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Israël

L’extrême droite au gouvernement: la polémique

Afin de consolider une assise parlementaire fragilisée par la guerre au Liban, le Premier ministre centriste, Ehud Olmert, a conclu un accord offrant un ministère à Avigdor Lieberman, chef de la formation extrémiste Israël Beitenou. Cet accord scandalise certains responsables travaillistes qui souhaitent que leur parti se retire de la coalition. D’autres se veulent plus «responsables», estimant qu’un retrait, en privant alors Ehud Olmert de la majorité au Parlement, ouvrirait la voie à de nouvelles élections qui pourraient déstabiliser le pays. Mercredi, le dirigeant travailliste et ministre de la Défense, Amir Peretz, a décidé de prôner le statu quo après avoir reçu des assurances.

Ratisser large étant un exercice politiquement difficile, Ehud Olmert éprouve toutes les peines du monde à renforcer sa fragile majorité parlementaire. Il faut dire que le Premier ministre israélien, en position délicate après les critiques consécutives à la guerre contre le Hezbollah au Liban, a signé un accord avec l’une des personnalités les plus controversées du pays : Avigdor Lieberman, chef de la formation d’extrême droite Israël Beitenou.

Cet homme de 48 ans, d’origine moldave, fédère une bonne partie de l’électorat issu de l’ancienne URSS, au point que son mouvement dispose de onze députés de la Knesset, sur un total de cent-vingt. Dans son programme politique figure, en bonne place, le transfert des 1,3 million d’Arabes israéliens vers les Territoires palestiniens ainsi qu’un échange territorial avec l’Autorité palestinienne, processus qui conduirait à « créer deux Etats ethniquement homogènes ».

Ehud Olmert lui a, en outre, offert un poste ministériel de la plus haute importance, celui de vice-Premier ministre chargé d’un portefeuille créé spécialement à son intention : les Affaires stratégiques, dont dépendrait notamment le dossier du programme nucléaire iranien. Fonction-clé dans une période où le président de la République islamique, Mahmoud Ahmadinejad, profère, de façon récurrente, des menaces à l’encontre de l’Etat hébreu. Avigdor Lieberman a déclaré au journal Yediot Aharonot (droite, indépendant) : « Nous disposons encore d'un ou deux ans pour empêcher que l'Iran se dote de l'arme nucléaire. C'est ce dossier qui me préoccupe le plus, et je veux m'en occuper ».

La politique du gouvernement ne changera pas

Depuis quelques jours, l’affaire ne cesse de faire des vagues, suscitant de nombreuses protestations dans la presse et les milieux politiques, en particulier au parti travailliste, formation de gauche et principal partenaire (dix-neuf députés) du parti centriste Kadima d’Ehud Olmert au sein de la coalition au pouvoir.

Parmi les principaux opposants à l’entrée d’Israël Beitenou dans la majorité parlementaire et donc à l’arrivée d’Avigdor Lieberman au gouvernement figurait, jusqu’ici, Amir Peretz, chef du parti travailliste et ministre de la Défense. Mais mercredi, à l’issue d’une rencontre avec Ehud Olmert, il a indiqué qu’il recommanderait à son parti de rester au gouvernement.

De source officielle, les deux responsables « sont convenus que le gouvernement poursuivra son action conformément à son programme et que le ralliement du parti Israël Beitenou ne modifiera pas ce programme ». Ehud Olmert et Amir Peretz se seraient également entendus sur le fait que le dirigeant travailliste restera le principal partenaire de la coalition et que ses prérogatives en tant que ministre de la Défense ne seront pas altérées par l'arrivée au gouvernement d’Avigdor Lieberman.

« Le gouvernement légitime le racisme et le fascisme » 

A présent, reste à Amir Peretz la charge de convaincre son parti. Car si le nouvel accord pourrait être prochainement avalisé par le cabinet, il risque d’en aller différemment lors du vote à la Knesset, dans les prochains jours.

Certains responsables travaillistes se veulent « réalistes » et appellent, malgré leur aversion idéologique à l’égard d’Israël Beitenou, au maintien du statu quo. Ainsi, le ministre des Infrastructures, Benjamin Ben Eliezer, a adressé une lettre aux membres du parti pour les appeler à « maintenir la stabilité de la coalition et à ne pas torpiller » l’accord. Ainsi, encore, le ministre du Tourisme, Isaac Herzog, concède : « Je me sens très mal à propos de l'arrivée de Lieberman mais la réalité politique exige d'être responsable (…) Aujourd'hui, quitter le gouvernement pourrait conduire à de nouvelles élections et déstabiliser le pays ».

D’autres, à l’image du ministre de la Culture, Ophir Pines-Paz, appellent au retrait du parti travailliste de la coalition. « La nomination de M. Lieberman comme ministre des Affaires stratégiques pourrait constituer une menace pour Israël », a-t-il déclaré à l'AFP. « Le parti travailliste ne doit pas se prêter à une telle manœuvre (…) Je tenterai de convaincre les députés de s'y opposer au Parlement. J'espère que le Premier ministre a pris en compte le fait que la nouvelle coalition n'aura pas la majorité de 61 à la Knesset ». Quant au député travailliste et ancien chef du Mossad, Danny Yatom, il parle de « mauvaise blague ».

Tout aussi opposés sont les députés arabes israéliens, directement visés par le programme politique d’Israël Beitenou. « L'arrivée de M. Lieberman » dans la coalition constituerait un « message flagrant que le gouvernement légitime le racisme et le fascisme », a protesté Ahmed Tibi, président du parti Raam-Taal. « La communauté internationale doit faire pression sur le gouvernement israélien et le boycotter ».

Les quelque 3 000 membres du Comité central du parti travailliste doivent se réunir dimanche pour se prononcer. Selon les estimations des médias israéliens, cette instance ne devrait pas désavouer Amir Peretz.



par Philippe  Quillerier

Article publié le 25/10/2006 Dernière mise à jour le 25/10/2006 à 17:35 TU