Economie
Le G8 met la pression pour sauver l’OMC
(Photo : AFP)
Comme pour trouver un sujet rassembleur alors que les dissensions étaient claires sur la crise au Proche-Orient, le G8 de Saint-Pétersbourg s’est donné un défi pour le dernier jour de discussions : faire aboutir les négociations internationales sur la libéralisation des échanges d’ici la mi-août. Dans une déclaration publiée dimanche, le G8 demande qu’un compromis « concernant les droits de douane agricoles et industriels » soit trouvé « d’ici un mois » au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Cette date butoir, qui permet quatre ultimes semaines de tractations, « est un objectif ambitieux », a déclaré José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne tout en ajoutant : « Si le G8 ne prend pas l’affaire en main sur ce dossier, personne ne le pourra ». La dernière réunion, à Genève, il y a deux semaines à peine, s’était une nouvelle fois terminée sur un blocage total des positions, notamment sur le dossier agricole. Sur ce dossier de l’OMC, les chefs d’Etat et de gouvernement se sont donc posés un ultimatum à eux-mêmes ainsi qu’à leurs administrations respectives. Il s’agit d’en finir avec cette négociation internationale commencée il y a cinq ans au niveau ministériel, et qui n’évolue pas. Idéalement, le cycle de Doha devait faciliter le commerce mondial.
Une date limite pour aboutir
Cette initiative prise à Saint-Pétersbourg n’est pas intervenue par hasard. Il était prévu que cette dernière journée du G8 soit élargie à l’Inde et à la Chine. En fait, les représentants du Brésil, du Mexique et d’Afrique du Sud ont également rejoint les 8 chefs d’Etat et de gouvernement des pays industrialisés. La volonté affichée a été de dénouer cette négociation. « Je suis convaincu que l’heure est venue de prendre une décision politique, quelle qu’elle soit. Nous ne pouvons laisser cela entre les mains de nos seuls négociateurs », a indiqué le président Luiz Inacio Lula da Silva. « C’est à nous, à présent, qu’il revient de sortir les cartes que nous avons dans nos poches ». Le président brésilien s’est dit prêt à faire preuve « de la flexibilité nécessaire » à condition que les autres participants à ce G8 fassent de même. Le chef de l’Etat brésilien a fait ces déclarations après une rencontre en tête-à-tête avec George W. Bush.
De son côté, le président de la Commission européenne a lui aussi indiqué que l’Union européenne est prête à bouger. « Nous sommes prêts à faire un effort pour parvenir à un accord si les autres peuvent aussi faire un effort ». Ces propos ont été tempérés par le chef de l’Etat français qui s’est prononcé contre de nouvelles concessions de l’Union européenne, sauf « concessions importantes » des autres parties. « C’est au Conseil européen, c’est-à-dire aux vingt-cinq ensemble, qu’il appartient, et à lui seul, de faire éventuellement un pas supplémentaire dans les concessions », a déclaré Jacques Chirac. Les concessions européennes « ont déjà été très largement faites et à mon avis, ne se justifient plus dans l’état actuel des choses, sauf en contrepartie de concessions importantes de nos amis américains ou des pays émergents sur le plan agricole ou sur le plan industriel », a déclaré le président français.
La France, premier pays agricole de l’Union européenne, est particulièrement attentive à un changement de règle du jeu qui aboutirait à une augmentation des importations de produits agricoles étrangers à l’intérieur de l’Union. La France et les autres membres de l’Union ont accepté, dans le cadre de précédentes négociations de l’OMC, un abaissement des barrières douanières en 2013, lorsque la Politique agricole commune (PAC) viendra à échéance.
Le blocage emblématique de l’agriculture
Les pays membres de l’OMC cherchent depuis 5 ans un accord afin de réduire les barrières douanières. Elles servent à chaque pays à se protéger des produits concurrents venus de l’étranger. Dans le même temps, chaque pays doit s’engager à diminuer les subventions dont bénéficie son secteur agricole. Elles ont été inventées pour inciter les agriculteurs à produire, aussi bien pour assurer la subsistance des populations que pour exporter. Si l’OMC veut réduire tout à la fois les barrières faites de taxes et les aides à l’exportation, en principe, c’est pour rendre le commerce mondial plus fluide. Les pays pauvres, notamment les pays africains, disent que ce système les met en position de faiblesse. Il y a trop d’obstacles à l’exportation de leurs productions. Certains spécialistes ne sont pas de cet avis. Ils estiment que des accords régionaux comme celui entre l’Union européenne et les pays Afrique-Caraïbes-Pacifique (ACP) permettent de maintenir les prix à un niveau plus élevé que celui du marché mondial. Le président en exercice de l’Union africaine (UA), Denis Sassou N’Guesso était à Saint-Pétersbourg pour y défendre la position bien connue des pays africains : diminuer les protections pour faciliter les exportations africaines.
Les leaders de ce G8 élargi semblent avoir donné une impulsion à cette négociation commerciale dans l’impasse puisqu’une réunion exceptionnelle va se tenir lundi soir à Genève. Les ministres du Commerce d’Australie, du Brésil, des Etats-Unis, d’Inde, du Japon ainsi que le commissaire européen au Commerce vont se retrouver aux côtés de Pascal Lamy, le secrétaire général de l’organisation. « On attend de tous que les engagements politiques pris à Saint-Pétersbourg se traduisent dans les faits par des flexibilités (de négociations) », a indiqué le porte-parole de l’Union européenne à Genève, Fabian Delcros.
par Colette Thomas
Article publié le 17/07/2006Dernière mise à jour le 17/07/2006 à TU