Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

France 2007 - élection présidentielle

Bové, le gaulois du monde

Le leader altermondialiste José Bové est officiellement candidat à l'élection présidentielle. L’ancien porte-parole de la Confédération paysanne se veut le candidat des «sans-voix». 

		(Photo : AFP)
Le leader altermondialiste José Bové est officiellement candidat à l'élection présidentielle. L’ancien porte-parole de la Confédération paysanne se veut le candidat des «sans-voix».
(Photo : AFP)
Il a beaucoup tergiversé et puis finalement, il a dit qu’il y allait. José Bové est candidat à l’élection présidentielle française mais, diront les mauvaise langues, pour combien de temps ? D’un côté, il est sous la menace d’une nouvelle condamnation de la justice pour une affaire de destruction d’OGM qui, même si elle ne peut pas l’empêcher de se présenter, lui fait courir le risque de retourner en prison. De l’autre, il n’a pas arrêté durant les derniers mois de changer d’avis sur sa candidature. Il avait même fait mine de renoncer vraiment, en novembre, en s’éloignant du mouvement des collectifs antilibéraux gangrené par son incapacité à se mettre d’accord sur un leader. Des hésitations qui interrogent sur sa réelle motivation. Mais en fait, la genèse de la candidature de José Bové à l’élection présidentielle est un peu à l’image de son parcours : inattendue et hors de contrôle.

C’est la «malbouffe» qui l’a fait connaître. C’était en 1999 et José Bové avait mené le démontage d’un restaurant de la chaîne McDonald’s à Millau. En menant une action d’éclat très médiatisée contre le symbole de la restauration rapide made in USA, il voulait dénoncer les sanctions douanières imposées par les Etats-Unis aux produits agricoles européens. Et voilà le moustachu du Larzac promu tête de pont de la défense des paysans bien de chez nous.

Et pourtant, José Bové n’est pas tombé dans la ruralité quand il était tout petit. A voir son éternel look paysan, cheveux hirsutes, pipe au bec, tee-shirt et pantalon de velours, gros godillots aux pieds, on a du mal à imaginer qu’il est né dans une famille de scientifiques plutôt urbains. Dans son cas, la vie à la ferme est un choix, pas un héritage. Ses parents étaient chercheurs à l’Inra (Institut national de recherche agronomique) et n’étaient pas installés à la campagne. Ils ont même vécu avec leurs trois enfants -il a deux frères, l’un est devenu ingénieur, l’autre informaticien- aux Etats-Unis. José Bové a donc passé plusieurs années en Californie. Cela lui a permis, entre autres, d’acquérir une bonne maîtrise de l’anglais.

Paysan par choix

Qu’est-ce qui l’a donc poussé, une fois adulte, à aller s’installer dans le Larzac ? Son caractère révolté et contestataire, son incapacité à accepter des règles qui contrarient ses convictions, y sont certainement pour quelque chose. C’est, en effet, après avoir refusé de faire son service militaire et s’être réfugié chez des agriculteurs dans les Pyrénées qu’il a commencé à se rapprocher du monde paysan. Il s’est engagé, en 1973, dans la lutte menée par les agriculteurs du Larzac contre l’extension du camp militaire installé dans la région, qui les aurait obligé à vendre leurs terres à l’armée. Trois ans plus tard, il a même fait partie du groupe de paysans qui a décidé d’entrer dans le camp militaire. Ce qui lui a valu une première condamnation à trois mois de prison. José Bové a trouvé dans le Larzac sa voie et sa ferme. Il s’est, en effet, installé dans un hameau des causses avec sa première épouse, Alice, et leur bébé. Il est ainsi devenu un homme de la terre et du terroir.

Il s’est ensuite transformé en vrai paysan, spécialisé dans l’élevage de brebis, mais aussi en ardent défenseur du monde agricole et des valeurs qu’il incarne : vérité, qualité, solidarité. C’est ce qui va l’amener à fonder avec son épouse, le Centre cantonal des jeunes agriculteurs en 1978, puis, en 1987, la Confédération paysanne. Et enfin à élargir les horizons, quelques années plus tard, avec la création de Via Campesina, une sorte de fédération internationale des organisations paysannes mobilisées autour du thème de la lutte contre l’agriculture productiviste. Dans le même temps, il commence à s’engager sur des sujets de société plus larges. Il se rapproche, par exemple, de Greenpeace pour protester contre la reprise des essais nucléaires en Polynésie, en 1995. C’est à cette période que va débuter la métamorphose qui va transformer le leader paysan en chantre de l’altermondialisme.

Il est presque logique que José Bové soit passé de la défense des petits paysans contre les gros groupes agroalimentaires au militantisme en faveur des exclus d’une mondialisation génératrice d’injustices. Trop à l’étroit dans les frontières du Larzac et de la cause paysanne, il a cherché un nouveau souffle. Il l’a trouvé en participant à des manifestations internationales : les forums sociaux organisés pour protester contre les sommets du G8, où se retrouvent les pays les plus riches, ou ceux de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), accusée de défendre les intérêts des puissants contre ceux des faibles, du Nord contre le Sud. On a donc vu José Bové dans tous les coins du monde à Seattle, Porto Alegre, Gênes, Cancun. Il s’est aussi rendu au Mexique pour apporter son soutien aux zapatistes du Chiapas. Il a accepté l’invitation des paysans palestiniens, en 2002, et est allé à Ramallah où il a rencontré Yasser Arafat, avant d’être expulsé par l’armée israélienne.

Un peu cabot

Ces pérégrinations hors de l’Hexagone ne l’ont pas empêché de poursuivre les actions spectaculaires sur le territoire national, avec un domaine de prédilection : l’arrachage des champs de cultures transgéniques (OGM). C’est assez surprenant lorsque l’on sait que son père, spécialisé en agronomie, travaillait sur les maladies des plantes et menait des recherches sur les OGM. Ces arrachages lui ont d’ailleurs valu quelques condamnations par la justice française et plusieurs incarcérations. Jusqu’au-boutiste et provocateur, José Bové est aussi un peu cabot. Et il a su tirer partie de ses malheurs avec la justice. L’image de sa sortie du tribunal, en 1999, les poings menottés mais bien levés vers le photographe, n’est pas anodine de ce point de vue. José Bové aime à prendre la posture de la victime et à l’utiliser pour s’attirer la sympathie grâce aux médias. Le gaulois se voit un peu en Robin des Bois. Malgré tout, il a avoué avoir beaucoup souffert lors de ses détentions, au milieu des cris des détenus, et sans possibilité de voir l’horizon. Une véritable souffrance pour un homme qui a choisi de vivre au plus près de la nature.

En annonçant sa candidature à la présidentielle 2007, José Bové a pris soin de se différencier des autres concurrents en affirmant qu’il n’était pas «un professionnel de la politique». Et pourtant, même s’il n’a aucun des attributs du politicien parisien, il n’est plus vraiment un simple militant paysan ou altermondialiste. Et s’il habite toujours dans les causses, il n’a plus beaucoup de temps à consacrer à ses brebis. Ces dernières années, il a multiplié les prises de positions et les déplacements. Il s’est, par exemple, engagé contre l’adoption de la Constitution européenne, en 2005. Et il a fait partie des leaders du mouvement antilibéral qui s’est organisé à ce moment-là et qui a regroupé des écologistes, des communistes, des altermondialistes, des syndicalistes, des militants d’extrême-gauche... Même si c’est un peu par défaut, il va tout de même représenter cette mouvance dans la campagne électorale. Au grand dam de ses adversaires de la gauche antilibérale Marie-George Buffet, Arlette Laguiller, Olivier Besancenot, qui lui reprochent de venir perturber la donne, au risque d’être contre-productif dans la bataille face à la droite. Mais à entendre José Bové se déclarer, on sent bien qu’il n’en a cure. Lui ne voit que les 32 000 signatures obtenues par la pétition lancée pour soutenir sa candidature et ne pense qu’à la dynamique populaire qui pourrait se développer. Après les McDo, les champs d’OGM, les sommets, il se voit bien en trublion d’une élection.



par Valérie  Gas

Article publié le 02/02/2007 Dernière mise à jour le 02/02/2007 à 18:31 TU