Tchétchénie
Moscou annonce la mort de Chamil Bassaïev
(Photo : AFP)
De notre correspondant à Moscou
Des carcasses de voitures calcinées : c’est à peu près tout ce que les télévisions russes ont diffusé pour illustrer l’opération en Ingouchie au cours de laquelle a péri Chamil Bassaïev : selon le FSB, l’ex KGB, le chef du guerre tchétchène se trouvait à bord d’une des voitures à proximité du camion qui aurait explosé. Contrairement à une tradition déjà bien établie depuis l’assassinat du président tchétchène Aslan Maskhadov, puis de son successeur Abdul Khalim Sadulyayev en juin dernier, le corps de Bassaïev n’a pas été montré à l’écran. Selon la police ingouche, il aurait été décapité au cours de l’explosion et il a pu être identifié grâce à son visage resté intact.
L’opération est-elle due au hasard ou les forces spéciales étaient-elles parvenues à localiser Chamil Bassaïev ? Les avis sont partagés, mais la mort de l’ennemi public numéro 1 tombe on ne peut mieux pour Vladimir Poutine qui accueille à la fin de la semaine ses homologues du G8. Le chef du FSB a d’ailleurs affirmé que la rébellion tchétchène s’apprêtait à commettre une action d’éclat dans la perspective du sommet de Saint-Pétersbourg. Si les séparatistes tchétchènes viennent de subir une perte de poids avec la mort de Bassaïev, la rébellion n’est pas pour autant éliminée. Vladimir Poutine a d’ailleurs averti publiquement que la menace terroriste persistait en Russie.
Sanglantes prises d’otages
Chamil Bassaïev était l’homme le plus recherché de Russie. Le plus étonnant est sans doute qu’il ait réussi aussi longtemps à défier les quelque 100 000 membres des forces russes ou tchétchènes prorusses présentes dans le Caucase du Nord depuis le début de la seconde guerre de Tchétchénie, en octobre 1999 ; un second conflit dont il est l’un des artisans après avoir tenté, l’été précédent, un coup de force au Daguestan, une république frontalière, afin d’y instaurer un Etat islamiste.
Il était déjà connu du grand public pour avoir organisé une vaste prise d’otages durant la 1ère guerre dans un hôpital à Boudennovsk en 1995, un épisode qui se soldera par la mort de 166 personnes et obligera la Russie à accepter une indépendance de fait de la Tchétchénie jusqu’à la reprise du conflit. Durant cette 2e guerre, Chamil Bassaïev a revendiqué les opérations les plus spectaculaires et notamment 2 prises d’otages, l’une dans un théâtre de Moscou en novembre 2002 et l’autre dans une école de Beslan en Ossétie du Nord, en septembre 2004.
Dans les 2 cas, ces actes terroristes ont fait des centaines de morts, pour la plupart victimes de l’intervention des forces spéciales qui tentaient des opérations de sauvetage mal préparées. Après avoir été un leader indépendantiste respecté, Bassaïev était devenu adepte d’un islam radical, partisan de l’instauration de la charia, perdant ainsi une grande part de sa popularité en Tchétchénie.
Trop tôt pour parler d’un affaiblissement de la résistance
Et maintenant, la rébellion peut-elle survivre à la disparition de Chamil Bassaïev ? Du côté des autorités tchétchènes officielles, on estime que sa mort marque la fin des combats. C’est du moins l’avis du président prorusse, Alu Alkhanov alors que pour sa part, le numéro 2, Ramzan Kadyrov, l’homme influent parmi les Tchétchènes prorusses parle d’un grande joie pour toute la République et regrette de ne pas avoir pris part personnellement à l’élimination de celui qui avait organisé l’attentat qui coûta la vie à son père, Akhmad Kadyrov dans un stade Grozny, le 9 mai 2004.
Du côté des observateurs, les commentaires sont partagés : selon Alexandre Tcherkasov de Memorial, une ONG très active en Tchétchénie, c’est un coup sérieux porté à la rébellion et il note au passage que l’activité des séparatistes avait baissé d’intensité ces derniers mois.
Pour la journaliste Anna Politkovskaya, spécialiste de terrain de la Tchétchénie, cette opération qui a vu l’élimination de Bassaïev est un accident d’une énorme importance pour la Russie, aussi capitale que la mort de Zarqaoui pour les Américains. Mais elle estime qu’il est encore trop tôt pour parler d’un affaiblissement de la résistance et elle estime que le nouveau président tchétchène, Doku Oumararov pourrait se révéler un nouveau leader pour les séparatistes.
par Jean-Frédéric Saumont
Article publié le 10/07/2006Dernière mise à jour le 10/07/2006 à TU