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Cinéma

Un film qui passe mal au pays des diamantaires

Les diamants de Sierra Leone sont d’une qualité uniformément élevée. 

		(Photo : Sylvain Savolainen)
Les diamants de Sierra Leone sont d’une qualité uniformément élevée.
(Photo : Sylvain Savolainen)

Le film Blood Diamond, «Les diamants de la guerre», sort ce mercredi sur les écrans français. La superproduction hollywoodienne livre un message militant qui passe mal aux Pays-Bas.

Retrouvez les photos de Sylvain Savolainen et leurs légendes complètes en cliquant ici.


De notre correspondante à La Haye

Blood Diamond réunit tous les ingrédients d’une jolie romance sur fond de guerre, ou encore ceux d’une guerre violente, actuelle, symbole des guerres qui frappent le continent africain. La superproduction hollywoodienne, sortie mercredi sur les écrans français, parvient à balayer en 135 minutes toutes les implications de la guerre du diamant. «Une bonne pierre peut tout acheter», retiendra-t-on des propos du héros Danny Archer (Léonardo Di Caprio), «la sécurité, l’information, la liberté». Sa course effrénée pour quelques 200 carats, aux côtés de la journaliste de choc, Maddy Bowen (Jennifer Connelly) et du pêcheur sierra-léonais, Solomon Vandy (Djimon Hounson), se déroule au cours des quatorze années de guerre fratricide qui ont ensanglanté, jusqu’en 2002, la Sierra Leone, mais reflète parfaitement bien les fondements de nombre de conflits en Afrique.

Un bureau de négociant de diamants à Koidu, capitale de la région de Kono, la plus diamantifère de Sierra Leone. Durant le conflit de Sierra Leone, la région de Kono a été la base arrière des rebelles du RUF (Front Révolutionnaire Uni). 

		(Photo : Sylvain Savolainen)
Un bureau de négociant de diamants à Koidu, capitale de la région de Kono, la plus diamantifère de Sierra Leone. Durant le conflit de Sierra Leone, la région de Kono a été la base arrière des rebelles du RUF (Front Révolutionnaire Uni).
(Photo : Sylvain Savolainen)

Ici, l’histoire évoque les rebelles qui veulent s’emparer du pays, qui utilisent les zones diamantifères comme base arrière, qui financent leur guerre en exploitant les sous-sols, quelques carats contre des armes. Appelées à la rescousse, les compagnies militaires privées, dont la plus célèbre, Executive Outcome, ont fait leur lit des diamants de la guerre.

Les professionnels du diamant sur la sellette

Avant même sa sortie, le film a déjà mobilisé, fait couler beaucoup d’encre. Dès son annonce, les professionnels du diamant se lançaient dans une campagne de publicité, publiaient de grands encarts dans les principaux quotidiens anglo-saxons. Le patron du célèbre diamantaire De Beers avouait que le film suscitait «une grande préoccupation». Au Botswana, les bushmen s’adressait directement au héros par courrier, en novembre, pour retrouver leurs terres et vivre «de nouveaux de la cueillette». Les tribus du Kalahari lançaient un site internet pour boycotter la compagnie De Beers, accusée de les avoir expulser aux fins d’exploitation minière. Le 13 décembre, la Haute cour de Gaborone faisait droit à leur plainte. Ce n’est qu’en épilogue que le film évoque le Processus de Kimberley.

Village de Grafton. Abubakar Kargbo a été amputé de deux bras à la hache, en janvier 1999, lors de l’invasion de Freetown par les rebelles du Front Révolutionnaire Uni (RUF). 

		(Photo : Sylvain Savolainen)
Village de Grafton. Abubakar Kargbo a été amputé de deux bras, à la hache, en janvier 1999, lors de l’invasion de Freetown par les rebelles du Front Révolutionnaire Uni (RUF).
(Photo : Sylvain Savolainen)

Etabli par l’Onu, à la demande de plusieurs gouvernements et d’organisations non gouvernementales, Global Witness et Partenariat Afrique Canada notamment, le Processus de Kimberley, en vigueur depuis janvier 2003, vise à garantir que le commerce des diamants bruts exclut les diamants de sang. Diamants issus de «l’esclavage», dont a été victime l’un des héros du film, Solomon Vandy. Diamants au titre desquels les milices pillent, détruisent, tuent, violent et expulsent. Et pour lesquels ils enrôlent de jeunes enfants, enlevés à leurs familles, formés en soldats et transformés en chiens de guerre. «La Sierra Leone connaît la paix. Il reste 200 000 enfants soldats en Afrique», lit-on en épilogue.

Juger les auteurs

En novembre dernier, suite à la conférence annuelle des participants au processus de certification des diamants, au Botswana, l’association Partenariat Afrique Canada dénonçait «les premiers ratés» et préconisait un élargissement des contrôles et une administration plus stricte. Depuis, le Ghana, le Brésil et la Côte d’Ivoire ont été pointés du doigt en raison de leur rôle dans ce trafic. Cette association reconnaît cependant que le trafic de diamants bruts ne représente qu’un faible pourcentage du commerce du diamant, près de 1% selon le diamantaire De Beers. Pour autant, l’organisation Partenariat Afrique Canada veut parvenir au taux zéro et maintenir la pression, pour «prévenir».

La galerie publique du Tribunal Spécial pour la Sierra Leone (TSSL), qui a la particularité de rendre justice in situ. 

		(Photo : Sylvain Savolainen)
La galerie publique du Tribunal Spécial pour la Sierra Leone (TSSL), qui a la particularité de rendre justice in situ.
(Photo : Sylvain Savolainen)

Prévenir les conflits futurs, c’est aussi l’objectif du Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL) installé à Freetown en janvier 2001. Le 4 juin prochain, il ouvrira le procès de Charles Taylor. L’ancien président libérien est accusé de crimes contre l’humanité et crimes de guerre. En exportant sa guerre en Sierra Leone, Charles Taylor voulait «déstabiliser l’état sierra-léonais et s’emparer des richesses diamantifères du pays» lit-on dans l'acte d’accusation. Si le procès ne fera qu’effleurer l'implication des associés de l'ancien président, compagnies occidentales ou sociétés de mercenariats, ce procès marquera une étape capitale. Si les dictateurs ne peuvent plus dormir sur leur impunité passée, les trafiquants divers pourraient, eux aussi, à l’avenir, nourrir des inquiétudes. Comme l’un des proches de Charles Taylor, jugé aux Pays-Bas en 2006. Patron de plusieurs sociétés au Libéria, l’homme d’affaires Guus Kouwenhoven a été condamné pour commerce illicite du bois, dans une même logique que celle des diamants de sang. Deux documentaires sur le commerce illégal des diamants devraient accompagner la sortie du film de mercredi.



par Stéphanie  Maupas

Article publié le 30/01/2007 Dernière mise à jour le 30/01/2007 à 18:22 TU

Retrouvez les photos de Sylvain Savolainen et leurs légendes complètes en cliquant ici.

Audio

«Blood diamond» : manifeste politique ou pur divertissement ?

Par Valérie Lehoux

«"Blood diamond" est un film qui dénonce et un film qui divertit avec ses scènes haletantes d’action et de combat.»

[30/01/2007]

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