Colombie
Les remous de l’affaire Betancourt
L’échec de la libération d’Ingrid Betancourt est en passe de devenir une véritable affaire d’Etat en raison des nombreuses dissensions qu’elle suscite au sein du gouvernement. Mis sur la sellette, le chef de la diplomatie française, Dominique de Villepin, affirme que les plus hautes autorités françaises avaient été averties de la « mission humanitaire » montée par son ministère.
La photo d’un avion militaire français Hercules C-130 stationné sur l’aéroport de Manaus, dans le nord du Brésil, a déclenché une polémique que les autorités françaises ont bien du mal à enrayer. Ce cliché a été publié le 19 juillet en une de l’hebdomadaire brésilien Carta Capital qui a consacré un long reportage à «l’Opération 14 juillet». La publication révélait qu’un appareil militaire français était resté sur le tarmac de cet aéroport du 9 juillet au 13 juillet et qu’il transportait onze personnes à son bord. Lorsque des agents de la police fédérale brésilienne ont tenté d’en savoir un peu plus sur l’identité des passagers, ils ont essuyé un refus de certains membres de l’équipage qui ont mis en avant leur statut diplomatique. Le 13 juillet, l’avion quittait subitement le Brésil pour la Guyane française.
Cette révélation a placé les autorités françaises dans une situation délicate vis-à-vis de leurs homologues brésiliennes qui ont expliqué ne pas avoir été informées de la nature de cette opération. Elles avaient certes donné leur accord pour l’atterrissage de l’appareil mais sans savoir ce que cet équipage venait faire au Brésil, ou plutôt, depuis le Brésil. Car l’objectif de la mission a ensuite été divulgué, toujours par voie de presse : cet avion médicalisé devait transporter la citoyenne franco-colombienne Ingrid Betancourt dont la libération semblait imminente. Candidate aux dernières élections présidentielles colombiennes, Ingrid Betancourt a été enlevée en février 2002 par les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) en compagnie de Clara Rojas, sa directrice de campagne.
Astrid Betancourt a effectivement confirmé que la libération de sa sœur était envisagée vers la mi-juillet. Elle-même s’est rendue en Amazonie en compagnie d’un prêtre après qu’un informateur mystérieux lui ait indiqué que les FARC allait procéder à sa libération. Et elle aurait alors demandé au ministère français des Affaires étrangères d’affréter un avion afin de pouvoir transporter Ingrid Betancourt, qui serait physiquement très affaiblie. Ami des sœurs Betancourt depuis de longues années, le ministre français des Affaires étrangères Dominique de Villepin a accédé à leur requête. Il avait déjà manifesté une grande préoccupation pour ce dossier au cours des derniers mois, offrant même en février l’aide de la France dans un vaste échange de prisonniers. Contre la libération d’Ingrid Betancourt et des quelque 3 000 otages détenus par les FARC, la France étudiait la possibilité d’accueillir plusieurs centaines de combattants sur son territoire.
Sarkozy insiste sur la «non-ingérence» française
De nombreux mystères continuent d’entourer l’échec de «l’opération 14 juillet». Le quotidien Le Monde a révélé la semaine dernière que plusieurs agents de la Direction générale des services extérieurs (DGSE, contre-espionnage) se trouvaient dans l’appareil. Et c’est en découvrant leur présence que les autorités brésiliennes auraient ordonné le départ de l’appareil français. Interrogé sur ce point, Dominique de Villepin s’est contenté d’indiquer dimanche sur France 2 que ce type d’affaire nécessitait la plus grande «confidentialité» et que Bogota et Brasilia avaient été avertis «dès que possible». De fait, le gouvernement colombien a confirmé n’avoir appris qu’après-coup qu’un avion avait été envoyé, mais a précisé que cet incident n’allait pas affecter les relations entre les deux pays.
Au-delà d’une simple brouille diplomatique, cette histoire pourrait avoir de plus lourdes conséquences pour le gouvernement. Il est ainsi possible que la décision française d’envoyer une équipe dans la région ait pu faire capoter la libération d’Ingrid Betancourt. Le rédacteur en chef de Carta Capital, Bob Fernandes, explique en effet dans une interview accordée au Monde que le déploiement de forces de police brésilienne dans la région frontalière, intriguées par la présence de l’avion français, a pu effrayer les guérilleros colombiens. Autre inconnue, la monnaie d’échange qui aurait permis de mettre un terme à la détention de Betancourt. Plusieurs journaux brésiliens affirment qu’à bord de cet avion devait également prendre place le numéro 2 des FARC, Raul Reyes, qui souffrirait d’un cancer de la prostate et que la France aurait accepté de soigner. Une version qualifiée «d’absurde» dimanche par Dominique de Villepin qui a précisé que cet avion humanitaire avait pour seule mission de transporter Ingrid Betancourt à Bogota.
Le ministre français des Affaires étrangères a également profité de cette intervention télévisée pour tenter de démontrer la cohésion du gouvernement dans cette affaire. En voyage en Colombie les 22 et 23 juillet, le ministre français de l’Intérieur Nicolas Sarkozy avait dû affronter les questions de nombreux journalistes désireux d’en savoir plus sur la présence de l’avion français au Brésil. Visiblement peu informé, il avait insisté sur la non-ingérence de la France dans les affaires colombiennes. Et il semble bien qu’il n’ait été mis au courant de cette opération qu’après coup. Depuis, un certain malaise persiste au sein du gouvernement. Et même si Dominique de Villepin affirme avoir reçu «l’accord de principe» du Président de la République et du Premier ministre pour le lancement cette opération, son échec risque bien de laisser quelques fissures au sein du gouvernement.
Cette révélation a placé les autorités françaises dans une situation délicate vis-à-vis de leurs homologues brésiliennes qui ont expliqué ne pas avoir été informées de la nature de cette opération. Elles avaient certes donné leur accord pour l’atterrissage de l’appareil mais sans savoir ce que cet équipage venait faire au Brésil, ou plutôt, depuis le Brésil. Car l’objectif de la mission a ensuite été divulgué, toujours par voie de presse : cet avion médicalisé devait transporter la citoyenne franco-colombienne Ingrid Betancourt dont la libération semblait imminente. Candidate aux dernières élections présidentielles colombiennes, Ingrid Betancourt a été enlevée en février 2002 par les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) en compagnie de Clara Rojas, sa directrice de campagne.
Astrid Betancourt a effectivement confirmé que la libération de sa sœur était envisagée vers la mi-juillet. Elle-même s’est rendue en Amazonie en compagnie d’un prêtre après qu’un informateur mystérieux lui ait indiqué que les FARC allait procéder à sa libération. Et elle aurait alors demandé au ministère français des Affaires étrangères d’affréter un avion afin de pouvoir transporter Ingrid Betancourt, qui serait physiquement très affaiblie. Ami des sœurs Betancourt depuis de longues années, le ministre français des Affaires étrangères Dominique de Villepin a accédé à leur requête. Il avait déjà manifesté une grande préoccupation pour ce dossier au cours des derniers mois, offrant même en février l’aide de la France dans un vaste échange de prisonniers. Contre la libération d’Ingrid Betancourt et des quelque 3 000 otages détenus par les FARC, la France étudiait la possibilité d’accueillir plusieurs centaines de combattants sur son territoire.
Sarkozy insiste sur la «non-ingérence» française
De nombreux mystères continuent d’entourer l’échec de «l’opération 14 juillet». Le quotidien Le Monde a révélé la semaine dernière que plusieurs agents de la Direction générale des services extérieurs (DGSE, contre-espionnage) se trouvaient dans l’appareil. Et c’est en découvrant leur présence que les autorités brésiliennes auraient ordonné le départ de l’appareil français. Interrogé sur ce point, Dominique de Villepin s’est contenté d’indiquer dimanche sur France 2 que ce type d’affaire nécessitait la plus grande «confidentialité» et que Bogota et Brasilia avaient été avertis «dès que possible». De fait, le gouvernement colombien a confirmé n’avoir appris qu’après-coup qu’un avion avait été envoyé, mais a précisé que cet incident n’allait pas affecter les relations entre les deux pays.
Au-delà d’une simple brouille diplomatique, cette histoire pourrait avoir de plus lourdes conséquences pour le gouvernement. Il est ainsi possible que la décision française d’envoyer une équipe dans la région ait pu faire capoter la libération d’Ingrid Betancourt. Le rédacteur en chef de Carta Capital, Bob Fernandes, explique en effet dans une interview accordée au Monde que le déploiement de forces de police brésilienne dans la région frontalière, intriguées par la présence de l’avion français, a pu effrayer les guérilleros colombiens. Autre inconnue, la monnaie d’échange qui aurait permis de mettre un terme à la détention de Betancourt. Plusieurs journaux brésiliens affirment qu’à bord de cet avion devait également prendre place le numéro 2 des FARC, Raul Reyes, qui souffrirait d’un cancer de la prostate et que la France aurait accepté de soigner. Une version qualifiée «d’absurde» dimanche par Dominique de Villepin qui a précisé que cet avion humanitaire avait pour seule mission de transporter Ingrid Betancourt à Bogota.
Le ministre français des Affaires étrangères a également profité de cette intervention télévisée pour tenter de démontrer la cohésion du gouvernement dans cette affaire. En voyage en Colombie les 22 et 23 juillet, le ministre français de l’Intérieur Nicolas Sarkozy avait dû affronter les questions de nombreux journalistes désireux d’en savoir plus sur la présence de l’avion français au Brésil. Visiblement peu informé, il avait insisté sur la non-ingérence de la France dans les affaires colombiennes. Et il semble bien qu’il n’ait été mis au courant de cette opération qu’après coup. Depuis, un certain malaise persiste au sein du gouvernement. Et même si Dominique de Villepin affirme avoir reçu «l’accord de principe» du Président de la République et du Premier ministre pour le lancement cette opération, son échec risque bien de laisser quelques fissures au sein du gouvernement.
par Olivier Bras
Article publié le 28/07/2003