Somalie
Dialogue difficile entre gouvernement et islamistes
(Photo : AFP)
Les médiateurs du gouvernement soudanais et de la Ligue arabe ont rencontré séparément, vendredi , les deux délégations, pour discuter l’ordre du jour des pourparlers de Khartoum. L'objectif est de trouver un compromis sur la délicate question du déploiement d’une force de paix dans ce pays ravagé par une guerre civile depuis 15 ans.
Le gouvernement de transition est confiné à Baïdoa, une localité située à 250 kilomètres à l’ouest de la capitale, Mogadiscio. Mais il bénéficie de l'appui de l’Union africaine favorable au déploiement d'une force internationale. De leur côté, les Tribunaux islamiques organisés en un Conseil suprême islamique de Somalie (SICS) s’opposent résolument à cette hypothèse, en se proclamant les «sauveurs» du pays, après avoir vaincu l’alliance des chefs de guerre soutenue par les Etats-Unis et enlevé Mogadiscio.
Les islamistes qui se sentent en position de force, après avoir pris le contrôle de la capitale début juin et après avoir conquis plusieurs régions du sud et du centre du pays, se déclarent seulement disposés à «dialoguer» avec ce gouvernement de transition, dont l’autorité effective ne semble pas dépasser les limites géographiques de Baïdoa. Elle-même conduite par le président du Parlement intérimaire, Charif Hassan Cheik Adam, la délégation gouvernementale accuse déjà le SICS de n'envoyer à Khartoum que des subalternes sans autorité pour prendre les décisions qui s’imposeront, en l'occurrence le cheikh Moukhtar Ali Robow, qui est le responsable des Tribunaux islamiques pour les questions de défense.
Les islamistes : «le pouvoir, c'est nous !»
Les deux camps s’étaient déjà rencontrés à Khartoum le 22 juin et ils avaient alors décidé d’interrompre leurs opérations militaires et de signer un accord de reconnaissance mutuelle, tout en prévoyant de nouvelles rencontres sous l’égide de la Ligue arabe. Mais les islamistes affirment en privé que le gouvernement et le Parlement de transition n’existent que grâce à la protection militaire étrangère, notamment celle de l’Ethiopie. Ils rejettent d'ailleurs la charte des institutions de transition somaliennes concoctée sous l'égide de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (Igad), actuellement présidée par le Kenya et qui regroupe également l’Ouganda, le Soudan, Djibouti, l’Ethiopie et l’Erythrée.
A Mogadiscio un des principaux dirigeants des Tribunaux islamiques, le cheik Hassan Dahir Aweys, s’est toutefois déclaré «disposé à travailler» avec le gouvernement de transition. Dans une interview publiée vendredi par le journal britannique Times, Aweys plus connu sous le sobriquet de «Vieux Renard» a affirmé, notamment, que «du point de vue légal, le gouvernement est toujours le gouvernement, mais nous sommes le pouvoir en Somalie». Le même journal rappelle que le gouvernement américain affirme que Aweys est un terroriste lié au réseau al-Qaïda et à Ben Laden.
Les observateurs se montrent assez sceptiques quant au succès de cette nouvelle rencontre à Khartoum, d’autant plus que les islamistes souhaiteraient assumer la direction du futur gouvernement somalien. Les gouvernements de l’Ethiopie et du Kenya ont pour leur part réaffirmé leur appui au déploiement d’une force de paix en Somalie, pour soutenir les autorités de transition. Selon l’Agence France Presse, 300 soldats éthiopiens sont arrivés le 20 août à Baïdoa pour protéger l’aéroport, ce que le Premier ministre éthiopien, Meles Zenawi, persiste à démentir, tout en reconnaissant qu'il a envoyé des instructeurs militaires pour entraîner les combattants du gouvernement de transition. Ce dernier accuse l’Erythrée de soutenir les islamistes, ennemi irreductible de l'Ethiopie. Des témoins à Mogadiscio, cités par Reuters, affirment que les Tribunaux islamiques ont ouvert mercredi un camp d’entraînement, avec des instructeurs érythréens, afghans et pakistanais.
par Antonio Garcia
Article publié le 01/09/2006 Dernière mise à jour le 01/09/2006 à 18:27 TU