Etats-Unis
Terrorisme : adoption d'une loi controversée
(Photo : AFP)
Cinq ans après l’ouverture du camp de Guatanamo, les sénateurs américains ont adopté jeudi, par 65 voix contre 34, une loi qui définit un cadre juridique pour les détenus soupçonnés de terrorisme. Le «Military Commission Act» qui avait été approuvé la veille par la Chambre des représentants, devrait être promulgué dans les plus brefs délais. Le texte, défendu personnellement par le président américain comme «un outil essentiel de la guerre contre le terrorisme», devrait préserver les prisons secrètes de la CIA. Son adoption permet à George Bush de se vanter d’une rare victoire législative, à six semaines d’élections parlementaires très serrées où le Parti républicain craint de perdre la majorité.
Ce texte a été le fruit d’intenses négociations entre la Maison Blanche et une poignée de sénateurs républicains. La première mouture du projet de loi avait été durement critiquée par plusieurs élus républicains, dont John Mac Cain, ancien prisonnier de guerre au Vietnam. Ils ont, en effet, refusé dans un premier temps d’endosser un texte qu’ils jugeaient «trop laxiste sur la question de la torture». Dans ce débat, ils ont reçu le soutien de l'ancien secrétaire d’Etat Colin Powell selon qui, «le monde est en train de commencer à douter des valeurs morales (des Etats-Unis) dans notre combat contre le terrorisme».
Une négation de l’habeas corpus
Le texte instaure notamment des tribunaux militaires pour juger «les ennemis combattants», capturés depuis le déclenchement fin 2001 de la guerre contre le terrorisme, et détenus pour la plupart sur la base américaine de Guantanamo sur l’île de Cuba. Il fixe également les règles de conduite des interrogatoires de ces suspects, dont aucun n’est encore passé en procès.
En dépit des protestations de nombreux spécialistes du droit constitutionnel, le «Military Commissions Act» supprime toute possibilité de recours en justice des prisonniers contre les conditions de leur détention. Le texte rappelle que les agents chargés d’interroger les suspects ont désormais l’interdiction de recourir à la torture ou à des traitements «inhumains ou dégradants», tout en laissant à l’administration le soin de déterminer ce qui entre dans cette catégorie. Par ailleurs, une disposition élargit la notion d’«ennemis combattants» aux personnes soupçonnées de financer ou d’apporter leur soutien à des organisations considérées comme terroristes.
Les démocrates et certains républicains, qui s’inquiètent des atteintes aux droits des détenus, se disent persuadés que la Cour suprême invalidera cette nouvelle législation. En juin dernier, la Cour a condamné la tentative de l’administration Bush de faire juger les prisonniers de Guantanamo par des tribunaux d’exception. De leur côté, les organisations de défense des droits de l’homme ont dénoncé cette loi estimant que le flou qui entoure les techniques d’interrogatoire risquait d’autoriser des pratiques à la limite de la torture, comme la privation de sommeil ou l’exposition à des températures extrêmes. Pour l’organisation Human Rights Watch, le texte législatif est une négation du principe le plus sacré du droit anglo-saxon, l’habeas corpus, censé protéger de toute détention abusive. Car comme le déplore Kenneth Roth, directeur exécutif de l’Ong : «en réalité, ce projet de loi réécrit des parties essentielles des Conventions de Genève et enlève le droit le plus fondamental des détenus, celui d'être entendu».
par Myriam Berber
Article publié le 29/09/2006 Dernière mise à jour le 29/09/2006 à 15:48 TU