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Pétrole

La trêve des prix

Le secrétaire général de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et ministre nigérian du pétrole Edmund Daukoru à l'issue de la réunion de l'organisation lundi à Vienne. L'Opep a décidé de maintenir son quota de production à 28 millions de barils par jour. 

		(Photo : AFP)
Le secrétaire général de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et ministre nigérian du pétrole Edmund Daukoru à l'issue de la réunion de l'organisation lundi à Vienne. L'Opep a décidé de maintenir son quota de production à 28 millions de barils par jour.
(Photo : AFP)
Les cotations du brut ont enregistré des baisses sensibles depuis une semaine environ. Le prix du baril est descendu lundi à moins de 65 dollars, suite aux «progrès» enregistrés dimanche lors des conversations sur le programme nucléaire iranien, ce qui rend peu probable la menace de sanctions contre Téhéran. Cette tendance au reflux devrait en principe se maintenir, étant donné que l’Opep a décidé de maintenir son plafond de production, tandis que l’extraction de brut augmente dans les pays qui ne sont pas membres du cartel.

Les prix du baril de Brent de la Mer du Nord ont été cotés ce lundi à Londres à 64,64 dollars, son plus bas niveau depuis cinq mois et demi. Et à New York le baril de light sweet crude est retombé lui aussi à moins de 65 dollars. Des baisses importantes ont également été enregistrées en Asie. Ces chiffres confirment une tendance de repli qui se manifestait depuis une semaine et qui contraste avec les cotations enregistrées en juillet et en août, lors du conflit au Liban. Le baril avait même dépassé les 78 dollars et des prévisionnistes garantissaient que les cours allaient atteindre fatidiquement les 100 dollars. Ce «spectre» semble avoir été écarté car les marchés sont en train de réagir de façon positive aux événements internationaux, notamment à la question délicate du programme nucléaire iranien.

Il faut noter que le total de la production mondiale actuelle, qui est de l’ordre de 81 millions de tonnes par jour, est suffisant pour satisfaire une demande globale en légère augmentation, à plus de 1% par an. Les Américains consomment près de 21 millions de barils de pétrole par jour (bpj), soit 24% de la demande mondiale, ce qui représente 3 fois plus que la consommation des Chinois, de l’ordre de 7 millions de bpj. Mais la consommation de la Chine a enregistré une augmentation de près de 3% entre 2004 et 2005, tandis que la demande pétrolière des Américains stagnait (moins 0,2%).

L’influence des discussions sur le nucléaire iranien

Les spécialistes considèrent que l’actuelle baisse des cours du pétrole à Londres et à New York est fondamentalement une conséquence directe de l’évolution des positions de l’Iran concernant son programme nucléaire. En effet, le négociateur iranien Ali Larijani et le haut représentant de l’Union européenne pour la politique extérieure Javier Solana, ont évoqué dimanche des «progrès», lors des discussions tenues à Vienne concernant ce programme atomique. L’envoyé iranien aurait même proposé de suspendre pendant deux mois les opérations en cours visant l’enrichissement de son uranium.

L’Iran n’a pas fait de véritables concessions, mais l’information a été prise suffisamment au sérieux par les milieux pétroliers et par les bourses des matières premières, qui craignaient que des sanctions ne soient appliquées par les Nations unies à l’Iran, en raison du développement de son programme atomique. Téhéran revendique le droit d’utiliser l’énergie nucléaire, mais les Etats-Unis et plusieurs gouvernements européens affirment que l’Iran cherche à produire de l’armement atomique. L’application de la résolution 1696 du Conseil de sécurité obligeait l’Iran à stopper jusqu’au 31 août les opérations d’enrichissement, sous peine d’être soumis à des sanctions. La Chine et la Russie, ainsi que plusieurs Etats européens, privilégient l’action diplomatique, plutôt que des sanctions, craignant que les Iraniens n’exercent des représailles en cas de sanctions. Or l’Iran est actuellement le quatrième producteur mondial de pétrole, avec plus de 4 millions de barils par jour. C’est un élément déterminant, de même que la position géographique de cet Etat qui dispose par ailleurs de moyens suffisants pour bloquer le Golfe Persique, par où circule près de 25% de tout le pétrole produit dans le monde.

L’Opep maintient son plafond de production

La baisse des cours du pétrole semble devenir une tendance réelle d’autant plus que la production globale actuelle (près de 81 millions de barils par jour) est suffisante pour satisfaire la consommation planétaire. Il n’y a pas, à proprement parler, de raréfaction du produit même si la consommation a tendance à augmenter, notamment aux Etats-Unis et en Chine qui enregistrent des taux de croissance importants. Les marchés sont suffisamment approvisionnés, ce qui peut expliquer la décision prise lundi à Vienne par l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep ) qui va maintenir son plafond de production évalué à 28 millions de barils par jour. Les onze pays membres du cartel ont ainsi choisi de contribuer à la stabilisation des cours actuels, plutôt que de provoquer une tendance à la hausse en réduisant la production. Mais les ministres des pays de l’Opep savent parfaitement que leur organisation, qui produit 40% du pétrole mondial, ne peut pas non plus prendre la risque d’une récession globale qu’entraînerait une montée exponentielle des cours du brut.

Toutefois il est très peu probable que certains pays de l’Opep, comme c’est le cas du Nigeria - premier producteur africain avec près de 2,6 millions de bpj –, puissent réduire leur production, d’autant plus que des incidents armés dans le delta du Niger ont déjà provoqué des baisses considérables de l’exportation du brut nigérian. L’Arabie Saoudite, avec plus de 10 millions de bpj, est un des rares pays de l’Opep qui dispose d’une marge de manœuvres suffisante pour réduire (légèrement) sa production, tandis que le cartel subit aussi l’effet des pays extérieurs à l’organisation, qui n’ont de comptes à rendre à personne concernant leurs politiques pétrolières. On prévoit ainsi que des pays comme l’Angola, la Guinée Equatoriale, le Soudan et le Tchad décident d’augmenter considérablement leur production à court terme, d’autant plus que les Etats-Unis se sont déclarés à plusieurs reprises disposés à diversifier leurs achats et à réduire ainsi leur dépendance vis-à-vis du pétrole du Proche-Orient, tandis que l’Irak avec à peine 2,3 millions de bpj a réduit à 50% sa capacité de production en raison des sabotages.

Les «incertitudes qui s’accroissent»

Les spécialistes signalent aussi que l’actuelle tendance à la baisse est aussi une conséquence des conditions météorologiques qui ont été relativement clémentes dans le golfe du Mexique : les ouragans ont été peu fréquents ou de faible intensité, tandis que le géant BP réussissait à réparer son oléoduc en Alaska, lui permettant ainsi de reprendre sa production locale évaluée à près de 400 000 bpj.

Toutefois, même si le risque de récession semble écarté, les marchés ne manifestent pas d’euphorie face à la conjoncture pétrolière actuelle. Les prix sont encore en hausse de cinq dollars depuis le début de l’année et trois fois plus élevés qu’au début 2002. Jean-Claude Trichet, président de la Banque centrale européenne, qui participait lundi à Bâle à une réunion avec ses collègues des 10 grandes banques du groupe G10, s’est déclaré inquiet au sujet des «incertitudes qui s’accroissent», notamment à cause des effets de la récente montée des prix du pétrole.



par Antonio  Garcia

Article publié le 12/09/2006 Dernière mise à jour le 12/09/2006 à 08:17 TU