Somalie
L’escalade
(Photo: AFP)
L’Ethiopie intensifie son offensive armée contre les islamistes somaliens. Après avoir bombardé, dimanche matin, plusieurs localités contrôlées par l’Union des tribunaux islamiques (Uti) et annoncé officiellement son implication dans les combats qui font rage depuis le 20 décembre entre l’Uti et le gouvernement de transition somalien, l’aviation éthiopienne a bombardé, lundi, les deux principaux aéroports somaliens, sous contrôle des Tribunaux islamiques. D’abord, celui de Mogadiscio, la capitale somalienne, siège du pouvoir islamiste depuis juin dernier. Fermé pendant 11 ans à cause de la guerre civile, l’aéroport avait rouvert en juillet.
Lors de l’attaque de lundi, une femme de ménage a été blessée. De hauts responsables islamiques ont immédiatement réagi. «L’Ethiopie a commencé à massacrer les civils somaliens (…) nous appelons la communauté internationale à agir rapidement», a lancé cheikh Mohamed Ibrahim Bilal. «L’aéroport est principalement utilisé par des vols civils, ce raid intervient à un moment où beaucoup de personnes voyagent pour le Hadj [pèlerinage à La Mecque]. C’est une attaque choquante», a quant à lui dénoncé Abdi Kafi.
Fermeture des frontières somaliennes
Le second aéroport visé est celui de Belidogle (90 km au sud-ouest de Mogadiscio), le plus grand terrain d’aviation militaire de Somalie, soupçonné par l’Ethiopie d’aider au ravitaillement des islamistes. «Nous avons le droit d’agir sur le terrain par tous les moyens, comme nous le souhaitons, pour arriver à nos fins», s’est justifié le gouvernement éthiopien par la voix du porte-parole du ministère de l’Information. «Nous avons dit clairement que nous allions prendre toutes les mesures appropriées pour déstabiliser les forces anti-éthiopiennes en Somalie.» Lundi, en fin de matinée, les autorités éthiopiennes ont expliqué avoir mené le raid contre l’aéroport de Mogadiscio pour «empêcher les vols interdits» par le gouvernement de transition somalien. «Certains vols non autorisés ont été observés, c’est pourquoi ce bombardement a eu lieu. Il a été également observé que des extrémistes attendaient à Mogadiscio pour être transportés par avions», a déclaré le porte-parole du ministère éthiopien des Affaires étrangères, Solomon Abebe.
Dans le même temps, lundi, le gouvernement de transition somalien a annoncé la fermeture des frontières terrestres, aériennes et maritimes du pays «pour raisons de sécurité», après une réunion du conseil des ministres. Les échanges d’artillerie se sont poursuivis dans la journée, notamment dans la région de Baïdoa (siège des institutions de transition), à Deynunay et Burhakaba, et dans le centre du pays, à Bandiradley (630 km au nord de Mogadiscio). Et le gouvernement de transition somalien a annoncé avoir repris le contrôle de la localité de Beledweyne (300 km au nord de Mogadiscio et 30 km de le frontière éthiopienne), tenue par les islamistes depuis plusieurs mois.
Les forces en présence
Les combats entre forces islamiques et gouvernementales ont repris avec force le 20 décembre sur plusieurs fronts. Le gouvernement de transition somalien dit aligner 6 000 hommes, formés par des instructeurs éthiopiens, et peut compter sur l’appui des milices du Puntland, qui bloquent l’expansion des forces islamiques vers le nord. L’Ethiopie, alliée des Etats-Unis dans la région, est dotée d’une aviation conséquente et d’une armée aguerrie. Selon un rapport d’experts des Nations unies datant de novembre, Addis Abeba avait déjà déployé au moins 8 000 hommes en Somalie, chose qu’elle démentait à l’époque. Certains experts militaires estiment que l’Ethiopie aurait envoyé entre 15 et 20 000 soldats en Somalie, appuyés par des blindés et de l’artillerie.
Les forces des tribunaux islamiques sont plus difficiles à chiffrer. Sûrement plusieurs milliers d’hommes, qui mènent une guerre de mouvement grâce aux technicals, des véhicules, camions ou tout-terrains, sur lesquels sont montés des batteries anti-aériennes, des pièces d’artillerie ou des mitrailleuses lourdes. Selon le rapport des Nations unies, les Uti possèderaient aussi des missiles sol-air. Le gouvernement transitoire somalien accuse les islamistes d’être soutenus par 4 à 8 000 combattants étrangers, qu’il qualifie de «terroristes internationaux». Toujours selon le rapport onusien de novembre, l’Erythrée, principale rivale de l’Ethiopie dans la région, aurait dépêché 2 000 combattants pour soutenir les islamistes. Une information démentie par Asmara.
Reprise des discussions ?
Outre la crainte de certains scénarios, comme l’internationalisation du conflit ou la reprise de la guerre, par Somalie interposée, entre l’Ethiopie et l’Erythrée, la flambée de violence de ce week-end menace la présence des ONG sur place. Le Programme alimentaire mondial (Pam), qui mène en ce moment des opérations de secours pour les victimes des graves inondations que connaît la Somalie, a demandé aux belligérants de ne pas entraver le travail des humanitaires. Environ 1,8 million de personnes sont gravement menacées, dont 1,4 million souffrent de malnutrition chronique et 400 000 ont dû évacuer leurs maisons détruites par les inondations, la sécheresse ou les combats.
Un espoir ? Dimanche, la Ligue arabe a fait état d’un accord passé le 20 décembre entre les islamistes et le gouvernement transitoire pour reprendre leurs discussions le 15 janvier à Khartoum, au Soudan. L’Ethiopie s’est aussi déclarée favorable à des négociations entre le gouvernement transitoire et les tribunaux islamiques, pour mettre en place un gouvernement conjoint.par Olivia Marsaud
Article publié le 25/12/2006 Dernière mise à jour le 25/12/2006 à 16:41 TU