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Des milliers d’élèves sans papiers menacés d’expulsion

Manifestation organisée par le Réseau éducation sans frontières (RESF) contre les expulsions d'élèves et de parents sans papiers, le 1er février 2006 à Toulouse.(Photo: AFP)
Manifestation organisée par le Réseau éducation sans frontières (RESF) contre les expulsions d'élèves et de parents sans papiers, le 1er février 2006 à Toulouse.
(Photo: AFP)
Nés en France, bien intégrés, et scolarisés mais sans-papiers : des milliers d’enfants et d’adolescents sont menacés de reconduite à la frontière après le 30 juin, une date fatidique qui marque à la fois la fin de l’année scolaire et de la suspension des procédures d’expulsion. Réseau éducation sans frontières (RESF) et associations de défense des sans-papiers redoublent de vigilance aux côtés des familles et des enseignants qui se mobilisent.

Le 30 juin prochain, écoles, collèges et lycées fermeront les portes pour deux mois de « grandes vacances », mais ce n’est pas dans la gaieté que Patimat, Samira, Zineb, Kombo ou Limar, comme des milliers d’autres enfants étrangers de familles en situation irrégulière,  voient arriver la date fatidique. Sans-papiers, ils ont plutôt l’angoisse au ventre. Bien que nés en France et fréquentant les établissements scolaires de différentes régions de l’Hexagone, ils tombent sous le coup de la menace d’expulsion induite par la circulaire que le ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, avait envoyée le 31 octobre dernier aux préfets, leur demandant de « ne pas mettre à exécution avant la fin de l’année scolaire, l’éloignement des familles dont un enfant est scolarisé depuis plusieurs mois ».

Le 11 mai dernier, derrière le mot d’ordre « Nous les prenons tous sous notre protection », Réseau éducation sans frontières (RESF) -qui regroupe 80 organisations nationales et collectifs depuis juin 2004- a lancé une pétition invitant à la solidarité citoyenne pour « parrainer, protéger et même héberger » ces jeunes et leurs familles, quitte à enfreindre la loi, pour les protéger au-delà du 30 juin 2006. Cet appel à la désobéissance civile a déjà recueilli près de 30 000 signatures et, un peu partout en France (comme à Brest en Bretagne, Lyon au centre, ou Carcassonne et Toulouse dans le sud), établissements scolaires et associations se mobilisent et organisent des comités de défense.

Des mouvements de grève dans les établissements scolaires pour manifester une solidarité, des lettres de soutien, des accompagnements dans les démarches administratives pour demander des régularisations, des pétitions et des manifestations dans les préfectures, voire des hébergements clandestins des enfants menacés sont autant d’initiatives qui ont spontanément fleuri au lendemain des déclarations de Nicolas Sarkozy souhaitant reconduire à la frontière cette année quelque 26 000 étrangers sans-papiers. Aussitôt sur le pont, les écoles et les associations de familles se sont mobilisées pour éviter qu’à la faveur de l’été les enfants de ces familles soient expulsés.

« Nous ne laisserons pas détruire la vie de ces enfants et de leurs parents

A Angers (Maine et Loire) des parents d’élèves ont occupé symboliquement une école maternelle pour réclamer la régularisation d’une famille originaire du Kirghizstan ; à Paris, dans le XXe arrondissement, des foyers du quartier parrainent des familles, l’une égyptienne, l’autre chinoise, une autre africaine pour protéger leurs enfants : « Nous demandons instamment au préfet de police de Paris de régulariser les parents de nos élèves dont toute la vie est désormais en France, des parents sans titre de séjour, ce sont des enfants en danger, dont la scolarité et la vie de famille sont perpétuellement menacés », ont écrit parents, enseignants et voisins du groupe scolaire. A la Croix-Rousse, un quartier défavorisé de Lyon, un noyau d’une vingtaine de parents se mobilisent pour cacher Samira, une petite Arménienne : « C’est très angoissant. On se demande souvent comment il faut réagir pour ne pas mettre les enfants en danger si des policiers s’approchent », déclare une maman qui abrite un de ces fugitifs en sursis.

Comme eux, « des milliers d’enfants, de jeunes et de leurs familles risquent l’expulsion en masse. (…) Nous ne laisserons pas détruire la vie de ces enfants, de ces adolescents et de leurs parents. Ils sont nos élèves, les copains de nos élèves ou de nos enfants. Ils ont commencé d’étudier dans ce pays, ils en parlent la langue, ils ont les mêmes joies et, hélas, des soucis bien plus grands que les camarades de leur âge. S’ils décident (ou plus jeunes, si leurs parents décident) d’échapper à une expulsion, honteuse, nous les y aiderons » : c’est en ces termes qu’est rédigée la pétition lancée par Resf sur Internet le 21 mai dernier. D’après Richard Moyon, un des porte-parole de l’association, ils sont déjà quelque 30 000 signataires à avoir manifesté leur soutien, parmi lesquels de nombreuses personnalités de gauche comme Jack Lang, Marie-George Buffet, des écrivains et des comédiens.

« Une société, une République, cela doit être capable de faire des choix, cela doit définir des principes et être capable de s’y tenir », a déclaré le Premier ministre, Dominique de Villepin, lors de sa conférence de presse mensuelle. « La règle de la République, c’est la règle de la République, et elle doit être respectée. Donc, que nous puissions faire une exception dans une période particulière, pour prendre en compte des situations spécifiques, c’est normal et c’est la preuve que la République est humaine. Mais cela ne veut pas dire que les règles de la République doivent être bafouées », a-t-il ajouté.

Un Equatorien, père de deux enfants scolarisés à Paris, qui devait être expulsé mi-mai de Roissy, a finalement été laissé en liberté « après réexamen de sa situation en liaison avec les services de la préfecture de Police », souligne Resf ; Une Malienne, Mariam Sylla, qui était expulsée de la France le 13 mai, est revenue mercredi à Paris en compagnie de sa fille Aïssata (3 ans) et de son fils Mohamed (5 ans). L’arrêté d’expulsion menaçant une Angolaise et sa fille a été annulé par le tribunal de Rouen « compte tenu de l’émotion suscité dans la communauté éducative et de la position des élus de la ville ». Un père renvoyé en Chine a pu, grâce à une forte résistance des parents et des enseignants, revenir et obtenir un titre de séjour d’un an avec autorisation de travail. Une Algérienne, sous le coup d’un arrêté d’expulsion a obtenu un titre de séjour pour dix ans en France. Autant d’exemples qui attestent que la mobilisation massive peut aussi porter ses fruits et inciter l’administration à reconsidérer les dossiers et ses décisions.



par Dominique  Raizon

Article publié le 01/06/2006Dernière mise à jour le 01/06/2006 à 17:55 TU

Les documents

Circulaire du 30 octobre 2004 du ministère de L'Intérieur et Aménagement du territoire

Circulaire qui rappelle les modalités d'accueil des ressortissants étangers en situation irrégulière sollicitant leur admission au séjour en France.

Les liens

WEB

Le site du réseau éducation sans frontière

Audio

Stéphane Lagarde

Journaliste à RFI

«Partout en France, les manifestations contre les expulsions d'enfants scolarisés se multiplient.»

[01/06/2006]

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