Guinée
Les violences ont fait au moins 30 morts lundi
(Photo : AFP)
Selon des responsables de l’hôpital Donka, un des plus grands de la capitale, 25 personnes ont été tuées et au moins 30 blessées par balles dans plusieurs quartiers de la banlieue, notamment à Hamdalaye, Lambany, Enco et Matam. Cinq autres personnes ont été abattues en province. Le gouvernement guinéen, par la voix de son ministre de l'Intérieur, a présenté ses condoléances aux familles de victimes. Moussa Solano promet des enquêtes sérieuses sur les événements de lundi.
La police anti-émeute a bouclé lundi le centre de Conakry alors que des fusillades ont éclaté dans plusieurs quartiers de la capitale. Des soldats d’élite, dont des éléments de la garde présidentielle portant des bérets rouges, ont tiré en l’air pour disperser la foule qui tentait de gagner le centre-ville. L’armée a investi la Bourse du travail à Conakry, lieu de rassemblement des dirigeants syndicaux. Au moins vingt personnes ont été interpellées.
Dans la soirée, plusieurs dirigeants syndicaux ont été arrêtés par des membres de la garde présidentielle, dont Rabiatou Sérah Diallo, secrétaire générale de la Confédération nationale des travailleurs de Guinée (CNTG) et Ibrahima Fofana, secrétaire-général de l’Union syndicale des travailleurs de Guinée (USTG), qui sont à l’origine du mouvement de grève générale illimitée. Ils ont été libérés dans la soirée et conduits au camp militaire de Samory, où ils on pu rencontrer Lansana Conté. Selon Mme Diallo, le président guinéen a insulté «copieusement» le chef d’état major des armées, le ministre de la Sécurité et le directeur de la police nationale, pour avoir arrêté les syndicalistes «sans son autorisation».
Rabiatou Diallo
Secrétaire générale de la Confédération nationale des travailleurs de Guinée (CNTG)
«Le chef de l'Etat nous a reçu, grâce à la Première dame qui avait écouté la radio qui annonçait l'arrestation des syndicalistes.»
En marge d’une manifestation à Conakry, l’envoyé spécial de RFI, Cyril Bensimon, a été légèrement blessé, victime d’un jet de pierre contre la voiture dans laquelle il se trouvait en compagnie d’autres journalistes.
Des incidents se sont également produits en province. Plusieurs manifestants ont été tués par les forces de l’ordre dans la région de Kankan, chef lieu de la Haute-Guinée, selon des sources syndicales.
La société civile et les syndicats n'entendent pas relâcher la pression vis-à-vis du pouvoir. Le gouvernement a fait des propositions sur le prix des carburants et du riz, ce qui est insuffisant selon les syndicats qui réclament toujours le départ du chef de l'Etat, Lansana Conté, pour raisons de santé et de mauvaise gouvernance. Les syndicats, appuyés par les partis de l’opposition, exigent également la nomination d'un nouveau gouvernement et d’un Premier ministre de consensus.
Le dialogue avec des représentants du gouvernement devait reprendre au Palais du peuple, mais ces négociations ont dû être ajournées en raison du climat de violence. Mais les dirigeants syndicaux n’excluent pas de nouvelles discussions : «nous ne fermons pas la porte aux négociations car on ne peut pas rester comme cela longtemps». En début de soirée, le calme régnait dans le centre de la capitale, où des policiers et des militaires continuaient à patrouiller. La situation était calme lundi matin à Conakry et dans l’intérieur du pays.
Condamnations internationales
Le président de la Commission de l'Union africaine (UA), Alpha Oumar Konaré, a condamné mardi «la répression des manifestations» en Guinée. Le communiqué de l’UA souligne que le président de la Commission «demande aux autorités guinéennes et à toutes les parties prenantes de faire preuve de retenue. Il exhorte les autorités guinéennes à ouvrir sans délai une enquête indépendante pour situer les responsabilités et sanctionner les auteurs des violences que connaît la Guinée depuis plusieurs jours».
La Commission européenne a condamné «les violentes interventions des forces de l'ordre» en Guinée et a appelé à la modération. La Commission pourrait envisager le gel de fonds européens destinés aux programmes de développement de cet Etat africain. Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, s’est déclaré «gravement préoccupé par l’usage excessif de la force qui a résulté en des pertes de vies humaines» et a appelé fermement le gouvernement guinéen à faire une enquête sur ces morts «dans le but de traduire en justice leurs responsables, même s’il s’agit de membres des forces de sécurité».
L'Eglise catholique, ainsi que les protestants et les anglicans ont lancé lundi un appel au calme. Les chrétiens guinéens ont aussi dénoncé l'incurie du gouvernement et les effets de la crise sociale.
La Guinée a une population de près de 10 millions d’habitants, pour la plupart musulmans. Le président Lansana Conté, 72 ans, a pris le pouvoir en 1984, suite au décès de Sékou Touré. L’opposition a contesté les élections de 1993, 1998 et 2003 qui l’ont reconduit au pouvoir. Le prochain scrutin est prévu pour 2010.
Les exportations de bauxite menacées
En 2006, la Guinée a été classée au 160ème rang (sur 177) en termes de développement humain, selon les indices établis par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Le pays dispose d’à peine 2 000 dollars de revenu annuel par habitant. L’actuel mouvement de grève atteint tout particulièrement le secteur minier, l’une des principales ressources de la Guinée, interrompant l’acheminement de minerai de bauxite utilisé dans la fabrication de l’aluminium. La Guinée possède près d’un tiers des réserves mondiales de bauxite, dont elle est le principal exportateur de la planète avec près de 13 millions de tonnes par an. La Compagnie des bauxites de Guinée (CBG) est gérée par le groupe américain Alcoa qui possède 51% du capital de l’entreprise grâce à sa filiale Halco. L’Etat guinéen est propriétaire des 49% restants du capital de la CGB.
par Rédaction Internet (avec AFP)
Article publié le 22/01/2007 Dernière mise à jour le 23/01/2007 à 15:16 TU