Energie
Le grand plan de Bruxelles
(photo : AFP)
Face au choc pétrolier et à la pression croissante contre les énergies fossiles qui contribuent au réchauffement de la planète, l’Europe a un besoin urgent d’une politique énergétique ambitieuse et cohérente. C’est le message qu’a adressé le président de la Commission, José Manuel Durrao Barroso en présentant les mesures d’une politique communautaire de l’énergie aux Vingt-Sept, ce mercredi. Premier axe de ce plan d’action : s’attaquer aux causes du réchauffement climatique en diminuant les émissions de gaz à effet de serre. Alors que l’UE peine à remplir ses objectifs du protocole de Kyoto - une réduction de 8% des émissions de CO2 à l'horizon 2010 par rapport au niveau de 1990 - la Commission européenne propose que l’UE s'engage unilatéralement à réduire d'au moins 20% ses émissions polluantes en 2020 par rapport à 1990, l'année de référence .
Pour cela, le commissaire en charge de l’Energie, Andris Piebalgs, souhaite une «nouvelle révolution industrielle afin que l’UE devienne une économie à forte efficacité énergétique». La Commission parie très fort sur les énergies renouvelables, dont la part sera portée à 20% de la consommation totale d'énergie de l’UE en 2020, en développant des technologies plus propres, dans le solaire, l’éolien, la production de carburants verts. La Commission veut aussi augmenter l’efficacité énergétique des pays membres grâce, notamment, à des bâtiments mieux isolés, des appareils électriques moins gourmands et le développement des transports publics.
Vers un retour du nucléaire ?
Dans cette stratégie, quelle est la place à réserver au nucléaire ? Le texte s’attache à éclairer les points forts de cette source d’énergie dans la lutte contre l’effet de serre. A l’inverse des politiques de sortie du nucléaire de pays comme l’Allemagne ou la Belgique, la Commission y voit un avantage parce que «l 'énergie atomique est moins vulnérable aux fluctuations de prix que le charbon ou le gaz, car l’uranium ne représente qu’une part limitée du coût de production de l’électricité nucléaire». Plusieurs pays ont amorcé ce retour, en construisant de nouvelles centrales comme la Finlande, mais le texte laisse l’entière responsabilité de décider aux Etats membres. «C’est à chaque pays membre de décider de recourir ou non au nucléaire» mais, avertit ce texte, cette décision doit s’accompagner «d’une solution de remplacement dégageant peu de gaz carbonique».
Ce plan soulève beaucoup de critiques du côté des ONG environnementalistes et des Verts qui jugent les mesures trop timides. Greenpeace aurait souhaité une plus grande réduction des émissions de gaz carbonique : moins de 30% en quinze ans. D'un autre coté, des voix s’élèvent pour souligner que les objectifs en matière d’énergies renouvelables sont irréalistes, soulignant que la production de biocarburants ne laisserait plus de terres pour l’agriculture.
Le changement climatique n’est pas la seule préoccupation. La Commission entend développer la concurrence sur les marchés énergétiques en plaidant pour la séparation entre producteurs d’énergie et gestionnaires de réseaux de distribution. De manière prudente, Bruxelles met deux options sur la table : soit une séparation totale entre producteurs et distributeurs, soit la mise en place d’un opérateur indépendant de gestion des réseaux, dont le producteur pourrait rester propriétaire. De nombreux commissaires, notamment celle à la concurrence Neelie Kroes, plaide pour un dégroupage total, qui est déjà une réalité dans douze pays européens.
Cette dernière solution devrait favoriser les investissements nécessaires à la modernisation des lignes électriques et des gazoducs. Mais, une telle décision serait lourde de conséquences pour un pays comme la France car elle ouvre la voie au démantèlement des anciens monopoles EDF ou GDF. Le gouvernement français a aussitôt réagi en réaffirmant son opposition à toute séparation des activités de production et de transport. La France s’oppose par ailleurs à la suppression des tarifs réglementés que prône la Commission. Une libéralisation du marché qui, selon les syndicats, ne pourra se faire qu’au détriment des consommateurs, car elle entraînera forcément une hausse des prix. Ce n’est pas le seul sujet sur lequel les sensibilités nationales divergent. Les discussions sur ces propositions vont s’engager jusqu’à leur prochaine adoption lors du sommet européen en mars prochain.
par Myriam Berber
Article publié le 10/01/2007 Dernière mise à jour le 10/01/2007 à 17:32 TU