Côte d'Ivoire
Aller-retour diplomatique
(Photo : AFP)
Les prochains jours seront déterminants pour l’avenir de la Côte d’Ivoire. C’est du moins ce qui a toujours été dit avant les réunions entre protagonistes du conflit ivoirien et autres concertations internationales pour élaborer des accords de paix. Les multiples accords signés ont tous connu des blocages et au fil du temps qui passe, du coup d’Etat manqué du 19 septembre 2002 qui a conduit à la partition du pays, le mandat présidentiel de Laurent Gbagbo s’est imposé comme le problème crucial. Sans accord de paix avant les échéances électorales, initialement prévues le 31 octobre 2005, il a fallu faire appel au Conseil de sécurité de l’Onu pour proroger d’un an le mandat présidentiel de Laurent Gbagbo. Le Premier ministre, Charles Konan Banny, nommé pour diriger une transition pendant la même période n’a pas davantage réussi à organiser les élections avant les termes fixés au 31 octobre 2005.
Les uns et les autres se renvoient la responsabilité des blocages et échecs se délivrant mutuellement des motions de défiance. Et, devant le temps qui passe sans avancées concrètes, les institutions internationales craignent le vide juridique qui pourrait ouvrir la porte à toutes les tentations. Par ailleurs toutes les instances qui ont eu à connaître du dossier ivoirien sont arrivées à une même conclusion : il faut trouver une solution qui ne soit pas perçue par les Ivoiriens comme un acte imposé de l’extérieur. C’est pourquoi la main a été donnée en priorité à la Cedeao pour la confection d’un nouveau document de travail. La réunion au sommet débutera le vendredi 6 octobre à Abuja.
Qui dirigera la nouvelle transition ?
Toutes les parties au conflit y sont allées de leurs propositions, persuadées de détenir la clef du problème. Pour la rébellion des Forces nouvelles, Laurent Gbagbo serait le principal auteur du blocage du processus de paix. Ils estiment que donc ses pouvoirs devraient être considérablement réduits à défaut de l’écarter de la nouvelle transition qui devrait démarrer après le 31 octobre 2006. Les Forces nouvelles demandent également la suspension de l’actuelle constitution qui, selon eux, devra être remplacée par un acte constitutionnel «devant régir désormais la vie politique en Côte d’Ivoire». Les autres partis d’opposition, regroupés au sein du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHPD), ne sont pas loin de cette thèse, même si ses ténors, Henri Konan Bédié et Alassane Ouattara souhaitent faire des propositions de leur cru. Ils sont invités, comme Guillaume Soro, à participer à la réunion d’Abuja. Le président Laurent Gbagbo y est aussi invité.
Aux antipodes des solutions de l’opposition, se trouvent celles que préconisent le Front populaire ivoirien (FPI), le parti au pouvoir et le président Laurent Gbagbo. Ce dernier a demandé, dans un courrier adressé à ses pairs de la Cedeao, le départ de la force française de l’Opération Licorne qu’il voudrait voir remplacée par une «force de paix» de l’Union africaine. Se prévalant de la Constitution, il refuse de quitter le pouvoir qu’il n’abandonnerait qu’après la tenue d’une élection présidentielle. Pour le camp présidentiel, il est hors de question de discuter dans quelque instance que ce soit «de la constitution ivoirienne ou de la suspendre». Or, c’est bien de cela dont les chefs d’Etat de la Cedeao discuteront à Abuja. «La Cedeao ne doit pas oublier qu’elle a des millions de ressortissants en Côte d’Ivoire. Chacun de ces pays doit penser à ceux-ci», a menacé Pascal Affi Nguessan, le président du FPI, lors d’une réunion publique. Ses propos ont été qualifiés «d’irresponsables, inflammatoires et totalement inacceptables» par le secrétaire exécutif de la Cedeao, Mohamed Ibn Chambas qui a aussi prévenu que l’organisation tiendrait le président du FPI «personnellement responsable de tout acte de violence perpétré contre ses ressortissants».
A Abuja, la Cedeao a aussi invité, le président en exercice de l’Union africaine, le Congolais Denis Sassou Nguesso, le Sud-Africain Thabo Mbeki, le médiateur de l’UA et le Gabonais Omar Bongo. L’ébauche d’un nouveau cadre politique en Côte d’Ivoire est le principal objectif de la réunion d’Abuja qui soumettra un texte au Conseil de paix et de sécurité de l’UA qui se réunira les 16 et 17 octobre à Addis-Abeba et qui, à son tour, transmettra officiellement au Conseil de sécurité de l’Onu un document de travail estampillé «africain».
par Didier Samson
Article publié le 05/10/2006 Dernière mise à jour le 05/10/2006 à 19:16 TU