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Ouganda

Cessation des hostilités

Okot Odhiambo et Joseph Kony (D.), chef des rebelles ougandais. 

		(Photo : Gabriel Kahn/RFI)
Okot Odhiambo et Joseph Kony (D.), chef des rebelles ougandais.
(Photo : Gabriel Kahn/RFI)
Le gouvernement ougandais et les rebelles de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) ont signé samedi à Juba, la capitale du Sud Soudan, un accord de cessation des hostilités. Les rebelles ont trois semaines pour se rassembler dans des lieux gardés par l’armée du Sud Soudan.

De notre correspondant à Kampala

«Les parties acceptent de cesser toute action militaire hostile l’un contre l’autre et toute autre action qui pourrait fragiliser les pourparlers de paix». Par ces mots, les rebelles de l’Armée de résistance du Seigneur et le gouvernement ougandais ont accepté samedi à Juba de mettre fin à 20 ans de guerre civile. Cet accord, qui implique aussi l’arrêt des opérations de propagande hostiles durant la poursuite des négociations de paix, doit entrer en vigueur le mardi 29 août à 06h00 locales (03H00 GMT), a précisé le vice-président soudanais, Reak Machar, médiateur en chef des pourparlers en cours. 

A partir de cette date, les rebelles doivent quitter leurs cachettes en République démocratique du Congo, au Soudan et en Ouganda pour se rendre à des points de rassemblement gardés par l’armée du Sud Soudan, c’est à dire essentiellement par les anciens rebelles sudistes  soudanais de la SPLA. L’un des lieux de rassemblement sera situé à l’Ouest du Nil, à Ri-Kwangba. L’autre à Owiny-ki-Bul, sur la rive orientale du Nil, près de la frontière avec l’Ouganda.

L’armée ougandaise s’est engagée à garantir des passages sécurisés aux rebelles pour leur permettre d’atteindre ces lieux de rassemblement. Les rebelles recevront par ailleurs le soutien des autorités religieuses du Nord de l’Ouganda, qui leur ouvrent leurs lieux de prière comme autant de sanctuaires à partir desquels ils pourront se rendre sur les lieux de rassemblement désignés dans l’accord.

Le déroulement de ce processus se fera sous la supervision d’une équipe chargée de contrôler la cessation des hostilités. Présidée par un officier de la SPLA, elle comprendra un représentant des rebelles et un du gouvernement ougandais, ainsi que deux militaires désignés par l’Union africaine.

La communauté internationale a adopté un profil bas

On est donc  loin d’un accord garanti par une force de maintien de la paix internationale et les Nations unies, qui était le souhait de la médiation. Depuis le lancement de ces pourparlers de paix le 14 juillet dernier à Juba, la communauté internationale a en effet adopté un profil bas. Même les Etats-Unis, qui sont tout puissants au Sud Soudan,  n’ont pas osé soutenir ouvertement cet exercice qui est en porte-à-faux avec la justice internationale.

Les chefs rebelles poursuivis pour crimes contre l’humanité par la Cour pénale internationale (CPI) sont en effet toujours en liberté. Ils ont même reçu l’engagement du gouvernement ougandais d’obtenir une amnistie pour les crimes commis durant la guerre, si accord de paix était signé. Autant dire que les mandats d’arrêt internationaux lancés par la CPI à l’encontre des chefs rebelles sont des cartouches mouillées.

Pour le gouvernement du Sud Soudan et de nombreux responsables ougandais, la recherche de la paix doit prévaloir sur celle de la justice. Et le retour de la paix dans le nord de l’Ouganda nécessite que les rebelles puissent réintégrer la société et être pardonnés. Si, à titre privé, quelques ambassadeurs avouent partager cette analyse, officiellement, les pays qu’ils représentent n’osent pas critiquer l’action du procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo.

Personne ne sait combien sont les rebelles. Sont-ils quelques centaines, comme l’affirme le gouvernement ougandais ou plusieurs milliers, comme le dit la médiation ? Les rebelles affirment être des dizaines de milliers. Mais quel que soit leur nombre, les rebelles, en acceptant de se rassembler dans des lieux contrôlés par l’armée du Sud Soudan, abandonnent leurs dernières cartes. Ce qui a en effet permis à l’Armée de résistance du Seigneur de résister 20 ans aux attaques gouvernementales, c’est justement son caractère insaisissable. Les rebelles sont partout et nulle part. Ils ne contrôlent aucun territoire.

L’armée ougandaise va surveiller attentivement les semaines à venir les mouvements des rebelles pour connaître enfin leur nombre et leurs positions. Et même si l’accord signé samedi précise qu’en cas d’échec des pourparlers, l’Armée de résistance du Seigneur sera autorisée à quitter pacifiquement les lieux de rassemblement, elle aura déjà montré son talon d’achille.

Si ces pourparlers échouent, l’armée ougandaise, qui se redéploie massivement depuis plusieurs jours à la frontière de la République démocratique du Congo, se réserve la possibilité de relancer les hostilités.

20 000 enfants kidnappés selon l’Onu

Pour le gouvernement ougandais, ce qui se négocie à Juba, c’est la reddition des rebelles. «Nous sommes prêts à leur offrir de belles maisons, de belles voitures et une vie paisible», remarque un fonctionnaire ougandais en marge des pourparlers de paix. Actifs depuis la prise de pouvoir par les armes de Yoweri Museveni en 1986, les rebelles du nord de l’Ouganda, rassemblés depuis 1988 au sein de l’Armé de résistance du Seigneur, sont accusés d’avoir mené de nombreuses attaques contre la population civile. Selon les Nations unies, ils auraient kidnappé plus de 20 000 enfants pour remplacer leurs morts et compenser la raréfaction des sources de recrutement.

Désormais, les rebelles sont au pied du mur. Lâchés par le régime islamique de Khartoum, isolés dans la forêt congolaise, recherchés par la Cour pénale internationale, à la merci de l’armée du Sud Soudan, les chefs rebelles négocient leurs peaux. Très mal représentés aux pourparlers de paix à Juba par une délégation en partie corrompue et détachée des réalités de la guerre, ils ont accepté, ces derniers jours de négocier directement, par téléphone, avec le médiateur en chef des pourparlers, Reak Machar. Parallèlement, des membres influents de l’opposition, tel que le député Norbert Mao, sont allés demander au président ougandais de se montrer flexible avec les rebelles.

La chasse a l’homme est donc suspendue pour trois semaines. Museveni doit annoncer lui-même, avant mardi prochain, la mise en œuvre de cet accord de cessation des hostilités.

Il s’agit d’offrir aux rebelles les apparences d’une sortie honorable tout en affaiblissant considérablement leur capacité militaire.



par Gabriel  Kahn

Article publié le 27/08/2006 Dernière mise à jour le 27/08/2006 à 15:52 TU

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Mario Giro

Responsable des relations internationales de la Communauté Sant'Egidio

«En Ouganda, le cadre stratégique a changé et, au bout de 10 ans, la période est bonne pour négocier la paix.»

[29/08/2006]

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