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Chine

La corruption entache les Jeux

Construction du stade national de Beijing pour les Jeux olympiques d'été de 2008 en Chine. 

		(Photo : AFP)
Construction du stade national de Beijing pour les Jeux olympiques d'été de 2008 en Chine.
(Photo : AFP)
A l’occasion du 85e anniversaire du Parti communiste, le président Hu Jintao a demandé d’intensifier la lutte contre la corruption. Les Jeux olympiques approchent et la Chine voudrait s’y montrer sous son meilleur jour. Pour le moment, des scandales éclatent. Ils concernent en général des cadres du parti qui sont la plupart du temps dénoncés.

Dans son discours célébrant le 85e anniversaire du Parti communiste chinois (PCC), le président Hu Jintao a appelé les cadres du parti à intensifier la lutte contre la corruption. Le président chinois, qui est également secrétaire général du PCC, a prié les 70 millions de membres du Parti de veiller à ce combat et de faire « des efforts minutieux ». Hu Jintao a souligné que « la corruption est un problème sérieux dans certaines zones ». « Certains dirigeants et cadres usent de leur position pour en tirer des avantages, ils sont corrompus, prennent des pots-de-vin et violent la loi. Les cas de corruption sont fréquents », a encore déclaré le chef de l’Etat chinois dans ce discours anniversaire.  

La Chine voulait organiser les Jeux, événement mondial dont la date approche puisqu’ils se dérouleront dans deux ans. Les autorités veulent montrer leur pays sous son meilleur jour et surtout la capitale, ville d’accueil des compétitions. D’où une intensification de la chasse aux corrompus. Les membres du Parti semblent tous concernés. Qu’il s’agisse de questions foncières, immobilières, judiciaires ou bancaires, toute transaction semble, en Chine, donner lieu à dessous de table en faveur de celui qui détient le pouvoir.

La « grande lessive » voulue par le président chinois a donc pris de l’ampleur à l’approche des Jeux. La toute dernière affaire, relatée par l’agence de presse officielle Chine Nouvelle, touche le numéro deux de la Marine chinoise. Wang Shouye a été limogé pour corruption et abus de pouvoir. Sa maîtresse l’a dénoncé aux autorités. Cet homme de 62 ans aurait abusé de son pouvoir en demandant des pots-de-vin. L’agence de presse Chine Nouvelle parle également à son sujet de mœurs dissolues. La maîtresse avait probablement une rivale.

C’est presque toujours la jalousie qui met au jour les affaires de corruption, qu’il s’agisse d’une femme ou d’un collègue envieux. Récemment, l’affaire la plus retentissante remonte au 11 juin. L’adjoint au maire de Pékin chargé des travaux pour les Jeux olympiques a été limogé pour « corruption et débauche ». Liu Zhihua, 57 ans, s’occupait de la construction des stades, des rocades et autres gratte-ciel destinés à rendre Pékin fonctionnelle et attrayante pour cette grande échéance de 2008. Liu Zhihua brassait beaucoup d’argent. Son budget, pour construire ces infrastructures, se chiffrait en dizaines de milliards de dollars.

Un quotidien hongkongais, le Wen Wei Po, a raconté, au moment où l’homme le plus important de la municipalité a été arrêté, que c’est une histoire de pot-de-vin qui est à l’origine de sa disgrâce. Liu Zhihua a demandé une commission à « un homme d’affaires étranger » dont on ne connaît pas la nationalité. Ce dernier voulait acheter un terrain à proximité d’un stade où va se dérouler une partie des Jeux. Le pot-de-vin a été versé, le vice-maire l’a empoché mais n’a pas donné suite. L’étranger l’a dénoncé aux autorités.

Le classique de la dénonciation

Le quotidien hongkongais a également raconté que Liu Zhihua vivait luxueusement dans une villa construite à une heure de route du village olympique et qu’« il entretenait plus d’une maîtresse qui jouissaient d’une grande influence ». Un autre journal de Hong Kong, le Ming Pao, affirme que l’une des concubines aurait, elle aussi, dénoncé Liu Zhihua par jalousie.

La personnalité la plus puissante de la municipalité a été limogée et le comité d’organisation des Jeux a pris ses distances. Ce comité, le Bocog, a affirmé que cette affaire « n’affectera pas la préparation » des JO. C’est pourtant le plus grand scandale qui éclabousse la mairie de Pékin depuis une dizaine d’années. Au milieu des années 90, un autre membre influent du conseil municipal de la capitale s’était suicidé dans des conditions mystérieuses en raison d’une précédente affaire de corruption.

« Résistez à la corrosion des idées pourries et négatives comme l’adoration de l’argent, l’hédonisme et l’extrême individualisme », a encore déclaré le président chinois à l’occasion de ce discours anniversaire.  Les révélations concernant Liu Zhihua ont atteint son entourage. Liu Xiaoguang, président de Beijing Capital Land, l’un des groupes immobiliers les plus connus de Chine, a lui aussi été arrêté. Puis ce fut le tour d’une deuxième personnalité politique, Jin Yan, adjoint du vice-maire, chargé du Bureau de la Construction de la mairie. Tous deux sont accusés d’avoir profité du système occulte.

A la veille de l’intervention du président chinois, deux autres membres du Parlement ont été évincés, rapporte encore l’agence de presse officielle Chine Nouvelle. L’un, homme d’affaires, est accusé de « collecte illégale de fonds ». L’autre est chef d’entreprise. Il est coupable « d’évasion fiscale ».

Les Jeux et le reste

La corruption ne touche pas que la préparation des Jeux de 2008. Elle gangrène également les entreprises et les institutions financières. D’ailleurs les quatre grandes banques du pays sont confrontées au problème, reconnaît-on de source officielle. En mars dernier, la presse révélait que la deuxième banque commerciale chinoise, la Bank of China, était touchée par le phénomène. Cinq responsables d’une branche de l’établissement, aidés d’un homme d’affaires, auraient détourné 95 millions d’euros. Des cadres de cette banque ont également comparu en justice, aux Etats-Unis, pour un autre détournement de fonds, plus ancien.

Ces révélations interviennent au plus mauvais moment. Les banques doivent s’ouvrir aux participations étrangères afin de répondre aux engagements pris par la Chine devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC). La mise au grand jour de ces pratiques intervient également à la veille de l’entrée en bourse de ces banques. Les autorités chinoises comptent sur l’entrée d’établissements financiers étrangers pour faire progresser la transparence dans l’univers de la banque.

Les dirigeants du parti mêlent également argent et pouvoir dans les campagnes. Un chef de village peut spolier des paysans de leurs terres pour les revendre à des promoteurs immobiliers ou pour les louer à de gros exploitants agricoles. En général, ce chef de village paie pour être protégé par d’autres fonctionnaires et par la police. Il est très difficile pour la population de se révolter. En octobre 2005, le quotidien français Libération racontait comment des paysans, à Taishi, dans le sud du pays, ont tenté de lutter alors qu’ils avaient été dépouillés de leurs biens. Fait très rare en Chine, les journalistes occidentaux qui s’étaient rendus dans ce village avaient été molestés et découragés de poursuivre leur enquête.



par Colette  Thomas

Article publié le 30/06/2006Dernière mise à jour le 30/06/2006 à TU

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Pierre Picquart

Docteur en géopolitique et géographie humaine de l'Université de Paris-VIII, spécialiste de la Chine

«On est proche des Jeux olympiques, et l'ensemble des travaux et de l'image que doit donner la Chine d'ici un an au plus doivent être parfaits.»

[30/06/2006]

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