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Territoires palestiniens

Une année sombre

Conférence de presse commune du président palestinien Mahmoud Abbas et du numéro un du Hamas, Khaled Mechaal, ce dimanche 21 janvier à Damas. 

		(Photo: AFP)
Conférence de presse commune du président palestinien Mahmoud Abbas et du numéro un du Hamas, Khaled Mechaal, ce dimanche 21 janvier à Damas.
(Photo: AFP)
Les Palestiniens auront vécu une des années les plus sombres de leur histoire depuis la victoire électorale des islamistes du Hamas, le 25 janvier 2006. Déjà en déliquescence, l’Autorité palestinienne est, aujourd’hui, paralysée par une lutte de pouvoir entre le Hamas, à la tête du gouvernement, et la présidence contrôlée par le Fatah. C’est dans ce contexte de crise politique et économique aiguë que les responsables palestiniens se sont rencontrés, dimanche, à Damas. Le chef du Fatah, Mahmoud Abbas, et le numéro un du Hamas, Khaled Mechaal, ont repris le dialogue sur la mise en place d’un gouvernement d’union nationale.

La rencontre tant attendue entre Mahmoud Abbas (Fatah) et Khaled Mechaal (Hamas), les responsables des deux principaux mouvements palestiniens s’est tenue, dimanche 21 janvier, à Damas. C’était leur première entrevue après des mois de conflit et l’échec, l’an dernier, d’un «dialogue national» pour parvenir à un programme politique commun. Lors d’une conférence de presse commune dans la capitale syrienne, les représentants des deux factions rivales ont assuré qu’ils poursuivraient le dialogue au cours des deux prochaines semaines, en vue de la formation d’un gouvernement d’unité nationale, car «il n’est pas normal de se battre», comme l’a déclaré le chef politique du Mouvement de la résistance islamique (Hamas).

«La peur au ventre»

Un an après sa victoire aux élections législatives, Ismaïl Haniyeh, haut responsable du Hamas, dirige un gouvernement paralysé. Devant son refus de reconnaître Israël et de renoncer à la violence, les Etats-Unis et l’Union européenne ont gelé leurs aides directes à l’Autorité palestinienne. Asphyxiés par un boycott occidental et une crise politique interne sans précédent, les Palestiniens dressent un bilan sans appel : «Nous vivons, depuis un an, sans salaires, sans sécurité, sans stabilité, et avec la peur au ventre», avoue à l’AFP Nidal Mohammed (32 ans), employé au ministère de la Santé, à Gaza. Le 19 janvier dernier, Israël a remboursé 100 millions de dollars à l’Autorité palestinienne, sur les 600 millions qu’il lui doit, contournant ainsi le Hamas pour que l’argent aille directement aux ayants droits, notamment aux hôpitaux, où la dégradation de la situation sanitaire est à son comble. L’Union européenne a mis en place un mécanisme de paiement à destination des médecins pour éviter que les sommes d’argent ne transitent par les ministères tenus par le Hamas, dont le ministère des Finances.

De la crise politique aux affrontements armés

Il y a un an, face à un Fatah que les Palestiniens accusaient de manquer de fermeté dans les négociations avec Israël, et de mauvaise gestion en matière de sécurité et de corruption, le Hamas était perçu comme celui qui pourrait remédier à la situation. Les experts politiques avaient alors analysé le scrutin plus comme une défaite du Fatah que comme une victoire du Hamas. Fin juin, la crise politique a dégénéré en affrontements meurtriers entres membres du Fatah et du Hamas, alors que l’armée israélienne lançait une offensive meurtrière dans la bande de Gaza, après l’enlèvement du soldat israélien Gilad Shalit par des groupes armés, en juin dernier. Dans le même temps, les Israéliens ont arrêté des dizaines de députés et officiels du Hamas, en Cisjordanie, dont certains sont toujours détenus. Pour bon nombre de Palestiniens, la situation n’a jamais été aussi mauvaise depuis la création de l’Autorité palestinienne, en 1994.

«Le plus important succès du gouvernement est d’avoir tenu face à l’offensive israélienne féroce, de s’être maintenu au pouvoir sans renoncer à ses principes et d’avoir évité la guerre civile voulue par Israël», a déclaré Fawzi Barhoum, porte-parole du Hamas. Ce que dénonce Mohammad al-Hourani, cadre du Fatah : «La cause palestinienne traverse une phase d’isolement et se trouve en perte de vitesse sur la scène internationale».

«Le Hamas doit cesser de jouer sur les mots»

Mahdi Abdelhadi, directeur de la Palestinian academic society for the study of international affairs (Passia), à Jérusalem, plus nuancé, relève que le Hamas «s’est maintenu au pouvoir une année entière sans renoncer à ses principes». Les déplacements de M. Haniyey en Egypte, Syrie, Arabie saoudite et Iran ont permis de briser l’isolement. Selon Abedelhadi, «le Hamas a perdu de sa crédibilité en se rendant coupable d’hypocrisie politique en jouant sur les mots, pour ne pas avoir l’air de céder aux exigences occidentales. Au lieu de reconnaître Israël, il parle de reconnaître les frontières de 1967», note le directeur de l’académie palestinienne, à Jérusalem. De même, il dénonce les luttes intestines : «La lutte au pouvoir entre le Fatah et le Hamas a ouvert la porte aux ingérences régionales», permettant ainsi à Israël «d’agir à sa guise dans les territoires, sans attirer l’attention du monde». Mahdi Abdelhadi appelle de nouvelles élections de ses vœux, qui permettraient «l’émergence de nouveaux dirigeants capables de gouverner leur peuple». Faute d’entente entre les frères ennemis, le président Abbas a réaffirmé, en décembre dernier, sa volonté de procéder à des élections législatives et présidentielles anticipées, au grand dam du Hamas qui estime avoir été élu démocratiquement. Ce duel se traduit, pour l’heure, par une coupure de plus en plus prononcée entre la bande de Gaza, bastion du Hamas, et la Cisjordanie, forteresse du Fatah. La rencontre de Damas est peut-être l’amorce d’un début de solution.



par Françoise  Dentinger

Article publié le 25/01/2007 Dernière mise à jour le 25/01/2007 à 08:03 TU