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Immigration

Sélection plus sévère

7 mai 2006: occupation de l'église Saint-Merri de Paris en signe de protestation contre le projet de loi sur l'immigration.(Photo : AFP)
7 mai 2006: occupation de l'église Saint-Merri de Paris en signe de protestation contre le projet de loi sur l'immigration.
(Photo : AFP)
Les députés ont achevé, dans la nuit de mercredi à jeudi, l’examen du projet de loi du ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy sur l’immigration, qui entend substituer une immigration « choisie » à une « immigration subie ». Pour attirer les étrangers les plus diplômés, la création d’une « carte compétences et talents » a été entérinée. En revanche, pour les autres travailleurs, entre « carte salarié », « carte temporaire » et « carte saisonnier », les conditions d’obtention des cartes de séjour sont plus strictement encadrées, et sonnent la fin du principe de régularisation automatique au terme de dix années de présence sur le territoire français. Le vote solennel du texte aura lieu mercredi 17 mai, et examiné au sénat les 6 et 7 juin prochain.

Mieux vaudra désormais, pour un candidat à l’immigration en France, être chercheur, artiste ou sportif de haut niveau, que travailleur sans qualification. Le projet de loi Sarkozy en faveur d’une « immigration choisie » plutôt que « subie » a été adopté par les députés au terme de  débats houleux. Globalement, le texte durcit les modalités d’entrée et de séjour des étrangers en France et les conditions requises pour accéder au regroupement familial ; il abroge les régularisations automatiques de « plein droit » après dix ans de présence sur le sol français, et renforce les mesures de reconduites à la frontière. Les orateurs PS et PC ont eu beau souligner avec véhémence que l’adoption du projet risquait de déstabiliser la société et d’accentuer la discrimination, les députés ont donné, dans la nuit de mercredi à jeudi, le feu vert au projet qui sera voté solennellement le mercredi 17 mai, et examiné au sénat les 6 et 7 juin prochain.

La lutte sera plus  ferme contre l’immigration clandestine

Le texte abroge la régularisation de plein droit des « sans-papiers » qui vivent sur le territoire français depuis plus de dix ans. La régularisation des situations sera établie au cas par cas par les préfets, après avoir demandé leur avis aux maires. Le ton est plus musclé : tout étranger auquel on aura refusé un titre de séjour, ne sera plus « invité à quitter le territoire dans un délai d’un mois », mais aura « obligation à quitter le territoire dans le délai d’un mois ». Cette « obligation » sera exécutoire d’office par l’administration : l’étranger en situation irrégulière pourra alors être placé en rétention et conduit à la frontière -sans qu’il soit besoin de lui notifier par ailleurs un arrêté de reconduite à la frontière. Unique, cette décision fixera également le pays vers lequel l’étranger sera renvoyé.Toutefois, un amendement stipule que l’étranger à qui est notifié cette obligation à quitter le territoire disposera de 15 jours pour solliciter un dispositif d’aide au retour.

Quatre types de cartes de séjour

Le projet institue une nouvelle carte, intitulée « la carte compétences et talents », valable trois ans et renouvelable, pour faciliter l’accueil des étrangers dont « le talent constitue un atout pour le développement et le rayonnement de la France », comme le stipule le texte. Elle s’adresse aux étrangers les plus diplômés (choisis dans leurs pays d’origine par les « Centres d’études en France ») qui souhaiteraient soit travailler soit poursuivre un cursus dans une université française. Cette carte s’adresse également aux artistes et aux sportifs de haut niveau. Pour être autorisés à séjourner en France, les autres travailleurs étrangers devront disposer soit de  la « carte salarié », soit de la « carte temporaire », soit de la « carte saisonnier ».

« Le contrat d’accueil et d’intégration »

Pour obtenir une carte de séjour, il faudra auparavant avoir obtenu un visa long séjour. Tout nouvel émigré, désirant s’établir durablement, devra s’engager à suivre une formation linguistique et civique pour « se conformer aux principes de la République française » : « Le contrat d’accueil et d’intégration ». Il était facultatif jusqu’à présent, il devient obligatoire. Cet article permet, selon l’exposé des motifs du projet de loi « que les étrangers admis à séjourner durablement sur le territoire fassent l’objet en amont, d’un choix par l’autorité consulaire, dans leur pays d’origine », et soient ainsi « clairement identifiés », a précisé Christian Estrosi, ministre de l’Aménagement du territoire.

Mariages mixtes et regroupement familial sous contrôle

Désormais lié aux conditions de ressources, de travail et de logement, le rapprochement familial sera plus difficile à obtenir. La gauche a bataillé ferme et, au terme des discussions, « le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu’en cas de fraude, d’annulation du mariage ou de menace à l’ordre public ». Par ailleurs, les députés ont entériné la possibilité, en cas de rupture de vie commune (sauf décès), de retirer son titre de séjour à un conjoint arrivé en France au titre du regroupement familial. Les députés ont également discuté de l’acquisition de la nationalité française, et rendu obligatoire la cérémonie d’accueil dans la citoyenneté de tous les naturalisés. Elle aura lieu sous l’autorité des préfets qui pourront en déléguer la responsabilité aux maires.

la France ferme un peu plus ses frontières

« J’ai honte, c’est une disposition ségrégationniste, cela veut dire que lorsqu’on a une couleur de peau différente, on doit gagner plus qu’un blanc », s’est insurgé le député socialiste Bernard Roman à propos des conditions financières requises pour prétendre au rapprochement familial. « Moi j’ai honte qu’on accueille une famille dans 8 m² », a répondu le rapporteur du texte, Thierry Mariani, député UMP, plaidant en faveur dune « qualité minimale du logement », expliquant que, selon lui, il ne s’agissait « pas de multiplier des obstacles mais de multiplier des chances d’intégration ».

Avec un tel projet, la France ferme un peu plus ses frontières et durcit les procédures d’intégration pour les ressortissants qui se trouvent sur son sol. Le collectif Uni contre une immigration jetable -composé de 460 associations de défense des droits de l’Homme et organisations religieuses- dénonce cette réforme du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Cedesa). Selon ce collectif, cette loi constitue une « hiérarchie et un tri entre les personnes humaines en fonction de leur rentabilité et de leurs origines » et un appel à une manifestation nationale a été lancé samedi 13 mai.


par Dominique  Raizon

Article publié le 11/05/2006 Dernière mise à jour le 11/05/2006 à 17:31 TU