Soudan
Retour en arrière au Darfour
(Photo : AFP)
Selon l’émissaire de l’UE, Pekaa Havisto, le gouvernement soudanais a utilisé son aviation pour bombarder des villages où se trouvent des civils. Il a pu voir des avions Antonov «s’apprêtant à attaquer». Des combats se sont produits depuis lundi dans la région de Djebel Marra entre l’armée soudanaise et des rebelles du Front de salut national (NRF) dont l’un des porte-parole Issa Moussa affirme qu’ils ont enregistré 7 morts dans leurs rangs. Ce mouvement, accusé de terrorisme par Khartoum, n’avait pas signé les accords d’Abuja, qui devaient permettre le rétablissement de la paix dans cette région.
Issa Mahamat Moussa
L'un des porte-parole du Front de salut national (NSF), présent dans la région du Djebel Marra.
«La situation est actuellement très mauvaise dans le Djebel Marra. Le gouvernement soudanais et les milices janjawid nous attaquent. Trois villages ont été bombardés.»
L’organisation humanitaire Amnesty International a affirmé lundi que le gouvernement soudanais a lancé «une offensive militaire dans le Darfour septentrional qui donne lieu à de graves violations du droit international, comme le bombardement de zones civiles», soulignant que la population de cette province est «prise en otage du fait du désaccord persistant entre les Nations unies, l’Union africaine et le gouvernement soudanais». Irene Khan, secrétaire générale d’Amnesty, signale aussi que son organisation reçoit «chaque jour des informations faisant état de civils tués et de nouveaux déplacements dans le cadre de l’offensive du gouvernement soudanais en cours au Soudan».
Ces informations s’ajoutent aux rapports alarmants des agences des Nations unies qui se trouvent sur le terrain. Le Programme alimentaire mondial (PAM) a annoncé lundi que plus de 350 000 Soudanais du nord du Darfour n’avaient pas reçu d’aide alimentaire en août, à cause de l’insécurité. Jan Egeland, coordonnateur des affaires humanitaires de l’Onu, a même indiqué que ces agences pourraient être obligées d’abandonner le Darfour : «si elles partent, ce sera comme déclencher un désastre. Des centaines de milliers de personnes se retrouveront sans aucune aide». Pour Jan Egeland, les agences humanitaires sont «très proches» de quitter cette province soudanaise si l’Onu n’y déploie pas une force de paix, non pas pour punir le gouvernement de Khartoum mais pour «aider les Soudanais et assurer la sécurité au Darfour».
Le Conseil de sécurité a voté fin août la résolution 1706, qui prévoit le transfert à des troupes des Nations unies des responsabilités actuellement assumées au Darfour par la force de paix de l’Union africaine mal équipée et peu financée. Or le gouvernement soudanais s’oppose catégoriquement à cette résolution estimant qu’il s’agit d’une violation de la souveraineté nationale. Un député du Congrès national, parti au pouvoir à Khartoum, avait même accusé Kofi Annan d’être à la solde de Washington. Le secrétaire général de l’Onu avait dénoncé auparavant l’arrivée des forces gouvernementales soudanaises, «en claire violation de l’accord de paix».
Inquiétudes européennes mal comprises à Washington
L’Union européenne qui a appuyé cette résolution se déclare inquiète par l’évolution de la crise au Darfour. Louis Michel, commissaire européen au Développement, s’est déclaré «extrêmement préoccupé», considérant que le Darfour est revenu au «pire moment» de la guerre civile, soulignant aussi la nécessité urgente de faire respecter l’accord de paix d’Abuja.
Louis Michel
Commissaire européen, chargé du développement et de l'aide humanitaire
«La situation actuelle au Darfour ressemble à ce qu'elle était en 2003. »
«Au Darfour, la situation est telle que si l'Union africaine se retire, il n'y a pas de protection des Nations unies en place. »Barak Obama
Sénateur américain démocrate de l'Illinois
Nicolas Sarkozy
Ministre français de l'intérieur.
«Au Darfour se produit en ce moment même un crime contre l'humanité.»
Entre-temps le gouvernement soudanais a pris mercredi des positions encore plus intransigeantes, en menaçant d’expulser la mission de paix de l’Union africaine (AMIS) qui est déployée au Darfour si l’UA donne son feu vert définitif au transfert de sa mission à l’Onu. En visite à Addis-Abeba, le vice-ministre soudanais des Affaires étrangères a rappelé que son gouvernement n’acceptera pas une mission de paix de l’Onu et que Khartoum «assumera ses responsabilités» pour rétablir la paix au Darfour «si l’UA décide de transférer aux Nations unies le mandat de l’AMIS au Soudan».
Le gouvernement soudanais, qui affirme recevoir l’appui de la Ligue arabe, aimerait que l’UA revienne sur sa décision, concernant le remplacement des forces africaines par des Casques bleus. L’Union africaine devra prendre une position définitive sur cette question le 18 septembre à New York, car le mandat de l’AMIS prend fin à la fin du mois. La résolution 1706, approuvée par le Conseil de sécurité - mais avec l’abstention de la Chine, de la Russie et du Qatar – prévoit de faire passer les effectifs actuels de la Mission de l’Onu au Soudan à 17 300 soldats et 3 300 policiers, tandis que l’AMIS compte seulement 7 000 éléments.
par Antonio Garcia
Article publié le 13/09/2006 Dernière mise à jour le 13/09/2006 à 19:19 TU