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Bolivie

Premiers écueils pour Morales

Lundi 11 septembre, lors d'une conférence de presse à La Paz, le président bolivien Evo Morales a affirmé que la nationalisation des hydrocarbures était une expérience unique.    

		(Photo : AFP)
Lundi 11 septembre, lors d'une conférence de presse à La Paz, le président bolivien Evo Morales a affirmé que la nationalisation des hydrocarbures était une expérience unique.
(Photo : AFP)
Le gouvernement de La Paz a suspendu jeudi son projet de nationalisation des deux raffineries appartenant à la compagnie brésilienne Petrobras. Les hydrocarbures sont l’une des principales ressources de la Bolivie et le président Evo Morales a du céder aux pressions de son collègue brésilien Lula da Silva. De son côté l’opposition bolivienne de droite déclenche des grèves et des manifestations dans les régions les plus riches du pays.

Le gouvernement bolivien avait annoncé mardi 12 septembre que la compagnie pétrolière nationale YPFB allait prendre le contrôle des raffineries de Petrobras à Villarroel et à Elder et de toute la chaîne de production du pétrole et du gaz naturel liquéfié. Il s’agissait de l’application des mesures de nationalisation du secteur des hydrocarbures annoncées par le président socialiste Evo Morales le 1er mai dernier. La compagnie nationale brésilienne a été accusée de profits «inadéquats et irrationnels» et a même été invitée à verser des compensations financières.

Ces exigences ont été rejetées par le PDG de Petrobras, Sergio Gabrielli, qui a refusé l’idée de devenir un simple «prestataire de services», d’autant plus que le groupe brésilien est le plus grand investisseur pétrolier en Bolivie. On évalue à 1,5 milliard de dollars la somme déjà investis par Petrobras en Bolivie, dont 100 millions dans ses deux raffineries boliviennes qui distillent près de 90% du brut bolivien. Le groupe brésilien exploite aussi près de 15% des réserves de gaz de Bolivie qui sont les deuxièmes les plus importantes de l’Amérique latine, après celles du Venezuela.

La contre-attaque de Brasilia

Le gouvernement brésilien et la compagnie Petrobras ont exercé de multiples pressions sur les autorités de La Paz, pour pouvoir continuer à exploiter les hydrocarbures boliviens. Le groupe pétrolier avait même menacé de demander la médiation de la Banque mondiale, concernant la question de ses raffineries boliviennes.

Cette crise a eu pour conséquence le report de la visite à La Paz du ministre brésilien des Mines et de l’Energie, Silas Rondeau, ce vendredi. Le président Lula da Silva, est monté au créneau pour dénoncer les «attitudes unilatérales» adoptées par les Boliviens. Lula a souligné que la «patience a des limites dans les négociations internationales», mais il pu finalement annoncer jeudi soir que le gouvernement bolivien avait «gelé» les mesures qui avaient provoqué l’impasse avec Petrobras.

En pleine campagne pour l’élection présidentielle du 1er octobre Lula da Silva avait été très critiqué sur ce dossier par l’opposition qui l’avait accusé de n’avoir pas défendu suffisamment les intérêts brésiliens en Bolivie, définie comme étant un «petit pays». La presse brésilienne, notamment le quotidien Estado de Sao Paulo, affirme que Morales n’avait pas pris en considération les effets de la «guerre du gaz» dans la campagne pour la réélection du président Lula. 
 

Alfredo Valladao

Directeur de la chaire Mercosur à l'Institut d'études politiques de Paris

«Le président bolivien Evo Morales se trouve coincé par ses propres décisions.»

Le président bolivien qui s’est déplacé à Cuba pour participer au sommet des pays non-alignés a déclaré qu’il entretenait «d’excellentes relations avec le camarade Lula» et a demandé l’appui de ses pairs pour cette délicate question des hydrocarbures. Outre les contrats avec le brésilien Petrobras, le gouvernement de La Paz veut réviser les contrats qui le lient à d’autres opérateurs étrangers. Des contacts sont aussi en cours avec l’américain Exxonmobil, «les négociations ont bien démarré» avec le français Total et un nouvel accord serait sur le point d’être conclu avec British Gas, selon des sources pétrolières boliviennes citées par l’AFP. En revanche des difficultés sont apparues lors des négociations avec l’espagnol Repsol.

Evo Morales face à l’opposition de droite

Outre la «guerre des hydrocarbures» en cours, Evo Morales doit aussi affronter une vague d’agitation sociale qui atteint notamment la région de Santa Cruz, capitale économique du pays. L’opposition de droite, qui contrôle les régions les plus prospères de Bolivie, a déclenché la semaine dernière une série de grèves à Santa Cruz, Tajira, Beni et Pando où sont produits 30% du PIB du pays. Ce mouvement de contestation était dirigé par le parti Podemos (Nous pouvons) dirigé par l’ancien président libéral Jorge Quiroga.

Evo Morales, ancien président du syndicat des planteurs de coca est arrivé au pouvoir il y a huit mois. Il a accusé les Etats-Unis de soutenir les manifestations contre son gouvernement et tout particulièrement contre les mesures que celui-ci essaye d’appliquer concernant la nationalisation des hydrocarbures, la politique foncière et la réforme de la constitution. La Bolivie, qui est le pays le plus pauvre d’Amérique du Sud, apparaît aussi divisé entre indiens quechuas et aymaras des montagnes déshéritées de l’ouest - d’où Morales est originaire - et les zones plus prospères des plaines de l’est peuplées par des blancs et des métis.



par Antonio  Garcia

Article publié le 15/09/2006 Dernière mise à jour le 15/09/2006 à 13:29 TU