Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Colombie

Ingrid Betancourt : cinq ans déjà

La Franco-Colombienne Ingrid Betancourt sur la dernière vidéo produite par les FARC le 30 août 2003. 

		(Photo : DR)
La Franco-Colombienne Ingrid Betancourt sur la dernière vidéo produite par les FARC le 30 août 2003.
(Photo : DR)

Cinq ans, déjà. Le 23 février 2002, sur une route abandonnée du sud du pays, la candidate à la présidentielle, Ingrid Betancourt, et sa chef de campagne, Clara Rojas, étaient enlevées. Elles sont depuis lors aux mains des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), la dernière grande guérilla marxiste d’Amérique Latine. Les rebelles ont fait parvenir deux vidéos des jeunes femmes, la dernière date d’août 2003. Depuis, aucune preuve de vie n’a jamais été reçue. A l'occasion de cette date anniversaire, le président Uribe a annoncé une nouvelle offensive contre «les bandits des Farc». Le président colombien a également écarté toute possibilité d'un accord humanitaire avec la guérilla pour la libération des otages.


De notre correspondante à Bogota

«Il faut apprendre à vivre avec le silence et les rumeurs», soupire Juan Carlos Lecompte, le mari d’Ingrid. On a dit son épouse malade, morte, enceinte… Tous les jours au début, toutes les semaines ensuite, tous les mois désormais, des informateurs supposés prennent contact. «Le scénario se répète. Les gens qui appellent disent connaître quelqu’un qui a vu Ingrid ou quelqu’un qui connaît quelqu’un qui sait où elle est. Puis, invariablement, ils demandent de l’argent pour nous y conduire…», raconte avec lassitude Carlos Lecompte. Mais l’hermétisme des Farc est total. Cette guérilla rurale - qui vit et se cache depuis 40 ans au plus profond des Andes et de la forêt tropicale - communique peu, malgré un site internet des plus modernes.  

Captive en Colombie ou dans un pays voisin ?

Ingrid serait-elle désormais à l’étranger ? Le président Alvaro Uribe a évoqué cette possibilité, dans un entretien avec la presse française, cette semaine. Mais il ne s’agit que de «rumeurs, et non pas d’informations vérifiées», a précisé le chef de l’Etat. La mère d’Ingrid, Yolanda Pulecio,  a tenté de réagir avec optimisme : «Dieu soit béni, si l’information est vraie. Ingrid serait plus en sûreté à l’étranger que sur le territoire colombien où l’armée pourrait  tenter une opération de libération». Juan Carlos Lecompte a accueilli avec agacement les propos du président : «Qu’Ingrid soit en Colombie ou à l’étranger, cela ne change rien. Le gouvernement doit faire face à ses responsabilités». Le mari d’Ingrid soupçonne Alvaro Uribe de «vouloir faire diversion avec un scoop bidon» à la veille du tragique anniversaire. Mais que faire pour obtenir la libération d’Ingrid ? Que dire pour obliger enfin guérilleros et gouvernement à négocier ?

Les guérilleros qui trafiquent à grande échelle de la cocaïne pour financer leur guerre révolutionnaire n’ont besoin ni d’argent, ni d’armes. Pour libérer Ingrid et 57 autres otages dits politiques, ils veulent obtenir un échange de prisonniers. «Officiellement, les Farc veulent faire libérer leurs camarades aujourd’hui sous les verrous, mais ils cherchent, en fait, à être reconnus comme des adversaires militaires et des interlocuteurs politiques valables», note l’analyste Camilo Echandia. «Libérer leurs otages leur importe peu. Les guérilleros veulent faire parler d’eux», considère Francisco Santos, le vice-président de la République.

Convaincu des vertus de sa politique répressive, le président Uribe se montre rétif à toute négociation avec les Farc. En mai 2006, il a été brillamment réélu. Son intransigeance s’en est trouvée plébiscitée. Dans ce contexte, les pressions en faveur de l’ouverture de négociations exercées par les familles des otages, l’Eglise et les diplomates français pèsent peu. Comme la famille Betancourt, le Quai d’Orsay supplie le gouvernement de ne rien tenter qui puisse mettre en danger la vie des otages. Les Farc ont toujours menacé de tuer leurs «prisonniers de guerre», en cas d’intervention de l’armée. En mai 2003, une opération commando a d'ailleurs tourné au drame, les guérilleros assassinant de sang-froid 10 otages.

Option militaire

Mais la récente évasion d’un otage politique a conforté la position du gouvernement en faveur des opérations militaires. Le 31 décembre, Fernando Araujo réussissait à échapper à la surveillance de ses ravisseurs, à l’occasion d’un raid de l’armée. Il avait passé 6 ans et un mois en captivité. A la surprise générale, il a été nommé, lundi dernier, ministre des Relations extérieures. «Une façon de faire savoir au Quai d’Orsay et au comités internationaux  pour la libération d’Ingrid Betancourt que la Colombie n’a de leçon à recevoir de personne en matière d’enlèvements», note un diplomate colombien.

L’indifférence apparente des Colombiens face au drame que vivent leurs compatriotes séquestrés ne pousse pas Uribe à la conciliation. «Dans un pays où 2 millions de personnes ont dû fuir leur foyer depuis 10 ans, où, tous les jours, des gens sont assassinés et des soldats de la République tués au combat, le sort des otages importe peu», soupire Carlos Lecompte. Il n’existe pas un seul comité pour la libération d’Ingrid Betancourt dans son propre pays.



par Marie-Eve  Detoeuf

Article publié le 22/02/2007 Dernière mise à jour le 22/02/2007 à 09:07 TU