Sri Lanka
Deux ans après le tsunami, violences et corruption freinent la reconstruction
(Photo : Mouhssine Ennaimi / RFI)
Reportage de notre correspondant à Colombo
Cobra Junction. Devant la base militaire, le long de la route, un pneu en position verticale sur lequel est peint le nom du carrefour. Ici, on ne va pas plus loin. Des bombardements sont prévus dans l'après-midi et l'armée s'attend à des tirs d'artillerie ennemis. Pourtant, après quelques négociations, le responsable du camp nous autorise à visiter les nouvelles constructions post-tsunami. A Wadawan, maçons, charpentiers et plâtriers sont à la tâche. «Je suis extrêmement heureux de ma nouvelle maison, elle est plus solide, plus grande que celle que j'avais auparavant» dit Mylvaganan Sathyamoorthy, 50 ans et père de deux enfants. «Quand on a dit que l'on allait avoir des problèmes pour payer l'électricité, l'organisation humanitaire nous a installé des panneaux solaires. Dès que j'aurais emménagé, je vais transformer cet abri temporaire en petit commerce», ajoute ce pêcheur, satisfait.
Fuir les bombardements
Au loin, des bruits de bombardement résonnent au dessus des champs de cocotiers. Un peu plus au sud, le long de la route côtière, le camp de Vinayagapuram dans la ville de Velachchenai accueille plus de 700 familles, dont la moitié sont des enfants. La plupart sont des Tamouls de Vakarai, là où les combats sont les plus violents entre l'armée et les Tigres de l'Eelam tamoul (LTTE), la guérilla indépendantiste qui revendique les territoires du Nord et de l'Est du Sri Lanka. «Il y a deux ans, ma maison a été détruite par le tsunami et la nouvelle était presque terminée. Il ne restait plus qu'à poser le toit, mais on a dû fuir à cause de la guerre. Je vais rester dans ce camp de déplacés où j'habite sous une tente avec mes cinq enfants» confie Arumugam Pavalarana, 46 ans, accroupie sur le sable devant une marmite sur le feu. Comme elle, ils sont des milliers à fuir les bombardements, le plus souvent sans avoir eu le temps de prendre ni sandales, ni saree.
(Photo : Mouhssine Ennaimi / RFI)
Des maisons reconstruites puis détruites
Il y a plus d'un an plusieurs organisations humanitaires se sont lancées dans la reconstruction post-tsunami dans l'Est du Sri Lanka. D'une part parce que les deux tiers de la côte ont été touchés et d'autre part parce qu’après plus de vingt années de guerre civile, les besoins sont plus importants. «Il y a plus d'un an, la région était accessible mais la situation est de pire en pire ici. Certains de nos bénéficiaires sont d'ailleurs déjà partis et nos partenaires locaux nous ont dit que certaines de nos maisons ont été détruites par les bombardements. Il y a même un obus qui est tombé dans une de nos maisons et qui n'a pas explosé» lâche Sabine Rosenthaler, chef de projet chez Helvetas, une ONG suisse, au cours de la visite de la reconstruction d'un quartier de Tiramaidu. Ici aussi les ouvriers sont à l'œuvre même si «depuis juillet dernier, les organisations humanitaires se sont focalisées sur les personnes déplacées par le conflit entre l'armée et les LTTE, et ce malgré le fait qu'il y a encore beaucoup de demandes et que de nombreuses personnes sont sans abris» selon Sabine Rosenthaler.
A Batticaloa, un responsable d'ONG affirme sous couvert d'anonymat, avoir subi des pressions afin qu'il octroie des maisons à une liste de bénéficiaires inconnus. «Je reçois plusieurs coups de fils par jour. On me dit qu'il faut que j'attribue des habitations à ces gens là mais le problème est qu'ils ne répondent pas à nos critères. Ma secrétaire a été menacée de mort. J'ai du la muter à Colombo.» Il est vrai qu'il règne un climat d'impunité dans cette grande ville de l'Est, coincé entre la lagune et l'océan Indien, depuis que la faction dissidente des LTTE (la faction Karuna) fait régner la terreur avec la bénédiction de l'armée sri lankaise. Plusieurs témoins confirment ce sinistre chantage.
Des dons contre un soutien politique
Dans le Sud du pays, la reconstruction avance. Des centaines d'ONG multiplient projet sur projet, font «sortir les maisons de terre» et inaugurent village après village. Loin des bombardements et des populations déplacées par la guerre civile, les seuls obstacles sont les lois contradictoires du gouvernement ainsi que la corruption des politiciens locaux. L'ONG Reconstruire et Vivre a rebâti deux villages, soit une cinquantaine de maisons, et s'occupe également de la maternelle que la responsable de l’association, Patricia Wickramasinghe, dit avoir remis sur pied. Elle témoigne des mœurs de certains responsables locaux : «Dans un de nos villages reconstruit, il y avait un pêcheur qui avait reçu deux bateaux avec leurs moteurs. Après discussion, nous avons découvert que c'était le politicien du coin qui offrait cela. Mais seulement aux gens qui le soutenaient».
par Mouhssine Ennaimi
Article publié le 26/12/2006 Dernière mise à jour le 26/12/2006 à 09:06 TU