Espagne
Madrid en appelle à l'Europe face aux clandestins
(Photo : AFP)
Maria Teresa Fernandez de la Vega, vice-présidente du gouvernement espagnol, est allée une fois de plus à Bruxelles, pour demander l’aide de la Commission européenne face au problème de l’immigration clandestine qui ne cesse de s’aggraver, notamment aux îles Canaries. L’archipel est devenu une sorte de carrefour pour beaucoup d’Africains originaires de plusieurs pays du continent. Au prix de traversées dangereuses à bord de bateaux de fortune, que les espagnols appellent «cayucos» ou «pateras», 18 954 clandestins sont en effet arrivés aux Canaries depuis début 2006, soit un nombre équivalent à celui qui a été enregistré pour l'année 2005 tout entière. Et le flux ne tarit pas. Depuis lundi, près de 500 clandestins ont débarqué dans l’archipel.
Suite aux entretiens de la vice-présidente espagnole avec les responsables européens, la Commission de l'UE a annoncé la création d’un groupe de travail «au plus haut niveau politique» pour définir une stratégie commune sur les questions d’immigration. Une première proposition stratégique devrait être présentée au Conseil des ministres européens de l’Intérieur qui va se tenir en Finlande, les 21 et 22 septembre prochains, selon Franco Frattini, commissaire européen à la Justice et à la Sécurité. Ce dernier appelle les autres Etats membres à davantage de solidarité envers l’Espagne et les pays confrontés à l'immigration clandestine comme Malte et l’Italie, avec l’île de Lampedusa.
L'Espagne veut renforcer le contrôle des frontières maritimes de l’UE
L’envoyée du gouvernement espagnol a souligné qu'il faut «plus de bateaux, plus de patrouilles, plus d’avions et plus de personnel» dans le cadre du dispositif Frontex de l’Agence européenne pour le contrôle des frontières extérieures. Elle plaide que «le fait que le dispositif de Frontex ne fonctionne pas encore à plein rendement atteste qu'une meilleure coordination est nécessaire et qu'il faut établir des mécanismes de réponse plus efficaces». Dans sa phase actuelle, Frontex prévoit l'utilisation de deux navires italien et portugais ainsi que de deux avions de surveillance italien et finlandais. De son côté, l’Espagne a mobilisé deux bateaux et deux hélicoptères. Ces opérations de patrouille des côtes sénégalaise et mauritanienne ont pour but de dissuader les départs des clandestins et d’aider l’Espagne à rapatrier les Africains en situation irrégulière.
Mardi à Helsinki, après un entretien avec la présidence finlandaise de l’Union européenne, Maria Teresa Fernandez de la Vega avait annoncé que Madrid voulait «convoquer une réunion urgente des pays européens de la Méditerranée». «J'ai fait part à la présidence finlandaise de l'UE de notre souhait que le thème de l'immigration clandestine soit abordé de façon prioritaire dans toutes les réunions informelles et formelles de l'Union européenne et ce à tous les niveaux», dit-elle en ajoutant qu'étant donné que «les immigrés qui rentrent de façon irrégulière en Espagne, à Malte, à Chypre, en Grèce, au Portugal, entrent dans l'UE, tous ces pays forment la frontière sud de l'UE».
Les migrants clandestins effectuent des traversées de plus en plus longues et dangereuses, depuis que les autorités du Maroc ont décidé d’appliquer des mesures plus fermes contre les passeurs et de renforcer la surveillance des zones entourant les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla dans le nord du pays. Pour rejoindre les Canaries, les candidats à l’émigration sont ainsi obligés de prendre leurs bateaux de fortune sur les côtes du Sahara occidental ou de Mauritanie. Beaucoup de ces candidats viennent de la région de la province sénégalaise de Casamance, mais aussi du nord du Sénégal, de Gambie, de Guinée Bissau et même de Guinée Conakry.
Rites de passage à haut risque
Les routes dangereuses de l’émigration par voie maritime sont devenues des sortes de lieux de rites de passage pour une partie de la jeunesse des pays de la côte nord-ouest du continent en déshérence économique. Interrogé par le journal espagnol El Confidential, le président de la Commission espagnole d’aide aux réfugiés, Ignacio Diaz de Aquilar, a notamment déclaré que «la décision d’émigrer, en Afrique sub-saharienne, est souvent prise par les jeunes qui se réunissent dans des videoclubs. Ils se mettent ainsi d’accord pour former des groupes d’émigrés. Mais ils ne voient pas les pateras qui coulent, seulement celles qui arrivent à bon port et la façon dont les clandestins sont reçus».
On évalue à plus de 500 le nombre de clandestins qui ont péri cette année noyés, lors de ces traversées entre le continent et les Canaries qui coûtent 500 000 francs CFA, soit près de 750 euros. Mais il est fort probable que le nombre de candidats à la traversée augmente, étant donné que les passeurs peuvent acheter facilement des pirogues au Sénégal, où la pêche est en crise profonde. Le gouvernement espagnol a donc décidé de frapper fort pour obtenir un appui plus ferme de l’UE, concernant le drame de l’émigration clandestine. Le gouvernement régional des Canaries ne cesse de critiquer les autorités de Madrid, même si la plupart des 19 000 africains arrivés dans les îles de l’Atlantique ont été transférés vers la péninsule, où une nouvelle polémique s’est déclarée dernièrement au sujet des clandestins. En effet, selon un rapport de la Caixa Catalunia, un organisme d’épargne, le Produit intérieur brut espagnol par habitant aurait enregistré une baisse de 0,6%, entre 1995 et 2000, au lieu d’une hausse moyenne de 2,6%, si les sans-papiers étaient restés en Afrique…
par Antonio Garcia
Article publié le 30/08/2006 Dernière mise à jour le 30/08/2006 à 18:20 TU