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Union européenne

Les 25 face à la mer Noire

La Commission n'a pas changé le calendrier d'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie pour ne pas pénaliser les deux pays les plus pauvres de l'Union européenne. 

		(Photo : AFP)
La Commission n'a pas changé le calendrier d'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie pour ne pas pénaliser les deux pays les plus pauvres de l'Union européenne.
(Photo : AFP)
La Bulgarie et la Roumanie vont rejoindre comme prévu l’Union européenne le premier janvier 2007. La Commission a donné son feu vert mais il est assorti de restrictions. Ces adhésions seront entérinées par les chefs d’Etat et de gouvernement à l’occasion de leur sommet de décembre prochain. La décision a été annoncée par José Manuel Durao Barroso devant les eurodéputés, à Strasbourg.

Il avait été question, pendant quelques mois, de reporter l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l’Union européenne programmée pour début 2007. Les accords signés entre l’UE et les deux pays candidats permettaient de reporter leur entrée d’un an. La Commission, à l’occasion de plusieurs rapports d’étape, s’était rendue compte que ces deux pays riverains de la mer Noire peinaient à se mettre en conformité avec la législation européenne. Finalement, Bruxelles a fait le choix de ne pas changer le calendrier. Un report aurait pu avoir des conséquences négatives sur la vie de ces deux pays, les plus pauvres de l’Union européenne.  

C’est devant les eurodéputés réunis en session plénière à Strasbourg que le président de la Commission, José Manuel Durao Barroso, est venu  annoncer l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie le premier janvier prochain. «L’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie marquera une réussite historique», a-t-il déclaré, soulignant que ce nouvel élargissement poursuivait «la réunification de notre famille européenne».

Des clauses pour surveiller la mise à niveau

Si la Commission n’a pas voulu briser l’élan des réformes commencées en Roumanie et en Bulgarie en vue de l’adhésion, l’organe central européen a cependant prévu, dès la signature du traité en 2005, d’y adjoindre trois «clauses de sauvegarde». Pendant trois ans, les deux nouveaux venus resteront sous surveillance. Bruxelles aura la possibilité de restreindre sa coopération avec Sofia et Bucarest si les objectifs ne sont pas tenus : il s’agit d’harmoniser les politiques économique et sociale bulgare et roumaine avec celles du reste de l’Union.

La clause «justice et affaires intérieures» risque d’être la plus utilisée par Bruxelles pour faire pression sur la Roumanie et la Bulgarie. Les administrations de ces deux pays ont la réputation d’être encore très corrompues, même si leurs systèmes judiciaires ont déjà été assainis pour tendre vers les objectifs imposés par l’Union. La Bulgarie, en particulier, doit mettre en œuvre une politique de lutte contre le crime organisé et le blanchiment d’argent. Pour ce qui est de la Roumanie, elle doit créer une «agence de l’intégrité» chargée de faire un état des lieux des revenus des fonctionnaires.

Les 25 pourraient prendre des mesures de rétorsion concrètes comme de ne pas reconnaître des décisions de justice prises par les tribunaux roumains et bulgares. La Commission aura la possibilité d’activer elle-même cette clause. Un pays membre pourra également le lui demander.

La deuxième clause permettrant d’émettre des réserves sur l’adhésion pleine et entière de la Roumanie et de la Bulgarie concerne le «marché intérieur». Sofia et Bucarest pourraient être exclues des politiques communautaires concernant les transports, la concurrence, l’énergie, l’agriculture, la santé, la protection des consommateurs. Concernant ces derniers, la Commission estime par exemple que les deux pays entrants ne collectent pas assez d’informations sur la maladie de la vache folle. La persistance de la peste porcine dans les exploitations agricoles de ces pays entraînera d’ailleurs le maintien de l’embargo en vigueur sur la viande de porc.

Le détournement des aides

La troisième manière de surveiller le processus d’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie est une «clause économique générale». C’est une clause «attrape tout». Elle a par exemple été appliquée à l’Espagne, en 1987, lorsque l’arrivée massive de fraises espagnoles en France déstabilisait le marché des fraises françaises. Les exportations de fraises espagnoles avaient alors été plafonnées à la demande de la France.

Conformément aux traités européens, Bruxelles a également la mission, rappelle l’administration européenne, de veiller à la bonne utilisation des budgets fournis par les contribuables européens. En mai dernier, la Commission avait menacé la Bulgarie et la Roumanie de supprimer certaines aides régionales ou agricoles, devant permettre à ces pays de rattraper leur retard sur le Produit intérieur brut moyen de l’Union. Actuellement, le niveau de vie dans ces pays atteint à peine le tiers de la moyenne européenne. Bruxelles demande à Sofia et à Bucarest d’organiser la distribution de ces aides en les mettant à l’abri des détournements organisés par les mafias. Si ces subventions ne parviennent pas aux bénéficiaires prévus, elles pourraient être suspendues.

Au moment où la Commission rendait publique sa décision concernant les adhésions de 2007, la Turquie, à travers une déclaration de son Premier ministre, indiquait ne pas avoir perdu son enthousiasme pro-européen. Recep Tayyip Erdogan a rejeté les critiques faites à son gouvernement estimant qu’il y avait un ralentissement des réformes. «Il n’est pas question de réduire la vitesse», a-t-il indiqué devant les parlementaires de son parti, le Parti de la justice et du développement, issu de la mouvance islamique. Il a cependant estimé qu’un «changement de mentalité» était nécessaire notamment dans les institutions s’opposant aux réformes démocratiques. La Turquie a entamé en 2005 des négociations d’adhésion. Mais à cause de Chypre, plusieurs responsables européens ont menacé de suspendre le processus d’adhésion. 



par Colette  Thomas

Article publié le 26/09/2006 Dernière mise à jour le 26/09/2006 à 17:01 TU