G8
L'Afrique, continent oublié
(Photo : Carine Frenk / RFI)
De notre correspondante à Moscou
Dans les couloirs du Centre international des affaires, où s'est tenu le forum civil, Dame Shall, membre du Conseil des ONG du Sénégal et secrétaire général de l'ONG Réseau africain pour le développement intégré, se désespère ouvertement. « Ce sont les mêmes discours, les mêmes discussions, les mêmes questions qui sont soulevées [lors des débats préparatoires au G8], dit-il en secouant la tête. Le diagnostic est là : certaines régions du monde, comme l'Afrique subsaharienne, sombrent dans la pauvreté. Il y a effectivement de bonnes intentions de la part du G8, mais ce qu'on attend surtout, ce sont des actes concrets. »
Car, font remarquer les représentants des ONG, que s'est-il passé depuis le sommet de Gleneagles l'année dernière ? A cette date, de nombreux engagements ont été pris, mais tardent encore à se concrétiser. « ça a été un effet d'annonce, déplore Emmanuel Argo, le président de l'association Global African Diaspora Coalition. Quand on s'aperçoit ce qui a été donné par rapport à ce qui a été promis, il y a de quoi être dubitatif. » Du coup, les ONG spécialisées sur la question du développement des pays pauvres enragent. « L'Afrique n'a rien à attendre de ce G8 », affirme to de go Fabrice Ferrier, du regroupement d'ONG françaises Coordination Sud. « Les questions de développement ont été écartées de l'agenda officiel. Oui, les chefs d'Etat vont parler éducation et santé, mais aucun programme de financement n'est prévu. La question du développement est tout simplement absente de ce G8.»
Statut de donateur pour la Russie
Pourtant, ces derniers temps, Moscou a multiplié les signes de bonne volonté dans ce domaine. Fort des revenus que lui procurent ses réserves en hydrocarbures, le pays est fièrement en train de passer du statut de pays endetté à celui de donateur. Aux côtés de la Banque mondiale, la Russie a par exemple annoncé, début juin, un projet d'aide en faveur des pays d'Afrique sub-saharienne, financé en partie par un programme d'effacement de dettes qui lui étaient dues (700 millions de dollars).
De plus, c'est sur son initiative que le G8 a pris des engagements pour assurer aux plus nécessiteux un accès à l'énergie, en développant par exemple les infrastructures. Une main tendue non dénuée d'arrière-pensées, selon certains observateurs qui disent voir là « un couteau à double-tranchant.»
Pour François Gaulme, spécialiste de l'Afrique, enseignant, le G8 a malgré tout toutes les raisons de s'intéresser de près à ce continent. « Au moment où les prix du pétrole sont très élevés, explique-t-il, le Golfe de Guinée intéresse non seulement les Américains, mais aussi les Chinois et le Japon. L'Afrique subsaharienne est aujourd'hui au cœur des préoccupations sur les ressources en pétrole. » Autre « intérêt » des pays riches : la lutte contre la pauvreté, facteur d'instabilité, qui encourage les guerres. « L'Afrique subsaharienne est l'endroit où il y a le plus de guerres civiles en ce moment. On a remarqué que les pays qui sont en guerre civile sont les pays qui ont moins de 2 000 dollars de revenus annuels par habitants. » A ceux qui accusent la Russie d'avoir mis l'Afrique entre parenthèses lors de ce G8, Moscou répond par la négative. D'ailleurs, une réunion entièrement consacrée au continent est prévue dans la capitale russe en octobre prochain.
par Virginie Pironon
Article publié le 05/07/2006Dernière mise à jour le 05/07/2006 à TU