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Guinée

La grève se durcit

Plusieurs villes de Guinée ont été touchées par la grève générale. 

		(Carte : DK/RFI)
Plusieurs villes de Guinée ont été touchées par la grève générale.
(Carte : DK/RFI)
La grève générale illimitée, initiée le 10 janvier, a été marquée jeudi et mercredi par des incidents violents avec les forces de l’ordre qui ont abattu trois personnes et ont également arrêté des dizaines de manifestants, dont plusieurs ont été blessés. De nouvelles manifestations, parfois violentes, se sont produites dans plusieurs communes. La rencontre entre le président Lansana Conté et les dirigeants syndicaux, mercredi à Conakry, n’a pas permis de débloquer la situation. Les manifestants réclament le départ du vieux président qui est au pouvoir depuis 1984.

Un jeune homme a été tué par balles jeudi à Mamou, à 280 kilomètres à l’est de Conakry, au moment de la dispersion de la manifestation par la police. De violents incidents se sont également produits dans la périphérie de la capitale. Des sources humanitaires, citées par l’AFP, ont fait état d’au moins cinq blessés par balles dans les quartiers de Hamdallaye, Haffia et Matoto. Mercredi, les incidents entre policiers et manifestants ont provoqué deux morts, dont un enfant de dix ans touché par une balle perdue, à Ratoma dans la banlieue de Conakry. Plusieurs véhicules ont été incendiés sur le boulevard Le Prince, qui relie la banlieue à la capitale guinéenne. La police, appuyée par des militaires, a aussi dispersé des manifestations organisées dans d’autres villes de province, notamment à Télimélé, Mamou et à Kankan.

Le secteur de la bauxite est également atteint par le mouvement de grève. Les salariés de la mine de Sangaredi, le principal site d’extraction situé au nord de Conakry, appartenant à la Compagnie des bauxites de Guinée (CBG) ont procédé à des débrayages. Les mines de Sigiuri, qui sont exploitées par le groupe sud-africain Anglogold, ont également subi des débrayages. La Guinée est le deuxième producteur mondial de bauxite, qui sert à la fabrication de l’aluminium. Des incidents ont été également signalés mercredi soir au centre minier de Labé, où un jeune homme de 20 ans a été tué lors de la dispersion d’une manifestation. La ville de Labé est située dans le massif du Fouta-Djalon à 250 kilomètres au nord de la capitale. L’armée y est intervenue pour protéger la résidence du préfet.  

Union syndicale contre le président

C’est le 10 janvier que cette grève générale illimitée a été déclenchée par les principales organisations syndicales du pays qui ont décidé de former un front commun. L’intersyndicale qui réunit la Confédération nationale des travailleurs de Guinée (CNTG) et l’Union syndicale des travailleurs de Guinée (USTG) a décidé de déclencher ces actions, largement suivies, pour protester notamment contre la corruption et les détournements de fonds publics. Les syndicats critiquent également l’ingérence du président Lansana Conté dans les affaires judiciaires, suite à la libération de l’ancien président du patronat, Mamadou Sylla, et de l’ancien ministre Fodé Soumah, inculpés de détournement de fonds publics.

Le président de l’Assemblée nationale, Aboubacar Somparé, a lu un communiqué à la radiotélévision guinéenne affirmant que le chef de l’Etat s’était dit prêt à des concessions : baisse du prix des carburants, arrêt des exportations de produits alimentaires, hausse des salaires des enseignants et démarrage d’une campagne anticorruption au sein de la police. Les syndicats sont restés sourds à ces propositions et ils exigent la nomination d’un premier ministre civil ainsi que la formation d’un gouvernement d’union nationale. Dans une lettre envoyée au président de l’Assemblée nationale, les dirigeants syndicalistes lui demandent de «saisir la Cour suprême», vu la «dégradation» de l’état de santé du président Lansana Conté, 72 ans, qui souffre notamment de diabète.

Le président Conté a reçu brièvement mercredi les principaux dirigeants syndicaux guinéens, mais cette rencontre n’a pas servi à grand-chose. Selon les syndicalistes, le chef de l’Etat leur a demandé de cesser le mouvement de grève et il aurait même proféré des menaces.

Bemba Souma

Sécrétaire adjoint de l'union syndicale des travailleurs de Guinée.

«Nous avons été reçus par le président de la République qui nous a dit que si nous continuons, il allait nous faire tuer.»

Le général Lansana Conté est au pouvoir depuis 1984 suite à un coup d’Etat et il a toujours refusé de se démettre. La Guinée, pays de 10 millions d’habitants avec de très faibles revenus (environ 2 000 dollars par habitant en 2005), vit ainsi un climat de grande tension qui semble s’aggraver. Il s’agit de la troisième grève générale en un an dans ce pays d’Afrique occidentale qui fait face, depuis des années, à des crises économiques et politiques importantes. Selon Transparency International, la Guinée est le pays le plus corrompu du continent africain.

La situation en Guinée est suivie avec beaucoup d’attention par les Etats voisins et aussi par les gouvernements européens. Le ministre guinéen des Affaires étrangères, Mamady Condé, a rencontré jeudi les ambassadeurs accrédités à Conakry pour les informer de la présente crise. La Grande Bretagne a déconseillé à ses ressortissants de se rendre en Guinée, sauf en cas de nécessité absolue, «à la suite des heurts violents et d’une grève générale» selon la recommandation rendue publique jeudi à Londres par le Foreign Office. Le gouvernement français a, quant à lui, appelé au dialogue entre les autorités de Conakry et les syndicats guinéens. Mais Paris a aussi «vivement déconseillé» aux Français de se rendre en Guinée.   



par Antonio  Garcia

Article publié le 18/01/2007 Dernière mise à jour le 18/01/2007 à 12:07 TU