Politique française
La parité à petits pas

(Photo : AFP)
«Révolutionnaire». C’est ce que Ségolène Royal a pensé du choix des militants socialistes de désigner une femme, elle en l’occurrence, comme candidate à la présidentielle. Au-delà de l’inévitable emphase liée à l’émotion du moment, on ne peut que constater qu’il y a là, en effet, quelque chose d’exceptionnel. C’est la première fois dans la vie politique française que l’un des deux grands partis ne remet pas son destin présidentiel entre les mains d’un homme. Par ricochet, Ségolène Royal est la première femme à pouvoir entamer la campagne en ayant une chance de terminer à l’Elysée.
Cette situation est d’autant plus inédite que Ségolène Royal est un peu comme l’arbre qui cache la forêt. Derrière elle, la voie n’est pas tracée. Même si les choses ont évolué notamment depuis l’adoption de la loi en 2000, la parité est loin d’être acquise. A l’Assemblée nationale, ces dames ne représentent que 12,3% des députés. Au Sénat, elles ne sont guère plus (16,9%). Ces chiffres placent la France en queue de peloton, au 84ème rang mondial. Au niveau local, l’amélioration de la représentation féminine est en revanche plus nette. L’obligation de présenter autant de femmes que d’hommes aux élections à scrutin de liste a eu un effet rapide. Les femmes représentent désormais 47,5% des élus dans les communes de plus de 3 500 habitants (au lieu de 22% avant la loi) et 47,6% dans les conseils régionaux (au lieu de 27,5%). Mais cela n’a pas permis d’augmenter significativement leur accès aux fonctions exécutives locales. Seuls 10,9% des maires sont des femmes (au lieu de 7,5%). Et Ségolène Royal est la seule présidente de région.
Peu de femmes dans les grands ministères
Au niveau gouvernemental, le nombre de femmes ministres a augmenté au fil des ans. Elles étaient, par exemple, 9 avec Valéry Giscard d’Estaing (1974-1981), 11 avec François Mitterrand (1981-1998), 26 avec Jacques Chirac (1995-2002). Mais bien souvent, elles n’ont pas obtenu les portefeuilles prestigieux réservés à leurs collègues masculins. Même s’il y a eu des exceptions notables comme Simone Veil qui a été notamment ministre d’Etat chargée des Affaires sociales, de la Santé et de la Ville (1993), Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux (1997), ou Michèle Alliot-Marie, actuelle ministre de la Défense. Et surtout Edith Cresson, première et seule femme à avoir occupé le poste de chef du gouvernement (1991).
Dans le débat politique français, la parité est devenue un enjeu. Le Parti socialiste en a fait l’un des ses chevaux de bataille et donne l’exemple. Ségolène Royal sera sa candidate à la présidentielle. Et en plus, le PS a annoncé que, lors des législatives de juin 2007, il présenterait pour la première fois le même nombre de candidats et de candidates. Une pierre dans le jardin de l’UMP où l’on a bien du mal à aller vers une meilleure représentativité féminine. Le parti majoritaire ne devrait présenter que 30% de femmes aux prochaines législatives. Même si le PS veut aller plus vite en terme de parité, on a constaté que dans ce parti comme dans les autres, les femmes sont en général envoyées dans des circonscriptions où la bataille électorale est plus difficile à gagner, parfois même perdue d’avance.
Pas de changement avant 2008
Les nouvelles mesures proposées dans le projet de loi ne changeront pas la donne tout de suite. Et pour cause, l’augmentation des pénalités financières imposées aux partis qui ne présentent pas autant de femmes que d’hommes aux législatives (scrutin uninominal) n’entrera en vigueur qu’après janvier 2008. Donc une fois la prochaine Assemblée nationale désignée. Les deux autres mesures prévues n’auront pas non plus d’effet immédiat mais elles devraient permettre de rétablir l’équilibre entre hommes et femmes dans les exécutifs des communes de plus de 3 500 habitants et des régions, à l’occasion du renouvellement des mandats. Le projet prévoit, en effet, de rendre la parité obligatoire dans l’attribution des postes de conseillers municipaux ou de vice-présidents de région. Jusqu’à présent la seule obligation était de présenter autant de candidats que de candidates sur les listes. La loi préconise aussi de créer des postes de suppléants pour les conseillers généraux et de les attribuer à des personnes du sexe opposé à celui du titulaire. Petit à petit, la parité avance.
par Valérie Gas
Article publié le 28/11/2006 Dernière mise à jour le 28/11/2006 à 17:05 TU