Environnement
Les thoniers à l’assaut du Rainbow Warrior II
(Photo : AFP)
Le Rainbow Warrior II est définitivement indésirable à Marseille. Le navire de Greenpeace a été, mercredi 23 août, sommé par la préfecture maritime de lever l’ancre en raison d’un risque croissant de troubles à l’ordre public. «Si Greenpeace ne respecte pas cette décision, l’organisation sera en infraction», a indiqué le porte-parole de la préfecture maritime. Depuis le matin, une vingtaine de thoniers et de chalutiers marseillais avaient pris position sur l’emplacement initialement réservé au Rainbow Warrior II pour l’empêcher d’accoster et le contraindre à repartir vers le large.
L’organisation écologique comptait amarrer son navire dans la cité phocéenne pour mener une campagne d’information sur les menaces environnementales en Méditerranée, et notamment la disparition du thon rouge. Les militants avaient programmé deux jours de débats avec le public marseillais avant de se rendre à Carthagène, en Espagne. Dans un premier temps, les autorités portuaires avaient donné leur accord, avant de se rétracter invoquant des raisons techniques et de sécurité. Greenpeace, par la voix de Yannick Jadot, le responsable des campagnes de sensibilisation, a indiqué que «le Rainbow Warrior allait dans l’immédiat demeurer dans le mouillage en rade de Marseille. Nous avons fait un recours gracieux devant le préfet maritime».
Le thon rouge victime des sushis
L’état des stocks de thon rouge est au cœur de la polémique. Les pêcheurs professionnels assurent qu’«il n’y a pas de danger sur la ressource» et accusent «Greenpeace de se concentrer sur les thoniers français». Ils estiment notamment que leur filière contrairement à beaucoup d’autre pays, est particulièrement surveillée. De son côté, l’organisation écologique, à l’instar des scientifiques, assure que l’espèce est surexploitée «avec 50 000 tonnes pêchées l’an dernier contre 32 000 autorisées par le quota légal fixé par la Commission internationale pour la conservation des thonidés» dans l’Atlantique Nord et le bassin méditerranéen.
Victime de son succès sous forme de sushis japonais, le thon rouge est aujourd'hui une espèce gravement menacée, selon de nombreuses associations de défense de l’environnement. Philippe Gros, directeur de recherche à l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer) a lancé un cri d’alarme sur la disparition du thon rouge observant que «le total des captures officiellement déclarées a plus que doublé en quinze ans, pour atteindre 53 000 tonnes en Méditerranée et dans l'Atlantique Nord. Or la production annuelle et la quantité de thons rouges pêchables est estimée à seulement 25 000 tonnes».
Le stock est exploité par des pays dans un contexte de forte attractivité commerciale. D’après une étude de l’Ifremer, l’engouement pour le sushi a provoqué un emballement du marché. A l’heure actuelle, le prix de base sur le marché du sushi est de 30 à 40 dollars US le kilo, mais il peut atteindre 100 dollars le kilo, voire 500 dollars pour des thons de qualité exceptionnelle.
Le thon rouge est aujourd'hui pêché par une vingtaine de pays, principalement la France, l'Espagne, l'Italie, et le Japon. Mais la Méditerranée, zone de reproduction des thons, représente désormais l’essentiel de cette pêche: près de 43 000 tonnes. Ces données chiffrées ne tiennent pas compte des thons capturés vivants et remorqués en cage pour être ensuite engraissés pendant plusieurs mois dans des «fermes à thons». Or cette activité s’est considérablement développée en Méditerranée car elle permet d’obtenir une qualité de chair de poisson conforme aux critères des importateurs japonais. Pour Greenpeace, tout porte à croire que le stock méditerranéen est au bord de l’effondrement. L’association réclame donc un moratoire sur la pêche du thon rouge. De son côté, le Fonds mondial pour la nature (WWF) se prononce pour son arrêt immédiat et définitif.
par Myriam Berber
Article publié le 23/08/2006 Dernière mise à jour le 23/08/2006 à 17:35 TU