Entreprises
La fusion Suez-GDF en suspens
(Photo : AFP)
La fusion entre Suez et Gaz de France est repoussée au mieux à 2007. La cour d’appel de Paris a confirmé dans la nuit de mardi à mercredi la décision prise un peu plus tôt par le juge des référés de reporter le conseil d’administration de GDF, prévu ce mercredi. La justice a répondu favorablement au comité d’entreprise européen (CEE), qui estimait ne pas avoir suffisamment d’informations sur le dossier. Elle enjoint GDF de remettre tous les éléments en sa possession (parités, dividende exceptionnel, conséquences sur l’emploi, projet industriel) au CEE. GDF devra ensuite convoquer une réunion extraordinaire du CEE, après la remise d’un rapport d’experts commandé par les syndicats sur les conséquences sociales de la fusion avec Suez. Dans l’intervalle, il est interdit à GDF de prendre toute décision sur le projet sous peine de payer «une astreinte de 100 000 euros par infraction constatée».
Du côté des syndicats, on est satisfait de cette annonce. Pour Max Royer, secrétaire général du syndicat FO-Energie, opposé à la privatisation de GDF, la fusion marque un coup d’arrêt : «le calendrier ne sera pas tenu, ce qui nous plonge dans la période électorale, beaucoup moins propice à d'éventuels engagements des hommes politiques sur des sujets aussi sensibles », a-t-il déclaré. Jean-Pierre Sotura, en charge du dossier de fusion GDF-Suez à la CGT a également fait part de sa satisfaction : « cela va dans le bon sens par rapport au débat nécessaire sur ce projet qui a des conséquences sur les salariés en termes d'emplois et sur la qualité du service public en général». «Cette décision est un constat d'échec de ce gouvernement qui veut faire une fusion sans dialogue social. On s'occupe beaucoup plus des actionnaires de Suez que des salariés de Gaz de France », a déclaré de son côté Jacques Mouton pour la CFDT, tandis que le syndicat des cadres CFE-CGC estime que GDF doit «reprendre son destin en main ».
Le contexte de l'élection présidentielle.
Cette décision n’a pas entamé la motivation des deux groupes. Dans la nuit, les présidents de GDF et de Suez ont affirmé dans un communiqué commun, leur volonté de maintenir le projet. «Le projet entre Gaz de France et Suez reste le plus pertinent pour l’avenir de nos entreprises, nous comptons le mener à bien dans les meilleurs délais», ont déclaré Jean-François Cirelli (Gaz de France) et Gérard Mestrallet (Suez). De son côté, le ministre délégué au Budget, Jean François Copé, a estimé que «cette décision ne remettait pas en cause la pertinence du projet». Très agacé à l’encontre de GDF, le ministre de l’Economie Thierry Breton a affirmé pour sa part que «c'est aux entreprises de mener leur projet et à personne d’autre ». Pourtant, la fusion est bien de fait repoussée au delà du 31 décembre 2006. Les assemblées générales des deux entreprises devront examiner les comptes annuels 2006, et il est vraisemblable que cela ne pourra pas se faire avant le mois de mars. Le contexte de la campagne électorale ne facilitera pas la conclusion du mariage.
Dès le départ, cette fusion annoncée en février dernier par le Premier ministre Dominique de Villepin pour protéger Suez d’une offre publique d’achat (OPA) hostile de l’électricien italien Enel, a déclenché une hostilité de toutes parts. Le projet défendu par le ministre de l’Economie, Thierry Breton, et les PDG des deux groupes, a dû affronter les foudres des syndicats, inquiets du sort des 60 000 agents communs à EDF et GDF. De leur côté, les associations de défense des consommateurs ont dénoncé un piège tendu aux Français, une telle concentration risquant de pousser les tarifs de l’énergie à la hausse.
A gauche, la logique de blocage a été poussée jusqu’au bout. Pour tenter d’empêcher l’adoption du projet de loi sur l’énergie qui permettait la privatisation de Gaz de France, prélude à la fusion avec Suez, les députés socialistes et communistes ont déposé quelque 137 500 amendements pour modifier le texte. A droite également, ce mariage entre les deux groupes a suscité de nombreuses réticences, y compris au sein de l’UMP, le parti majoritaire. Pour calmer le jeu, le président de l’UMP, Nicolas Sarkozy s’est rallié tardivement au texte gouvernemental. Sans parler des exigences de Bruxelles à l’égard de ce futur ensemble, la Commission européenne a finalement donné son feu vert à la mi-novembre, moyennent certaines concessions à l’international.
par Myriam Berber
Article publié le 22/11/2006 Dernière mise à jour le 22/11/2006 à 15:56 TU