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Espagne

Les terroristes du 11 mars 2004 devant les juges

Les secours à la gare madrilène d’Atocha, après les attentats du 11 mars 2004. 

		(Photo: AFP)
Les secours à la gare madrilène d’Atocha, après les attentats du 11 mars 2004.
(Photo: AFP)
Le procès des 29 accusés des attentats islamistes de Madrid s’ouvre ce jeudi, sous haute surveillance, dans une annexe de l’Audience nationale, le tribunal antiterroriste espagnol, à l’ouest de la capitale. Les audiences devraient durer près de six mois. Cette action sanglante, perpétrée le 11 mars 2004 dans des trains de banlieue à la gare madrilène d’Atocha et revendiquée au nom d’al-Qaïda, avait fait 191 morts et près de 1 900 blessés. C’est la pire tragédie terroriste de l’histoire espagnole. Elle avait précipité la défaite électorale du Parti populaire de José Maria Aznar et entraîné le retrait des troupes espagnoles d’Irak.

La police madrilène est sur les dents. «La surveillance des lieux de grande affluence et des objectifs stratégiques sera renforcée, afin de garantir pleinement la sécurité des citoyens pendant le procès du 11 mars et à l’approche du 3è anniversaire des attentats», a annoncé le ministère espagnol de l’Intérieur, qui a relevé de faible à moyen le niveau d'alerte antiterroriste. Les patrouilles de police sont renforcées dans les endroits très fréquentés tels que les galeries marchandes, les gares et les stades. Les infrastructures sensibles comme les centrales nucléaires et le réseau de distribution d'eau potable bénéficient d'une protection supplémentaire.

Sur les bancs du tribunal antiterroriste espagnol, transformé en camp retranché, 29 accusés. Il s’agit, en majorité, d’islamistes radicaux marocains installés en Espagne. Seuls trois des 13 présumés poseurs de bombes seront jugés : les Marocains Jamal Zougam et Abdelmajid Bouchar ainsi que le Syrien Basel Ghayloun. Tous trois ont été reconnus par des témoins comme faisant partie du commando. Sept autres se sont suicidés à l'explosif lors du siège policier de leur appartement, le 3 avril 2004, à Léganès, près de Madrid, en compagnie d’un des «cerveaux» des attentats, Sarhane ben Abdelmajid Fakhet, dit «Le Tunisien».Trois ont échappé à la justice.

Les trois autres «cerveaux» présumés qui comparaissent à Madrid sont :
- Rabei Ousmane Sayed Ahmed, alias «Mohammed l'Egyptien», expert en explosifs qui s'est vanté d’avoir participé aux attentats lors de conversations interceptées par la police italienne lors de sa fuite. Il a été arrêté à Milan.
- Youssef Belhadj, un Marocain soupçonné d'être «Abou Doujanah l'Afghan», qui apparaît dans une vidéo revendiquant les attentats au nom d'al-Qaïda.
- Hassan Al Haski, autre Marocain, un dirigeant présumé du Groupe islamique combattant du Maroc (GICM), «filiale» d'al-Qaïda impliquée dans les attentats de mai 2003 à Casablanca (45 morts).

Le dimanche 14 mars, Aznar est sanctionné

Les accusés encourent un record absolu de 270 000 ans de prison, même si, en pratique, la durée de la réclusion est limitée à 40 ans en Espagne. Le procès doit se dérouler jusqu'en juillet et le verdict est attendu en octobre.

«C’est le procès des événements les plus traumatiques qu’ait connu ce pays depuis la guerre civile» (1936-1939), selon un magistrat. Le 11 mars 2004, entre 7h 30 et 7h40 du matin, des bombes télécommandées explosent dans quatre trains de banlieue bondés roulant en direction de la gare madrilène d’Atocha, provoquant un carnage, à trois jours des élections législatives. Bilan : 191 morts et près de 1 900 blessés.

Alors que le pays est sous le choc et cherche des coupables présumés, le gouvernement conservateur de José Maria Aznar met en avant et maintient la piste de l’ETA, les séparatistes basques espagnols, malgré l’accumulation d’indices conduisant peu à peu vers une action islamiste. De nombreux médias et une bonne partie de l’opinion espagnole soupçonnent le chef du gouvernement de vouloir faire diversion pour éviter une sanction électorale due à son engagement controversé en Irak, aux côtés des troupes américaines.

Le dimanche 14 mars au soir, Aznar est sanctionné. C’est le socialiste José Luis Rodriguez Zapatero qui remporte les législatives. Il annonce, fidèle à son programme, le retrait prochain des soldats espagnols d’Irak.

Ben Laden désigne l’Espagne comme cible

Après trois ans d’enquête, il apparaît, toutefois, que ces attentats ont été planifiés avant l’envoi de soldats espagnols en Irak en 2003. Selon l’acte d’accusation, l’idée des actions meurtrières du 11 mars 2004 aurait «germé» au sein d’une cellule islamiste marocaine affiliée à al-Qaïda et installée depuis longtemps en Espagne. L’élément déclencheur aurait été l’arrestation, en novembre 2001, par le juge Baltasar Garzon, d’un de ses responsables, l’Espagnol d’origine syrienne Imade Eddine Yarkas, alias Abou Dahdah, et de huit de ses complices.

En outre, alors que «Mohammed l'Egyptien» est en fuite en Italie après les attentats du 11 mars et qu’il est placé sur écoute par la police italienne, il affirme à l’un de ses interlocuteurs que la décision de commettre un attentat à Madrid avait été prise il y a «deux ans et demi», temps nécessaire à la mise au point d’une action de cette envergure. Le projet se serait ensuite précisé après l’intervention militaire espagnole en Irak. Enfin, la décision de passer à l’action daterait du 18 octobre 2003, jour de la diffusion, sur la chaîne du Qatar, al-Jazira, d’un message d’Oussama ben Laden désignant l’Espagne comme cible.

par Philippe  Quillerier

Article publié le 15/02/2007 Dernière mise à jour le 15/02/2007 à 16:04 TU