception des étrangers (CRE) des préfectures, faisant la queue des heures durant.
Resf évalue entre 50 000 et 100 000 le nombre d'enfants étrangers scolarisés en France, dont les parents sont sans papiers. Ecartant l’idée d’une régularisation massive qu’il estime « irresponsable », Nicolas Sarkozy a annoncé la nomination d’un «médiateur national» chargé d’harmoniser l’application de la circulaire dans les différentes régions.
par Dominique Raizon
Article publié le 28/06/2006Dernière mise à jour le 28/06/2006 à TU