Justice internationale
Un ancien chef de guerre congolais poursuivi pour avoir recruté des enfants soldats

(Photo: AFP)
Les juges de la Cour pénale internationale (CPI) ont commencé les premières auditions dans l’affaire Thomas Lubanga. Accusé de crimes de guerre pour l’enrôlement et la conscription d’enfants de moins de 15 ans, Thomas Lubanga, incarcéré aux Pays-Bas depuis le 17 mars 2006, devra comparaître face à ses trois juges jusqu’au 28 novembre. Au terme de ces audiences, les magistrats devraient confirmer les charges portées à l’encontre du chef politique de l’Union des patriotes congolais (UPC), une milice de l’Ituri, riche province minière du nord-est de la République démocratique du Congo (RDC).
De notre correspondante à La Haye
L’ouverture effective du procès devrait prendre encore plusieurs mois. L’enquête ouverte par le procureur, en juillet 2004, porte sur les crimes commis sur tout le territoire de la RDC depuis juillet 2002. Mais à ce jour, Thomas Lubanga reste le seul ancien chef de guerre inculpé. «Lubanga est une première étape. Si les leaders des autres groupes sont aussi poursuivis, si ceux qui ont profité de la guerre en Ituri constituent la prochaine étape, alors ce sera une bonne chose», estime Géraldine Mattioli, de l’organisation Human Rights Watch, qui regrette en outre la faiblesse des charges portées contre Lubanga par le parquet au regard de l’ampleur des crimes perpétrés dans cette région minière.
Selon de nombreux rapports émanant des Nations unies et d’organisations non gouvernementales, la milice de Lubanga serait responsable de nombreux massacres ethniques, «de meurtres, de tortures et de violence sexuelle». «Justice ne sera pas rendue tant que les chefs de l’UPC ne seront pas aussi poursuivis pour ces crimes là» estime Géraldine Mattioli. Or pour l’heure, les preuves du parquet ne portent que sur l’enrôlement et la conscription d’enfants soldats.
Thomas Lubanga:«J’emploie le nous de majesté»
Lors de sa première audition devant la Cour, en mars, Thomas Lubanga parlait de lui au pluriel. «J’emploie le nous de majesté», disait-il aux trois juges interloqués, celui de l’homme politique, par opposition au vulgaire chef de guerre. Selon son avocat, maître Jean Flamme, l’accusé «est venu à la politique par la force des choses. Il est venu à la politique dans un climat de chaos total». Un homme qui se défend d’avoir eu le goût du treillis et celui des bottes : «Il ne faisait pas partie de l’armée, il n’a aucune formation militaire, il n’a obtenu aucun grade dans l’armée. Thomas Lubanga est un politique», président d’un parti dédié «à la pacification et la réconciliation» selon l’avocat belge. Un accusé de circonstance.
«Je suis surpris de voir que le seul accusé devant la CPI est Monsieur Lubanga. C’est une justice de pauvre. On poursuit des gens qui n’ont ni moyens politiques, ni moyens financiers. Mais ceux qui ont des parrains au niveau national ou international en sortent indemnes». L’avocat promet déjà d’évoquer, au cours du procès, les soutiens internationaux des différentes milices de la région. «Les généraux ougandais se sont enrichis, se sont remplis les poches, et si Monsieur Lubanga est ici, c’est qu’il dérangeait du monde». En prenant ses fonctions, le procureur Luis Moreno Ocampo évoquait ses ambitions, parlant de la nécessité de s’attaquer au nerf de la guerre au cours de ses enquêtes, mais pour l’heure, les responsables politiques en RDC, au Rwanda et en Ouganda ne seraient pas visés.
Lors des douze jours d’audition, quatre parties civiles seront représentées. Au terme d’une longue procédure, elles ont obtenues le statut de victimes de Thomas Lubanga. Une première : La Cour est la seule juridiction pénale internationale devant laquelle les victimes peuvent se porter parties civiles et demander des réparations pour les crimes subis. En tout, 110 victimes ont demandé à être représentées et pourraient intervenir au cours d’autres procès relatifs aux crimes commis au Congo- Kinshasa. Car l’affaire Lubanga n’est que l’une des étapes de l’affaire République démocratique du Congo ouverte par le parquet. Le procureur a déjà indiqué que d’autres milices sont actuellement visées par ses enquêtes.
par Stéphanie Maupas
Article publié le 09/11/2006 Dernière mise à jour le 09/11/2006 à 14:14 TU