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France

Sarkozy veut «une immigration choisie»

Le gouvernement a travaillé dans un «esprit collégial», a insisté Dominique de Villepin (à D.), accompagné de Nicolas Sarkozy.(Photo : AFP)
Le gouvernement a travaillé dans un «esprit collégial», a insisté Dominique de Villepin (à D.), accompagné de Nicolas Sarkozy.
(Photo : AFP)
L'avant-projet de loi présenté par le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy au Comité interministériel de contrôle de l’immigration définit les contours de sa nouvelle politique d’« immigration choisie et non subie ». Durcissant les règles d’entrée et de séjour des étrangers, cet avant-projet suscite d'ores et déjà des réactions de rejet à gauche et à l'extrême-droite.

La France est le « premier pays d’accueil des demandeurs d’asile », 2004 a été une «  année de grande stabilité des flux migratoires » et, entre 2004 et 2005, la « progression de l’immigration familiale a continué d’augmenter » : telles sont, dans les grandes lignes, les conclusions auxquelles aboutit un rapport sur la politique migratoire sur lequel Nicolas Sarkozy s'est appuyé pour présenter, jeudi, au Conseil interministériel de contrôle de l’immigration, son avant-projet de loi. Le ministre de l’Intérieur va défendre sa politique d’ « immigration choisie et non plus subie », un concept dont il entend faire le « principe fondateur de la nouvelle politique d’immigration ». Le projet de loi devrait ensuite passer devant le Parlement en mai prochain.

D’après l’office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), le nombre de demandeurs d’asile a légèrement augmenté, passant de 61 993 (2003) à 65 614 (2004), mais le nombre de titres de séjour délivrés en 2005 a baissé de près de 2% entre 2004 et 2005. Le gouvernement s’appuie sur les chiffres de 2005 pour se féliciter de la stabilité migratoire qu’il attribue aux lois sur l’immigration et l’asile votées en 2003, plus restrictives et plus contraignantes. L'avant-projet envisage de durcir les règles d’entrée et de séjour des étrangers sur le sol français, et de maintenir la politique de lutte contre l’immigration clandestine et les situations irrégulières. A l'UMP, François Fillon, conseiller politique de Nicolas Sarkozy, a argué que « l'intégration républicaine ne peut pas fonctionner si la France est ouverte à tous les vents. (…) « Notre pays n'a pas vocation à vivre replié sur lui-même, mais il n'a pas, non plus, les moyens d'accueillir décemment tous ceux qui voient en lui un eldorado ».

Des objectifs quantitatifs prévisionnels

Opposé à la régularisation automatique des immigrés clandestins vivant en France depuis plus de dix ans, Nicolas Sarkozy entend radicaliser les contrôles selon des « objectifs chiffrés de visas et de titre de séjour » qui seront fonction des « capacités d’accueil en matière d’emploi, de logement et d’éducation ». Par ailleurs, les candidats à l’immigration devront s’engager à apprendre le français. Les demandes de rapprochement familial ayant quasiment triplé en 4 ans (passant d’environ 5 000 à environ 14 000), le gouvernement veut durcir le contrôle : l’étranger résidant en France et souhaitant obtenir la carte « vie privée et familiale » devra désormais prouver qu’il peut faire vivre sa famille sans faire entrer en ligne de compte les diverses allocations auxquelles sa nouvelle situation familiale lui donnera droit.

Avec quelque 50 000 unions enregistrées en 2004, le mariage avec un Français se trouve en ligne de mire car il constitue la première voie d’entrée en France. Dans le but de lutter contre l’abus des unions mixtes aux seules fin d’obtenir des papiers ouvrant droit au séjour, le mariage ne suffira donc plus pour obtenir ce droit, il faudra désormais justifier de trois ans de vie commune. Quant aux mariages célébrés à l’étranger, ils devront être précédés d’une audition devant le consul –lequel pourra émettre des réserves, voire entamer une procédure d’opposition.

En ce qui concerne les candidats aux études en France, Nicolas Sarkozy propose la création d'une « carte spéciale » qui serait délivrée aux « meilleurs » étudiants en contrepartie de « l'obligation de retourner chez eux afin qu'ils rendent à leur pays une partie du bénéfice de leur formation ». Plus généralement, il préconise un système « d'immigration à points » qui donnerait la priorité à un étudiant faisant le choix d'une voie universitaire « pour laquelle on manque d'étudiants (...).Une carte de séjour d'une durée de trois ans sera proposée aux migrants hautement qualifiés comme les scientifiques, informaticiens ou artistes.»

Un avant-projet de loi fustigé à droite et à gauche

« Ne seront ‘acceptables’ que les étrangers perçus comme rentables pour l’économie française », reprochent ensemble les milieux associatifs qui ont uni leurs voix à celle des  partis de gauche -Verts, parti communiste (PC) et LCR. « C’est le pays qui se sert », a déclaré pour sa part Julien Dray, porte-parole du PS qui estime que « sans coopération avec les pays d'origine, sans partenariat, il n'y a pas de maîtrise des flux migratoires » et qui plaide en faveur d’une « immigration partagée ».

Le ministre de l’Intérieur est vivement critiqué par l’ensemble de la gauche et par Patrick Weil, chercheur spécialiste de l’immigration au CNRS, qui accuse Nicolas Sarkozy de vouloir « séduire la partie la plus à droite de l’électorat ». Il l’est également par l’extrême-droite : Bruno Gollnish, délégué général du Front national, considère en effet que cette « immigration choisie » est « de nature cosmétique ». Ce dernier va même jusqu’à considérer que l’accueil de migrants hautement qualifiés n’est autre qu’une « politique de négriers des temps modernes ». Toujours à droite, le président du Mouvement pour la France, Philippe de Villiers défend quant à lui une « immigration zéro ».

Nicolas Sarkozy a toutefois l’assurance de ne pas être isolé dans son projet. « Nous avons défini un corps de règles qui, je crois, permet à notre société de trouver le bon équilibre », a déclaré dimanche le Premier ministre, Dominique de Villepin, soulignant  que, sur ce dossier, le gouvernement avait travaillé dans un « esprit collégial ».


par Dominique  Raizon

Article publié le 08/02/2006 Dernière mise à jour le 10/02/2006 à 10:28 TU