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Colombie

Ingrid Betancourt est vivante

Captive des Forces armées révolutionnaires colombiennes (Farc) depuis le 23 février 2002, l’ex-sénatrice et ancienne candidate écologiste à la présidence de la république Ingrid Betancourt est vivante. Après plus d’un an de silence, ses ravisseurs ont transmis à un journaliste de la chaîne de télévision colombienne Noticias Uno une cassette vidéo dans laquelle l’otage appelle notamment à une intervention militaire pour la libérer.
Première constatation : Ingrid Betancourt et sa collaboratrice Clara Rojas, enlevée ensemble il y a 19 mois, sont vivantes et, apparemment, en bonne santé ce qui signifierait que leurs ravisseurs leur accordent une certaine valeur. Selon les déclaration de Clara Rojas, depuis leur capture les deux otages ont été déplacées «25 ou 26 fois» dans la jungle colombienne et le document a été tourné le 13 mai.

Mais c’est un bien curieux message que celui qui vient d’être délivré par Ingrid Betancourt. Prisonnière d’un groupe terroriste qui a la réputation de ne pas s’encombrer de scrupules quant à la vie des otages qu’il détient, elle semble dégagée de toute contrainte, au point de solliciter une intervention armée contre ses geôliers pour obtenir sa libération. Aucune censure ne semble avoir affecté la teneur de son message dans lequel elle se déclare «opposée à un accord humanitaire pour un échange de prisonniers lorsqu’il s’agit de civils contre des guérilleros». En revanche, elle appelle le gouvernement à échanger des combattants révolutionnaires qu’il détient contre des militaires et des policiers détenus par les Forces armées révolutionnaires colombiennes (Farc) à qui elle demande de consentir des «gestes de paix unilatéraux, c’est à dire des libérations humanitaires».

Aucune nouvelle n’avait filtré depuis juillet 2002 sur la situation de la militante écologiste, symbole de la lutte anti-corruption dans son pays. Aucune hypothèse n’était écartée, pas même qu’elle soit décédée. La cassette a donc provoqué une émotion considérable auprès de sa famille et de ses proches qui saluent son courage mais accueillent avec circonspections ses déclarations appelant le président Uribe à évaluer «les chances de réussir» d’une intervention. Le président lui-même estime que toute opération doit être menée avec prudence, afin de ne pas mettre sa vie en péril. Au mois de mai, les Farc avaient exécuté un ancien ministre de la Défense, ainsi que huit militaires.

Vers une médiation de l’ONU ?

Cette cassette vidéo, après un très long silence, est en tout cas la démonstration d’une volonté de communication de la part des Farc, manifestement prêts à s’accommoder des principes de leur prisonnière, et à la laisser parler sans censure, pour tenter de renouer le dialogue avec Bogota. En effet, depuis l’entrée en fonction du président Alvaro Uribe, investi le 7 août 2002 et dont le père a été tué par des rebelles au cours d’une tentative d’enlèvement, les autorités colombiennes ont écarté la voie de la négociation avec les terroristes et misé sur l’action militaire. Avec quelques succès apparemment puisque l’armée a réussi à réduire significativement le niveau d’insécurité : selon les chiffres officiels, on enregistre 30% d’actions violentes et d’enlèvements en moins cette année et la guérilla a été contrainte de se replier jusqu’aux confins du pays, dans la jungle qui tapisse les contreforts des Andes.

Mais, malgré son intransigeance, le président Uribe n’a jamais renoncé à ouvrir des négociations indirectes, par l’intermédiaire de l’ONU, avec les Farc. Jusqu’au 14 août dernier il n’en était pas question pour les Farc qui avaient toujours rappelé que leur priorité était d’engager des discussions directes avec le pouvoir colombien. Mais à cette date le porte-parole de l’organisation terroriste s’est déclaré «disposé, dès maintenant, à expliquer (sa) position politique à Kofi Annan» (le secrétaire général de l’ONU) dans un entretien accordé à l’AFP. Une décision qualifiée d’historique et interprétée comme une nouvelle victoire, diplomatique cette fois, pour le président Uribe. Dimanche soir, le Haut commissaire colombien à la paix indiquait le feu vert de Bogota à une prochaine rencontre entre des représentants des Nations unies et des Farc.

Agée de 41 ans, Ingrid Betancourt et l’ex-épouse d’un diplomate français, dont elle a eu deux enfants, et dispose de la double-nationalité, colombienne et française. Son enlèvement a causé une vive émotion en France où les plus hautes autorités se sont impliquées pour tenter de permettre sa libération. C’est ainsi que, sur la foi d’informations transmises par sa famille, un avion militaire français s’était rendu en juillet dernier à Manaus, dans l’Amazonie brésilienne, dans l’espoir de récupérer l’otage. N’ayant informé ni la Colombie, ni le Brésil des préparatifs en cours, les Français s’étaient alors vus intimer l’ordre de quitter le territoire et la mission française tourna court. Dans son message, Ingrid Betancourt remercie la France pour le soutien qu’elle a pu lui apporter dans sa captivité.

La guerre civile a fait plus de 200 000 morts en Colombie depuis son déclenchement en 1964. L’année dernières, 3 000 personnes ont été enlevés dans ce pays.

Ecouter également :

Jean-Michel Blanquer directeur de l'Institut des hautes études de l'Amérique du sud.

Les réactions d'Astrid Betancourt, la soeur d'Indgrid Betancourt.



par Georges  Abou

Article publié le 01/09/2003