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Côte d’Ivoire

La mission impossible de Thabo Mbeki

A son arrivée à l'aéroport d'Abidjan, le médiateur sud-africain Thabo Mbéki (C) a été reçu par le président ivoirien Laurent Gbagbo (G) et le Premier ministre Charles Konan Banny (D). 

		(Photo : AFP)
A son arrivée à l'aéroport d'Abidjan, le médiateur sud-africain Thabo Mbéki (C) a été reçu par le président ivoirien Laurent Gbagbo (G) et le Premier ministre Charles Konan Banny (D).
(Photo : AFP)
Le président sud-africain, médiateur de l’Union africaine, est arrivé lundi à Abidjan pour des entretiens avec le président ivoirien Laurent Gbagbo. La mission de Thabo Mbeki, qui devra durer 24 heures, semble extrêmement difficile. Il s’agit de trouver de nouvelles issues à la crise qui se prolonge, une semaine après l’échec de la conférence de l’Onu sur la Côte d’Ivoire qui a décidé de reporter l’élection présidentielle qui devait se dérouler fin octobre, dans ce pays coupé en deux depuis quatre ans. Entre-temps, les rebelles ont demandé le remplacement de Mbeki par un autre médiateur et le parti de Gbagbo a appelé au départ des soldats français de la force «Licorne» et à la dissolution du Groupe de travail international, GTI, lequel s’était prononcé pour le renfort des pouvoirs du premier ministre ivoirien.

En quittant Pretoria pour se rendre à Abidjan, le président sud-africain Thabo Mbeki était pleinement conscient des difficultés de cette mission en tant que médiateur de l’Union africaine. En effet les problèmes se sont accumulés suite à l’échec de la réunion internationale sur la Côte d’Ivoire qui a eu lieu à New York mercredi dernier, en marge de l’Assemblée générale de l’Onu. La réunion a été boycottée par le président Laurent Gbagbo mais elle a officialisé le report des élections prévues pour la fin octobre. Les Nations unies, les acteurs de la crise ivoirienne et les médiateurs réunis au siège de l’Onu avaient conclu que la situation en Côte d’Ivoire subissait de «blocages graves» rendant impossible la réalisation de ces élections. Le calendrier électoral ne pouvait pas être respecté vu les désaccords persistants entre le pouvoir, l’opposition et les rebelles au sujet du désarmement et la mise à jour des listes électorales. C’est la seconde fois que ces élections sont reportées. Elles auraient du être réalisées en octobre 2005. L’Onu considère qu’il va falloir prés d’un an pour organiser des élections en Côte d’Ivoire.

La médiation de Mbeki contestée par l’opposition

La mission de Thabo Mbeki en Côte d’Ivoire est aussi rendue difficile par l’opposition et les ex-rebelles ivoiriens qui ont contesté la légitimité du médiateur de l’UA, accusé de «partialité». Ces derniers ont envoyé dimanche une lettre au président en exercice de l’UA, le chef d’Etat congolais Denis Sassou N’Guesso, lui demandant de nommer un nouveau médiateur qui puisse bénéficier du «consensus de la classe politique». Vendredi, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), l’ancien parti unique, avait demandé au médiateur qu’il «adopte un comportement impartial et juste dans la recherche de solutions». En réalité, les divergences entre l’opposition ivoirienne et la médiation datent d’août 2005, car le ministre sud-africain des Affaires étrangères Aziz Pahad avait déclaré que le président Gbagbo avait «rempli ses obligations» concernant l’application de l’accord signé à Pretoria en juin de cette année. Pahad avait aussi critiqué, à cette occasion, l’attitude des rebelles ivoiriens. 

Bruno Minas

Correspondant de RFI à Johannesburg

«D’une manière générale l’Afrique du Sud, exemple de démocratie sur le continent, a tendance à ménager, légitimer, voire soutenir les régimes qui n’en sont pas.»

Le président ivoirien Laurent Gbagbo avait annoncé il y une semaine son intention de proposer à l’Union africaine un «plan alternatif » dont la teneur n’avait pas été dévoilée lundi matin, mais qui devra être communiqué au médiateur sud-africain.

Des exigences inconciliables

Thabo Mbeki sait que sa médiation devra être complétée par des décisions qui vont être prises par les instances africaines, notamment par la Cedeao, Communauté économique des Etats d’Afrique occidentale, qui devra se réunir dans deux semaines. La crise en Côte d’Ivoire va être aussi examinée en octobre par l’UA et par le Conseil de sécurité. Ses réunions vont être décisives étant donné que les principaux protagonistes de la crise ont présenté des exigences qui semblent être inconciliables. Ainsi l’opposition et les rebelles ont réclamé une nouvelle transition en attribuant les pleins pouvoirs au Premier ministre Charles Konan Banny, notamment le contrôle des forces armées, plaçant Laurent Gbagbo dans un rôle marginal. Les ex-rebelles s’étaient aussi déclarés opposés à l’extension du mandat de Gbagbo, au-delà du 31 octobre. Le président a affirmé être «prêt à discuter», soulignant toutefois que «le temps des propositions et des négociations est terminé».

Il faut noter que le Front populaire ivoirien, FPI, du président Gbagbo a demandé vendredi le départ des 4 000 soldats français de l’opération  «Licorne» qui assistent les 7 000 casques bleus de la force des Nations unies en Côte d’Ivoire (ONUCI). Les partisans de Laurent Gbagbo considèrent que les français sont trop favorables aux rebelles qui contrôlent la partie nord du pays. «Ce n’est plus d’eux que j’attends la paix», avait déclaré notamment Laurent Gbagbo lors d’un entretien au journal Le Monde le 20 septembre. Les partisans du président ivoirien ont aussi demandé la suppression pure et simple du Groupe de travail international (GTI) qui avait préconisé «un nouveau cadre de transition», avec le renfort des pouvoirs du Premier ministre. Le GTI comprend des représentants de l'Onu, de l'Union africaine, de l'Union européenne  et de divers organismes internationaux, ainsi que les représentants de l'Afrique du Sud, du Bénin, du Ghana, de Guinée, du Niger, du Nigeria, de la France, du Royaume-Uni et des Etats-Unis.

La ministre française de la Coopération, Brigitte Girardin, s’est déclarée inquiète au sujet de la situation ivoirienne. Dans une interview à la chaîne TV5, lundi, Brigitte Girardin a ainsi considéré qu’il va falloir imaginer «une autre forme de transition pour que, réellement, les Ivoiriens puissent choisir démocratiquement, librement, celui qui doit diriger leur pays».



par Antonio  Garcia

Article publié le 25/09/2006 Dernière mise à jour le 25/09/2006 à 18:41 TU