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France

L’exclusion au cœur de la campagne présidentielle

Homeless frappe les esprits en disant : «<em>Si on est des milliers à camper, les choses changeront.</em>» 

		(Photo : AFP)
Homeless frappe les esprits en disant : «Si on est des milliers à camper, les choses changeront.»
(Photo : AFP)
Avec l’arrivée de l’hiver, la question des sans domicile fixe (SDF) resurgit dans le débat politique français. Des associations dénoncent, en effet, la situation des personnes exclues du logement et interpellent les responsables sur un sujet qui préoccupe les Français. Les candidats à la présidentielle savent qu’ils devront se positionner sur la précarité et la pauvreté, deux maux de la société française. Nicolas Sarkozy a commencé à le faire, lors de son meeting de Charleville-Mézières, en s’adressant à ce qu’il a appelé «la France qui souffre».

Dormir sous la tente à côté des sans domicile fixe : c’est ce que des Parisiens sensibilisés à leur situation ont décidé de faire. La plupart sont anonymes. Mais certains sont connus, comme la nouvelle secrétaire nationale des Verts, Cécile Duflot. Elle est venue témoigner sa solidarité aux SDF avec une vingtaine de responsables de son parti et a partagé une nuit avec les quelque deux cents personnes sans logement qui se sont installées sur les berges du canal Saint-Martin, dans la capitale.

Ils ont répondu à l’appel d’une association, les Enfants de Don Quichotte, qui s’est mobilisée pour faire prendre conscience aux politiques du caractère inacceptable d’une situation où de plus en plus de gens dorment dans la rue. Dans le même esprit, Médecins du Monde poursuit son initiative de distribution de tentes aux SDF, qui avait débuté à Paris il y a un an. Il s’agit pour l’association de donner un peu plus de confort à ceux qui n’ont pas d’endroit où dormir, mais aussi de rendre visible le phénomène de manière à obliger les responsables à agir.

Près de 7 millions de Français sous le seuil de pauvreté

Ces initiatives médiatisées n’ont pas permis de changer les choses concrètement. Mais elles contribuent à mettre au cœur du débat politique la question de la misère d’une partie de la population française. On estime, en effet, qu’en France environ 6,9 millions d’habitants, sur un total de 63 millions, vivent sous le seuil de pauvreté avec moins de 788 euros par mois. Parmi eux, la Fondation Abbé Pierre comptabilise environ 3,2 millions de mal logés. Et ils sont entre 100 000 et 400 000 à ne pas avoir de logement du tout.

Les Français sont conscients d’être fragilisés. Une enquête montrent qu’ils sont 48% à penser pouvoir se retrouver à la rue après un coup dur. D’autant que l’on constate que les SDF ne sont pas forcément des chômeurs. Un tiers d’entre eux ont un travail mais ils n’en tirent pas assez de revenus pour vivre décemment. C’est peut-être à ce niveau qu’il y a eu une véritable dégradation de la situation. Il ne suffit plus aujourd’hui de travailler pour avoir un logement et manger à sa faim. Les accidents de la vie : surendettement, licenciement, divorce… peuvent conduire les gens à vivre dans la rue et les condamner à y rester, parfois même alors qu’ils ont retrouvé un emploi.

Ce n’est donc pas par hasard que Nicolas Sarkozy a choisi de se rendre dans les Ardennes, une région particulièrement défavorisée -le chômage y atteint les 13%-, pour parler à «la France des classes populaires qui a peur de l’exclusion, celle des classes moyennes qui a peur du déclassement». Plus de dix ans après Jacques Chirac qui avait fait de la «fracture sociale» son thème de campagne pour la présidentielle de 1995, le président de l’UMP, probable candidat en 2007, se présente comme celui qui veut lutter contre la «capitulation sociale».

Aux électeurs de cette région qui ont été 26% à voter pour l’extrême-droite, 12% pour l’extrême-gauche au premier tour de la présidentielle en avril 2002, et 65% à choisir le «non» lors du référendum sur la Constitution européenne, il a promis de ne jamais accepter «que la France soit un pays où l’on s’appauvrit en travaillant parce que le travail ne paie plus assez». Il a aussi déclaré : «Je veux, si je suis élu président de la République, que d’ici à deux ans plus personne ne soit obligé de dormir sur le trottoir et d’y mourir de froid». Un discours qui en rappelle un autre, celui de Lionel Jospin, candidat à la présidentielle en 2002, qui s’était fixé comme objectif «zéro SDF en 2007».

Salaire et minima sociaux

Martin Hirsch, le président d’Emmaüs France, a fait preuve de son scepticisme face à de tels propos : «Bien sûr, il faut tendre vers zéro SDF, mais on n’y arrivera jamais si on ne s’attaque pas au fait qu’il y a 30% de travailleurs pauvres dans la rue, si l’on n’agit pas en amont. Sinon, on restera dans des slogans creux». Dans un rapport remis en 2005 à Philippe Douste-Blazy, alors ministre des Solidarités, de la Santé et de la Famille, il avait d’ailleurs proposé une mesure destinée à permettre aux bénéficiaires de minima sociaux de ne pas en être totalement privés après avoir retrouvé un emploi. Ce système, le revenu de solidarité active, permettrait donc de concilier des aides et un salaire de manière à endiguer le phénomène des «travailleurs pauvres».

Les déclarations de Nicolas Sarkozy ont aussi suscité des réactions politiques. Le premier secrétaire du Parti socialiste s’est étonné : «On ne peut pas faire semblant de s’émouvoir alors qu’on est aux responsabilités depuis quatre ans et demi». François Hollande a aussi suggéré à Nicolas Sarkozy de ne pas attendre l’élection pour agir : «Il lui reste encore quelques mois pour être ministre de l’Intérieur et faire preuve de solidarité avec les SDF. Il a l’occasion de le faire là. Qu’il mette, avec son gouvernement, les moyens nécessaires pour qu’il n’y ait plus personne qui dorme la nuit dehors». De la difficulté d’être ministre et candidat.

par Valérie  Gas

Article publié le 19/12/2006 Dernière mise à jour le 19/12/2006 à 16:54 TU