Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Colombie

La France au cœur d’un échange de prisonniers

Au lendemain de l’assassinat de dix otages par les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), les autorités colombiennes ont à nouveau demandé à Paris de s’impliquer dans un accord qui prévoirait l’accueil en France de combattants en échange de la libération des otages aux mains de cette guérilla marxiste.
L’opération de libération des otages menée par l’armée colombienne s’est soldée lundi par un dramatique échec. Selon les autorités locales, environ 80 membres des forces spéciales soutenus par des hélicoptères et des avions ont pris d’assaut un campement des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) situé dans le département d’Antioquia, à 400 kilomètres au nord-est de Bogota. Ils y ont découvert les cadavres de dix otages, dont ceux du gouverneur du département d’Antioquia, Guillermo Gaviria, de Gilberto Echeverri, ancien ministre colombien de la Défense et conseiller pour la paix du gouverneur. Les deux hommes avaient été enlevés le 21 avril 2002, alors qu’ils venaient de prendre la tête d’une manifestation prônant la fin de la violence dans le pays. Leurs cadavres ont été retrouvés aux côtés de ceux de huit militaires également prisonniers des Farc. Des membres des forces spéciales ont rapporté que les otages avaient été exécutés, certains ayant été achevés d’une balle dans la nuque ou l’oreille. Et seulement trois détenus ont eu la vie sauve.

Ce lourd bilan meurtrier n’a pas manqué de relancer la polémique autour du danger encouru par les otages lors d’opérations de libération orchestrées par les militaires. A ce jour, les Farc détiendraient 21 otages politiques, trois Américains, 47 officiers de l'armée locale, et environ 800 civils. Parmi les personnalités politiques se trouve la franco-colombienne Ingrid Betancourt, ex-candidate écologiste à la présidence de la Colombie, dont la famille redoute les opérations de sauvetage entreprises par les militaires colombiens. «L'armée échoue neuf fois sur dix quand elle tente de libérer les otages, c'est-à-dire que la plupart du temps les otages sont tués par la guérilla», a ainsi expliqué mardi l'ex-mari d'Ingrid Betancourt, le Français Fabrice Delloye. Il a d’ailleurs précisé que le président de la République française Jacques Chirac avait lui-même demandé au mois d’août à son homologue colombien Alvaro Uribe d’empêcher une opération militaire pour libérer Ingrid Betancourt de peur qu’elle ne mette sa vie en danger.

L’intervention directe du chef de l’Etat français dans le dossier Betancourt s’inscrit parmi les nombreux efforts déployés par Paris pour obtenir la libération de cette ex- sénatrice qui était devenue l’une des figures de la lutte contre la corruption lors de la dernière campagne des élections présidentielles en Colombie. Elle a été enlevée en février 2002 en compagnie de Clara Rojas, candidate à la vice-présidence. Depuis, le sort d’Ingrid Betancourt est notamment suivi de très près par le ministre des Affaires étrangères Dominique de Villepin, ami de longue date de sa sœur Astrid. Lors de sa visite en Colombie en novembre 2002, le chef de la diplomatie française expliquait d’ailleurs qu’Ingrid avait été son élève et qu’elle était une «amie très chère», ajoutant que la France ne «voulait pas ménager ses efforts dans ce dossier si difficile».

Uribe lance un nouvel appel

La France semble en fait être décidée à aller bien au-delà du seul cas d’Ingrid Betancourt et serait prête à participer à une solution globale du problème des otages aux mains des Farc. Dominique de Villepin avait reçu en novembre dernier la confirmation par le président Uribe que la Colombie acceptait l’idée d’un échange humanitaire. Le principe en est simple: en échange de la libération de tous les otages aux mains des Farc, les rebelles actuellement emprisonnés en Colombie seraient libérés et envoyés dans un pays tiers, en l’occurrence la France. Au cours d’une intervention télévisée diffusée lundi, Alvaro Uribe a lancé un nouvel appel aux autorités françaises pour qu’elles acceptent de participer à cet échange. Il a précisé que «600 à 1000» rebelles se retrouveraient ainsi sous le tutorat des autorités françaises, chargées d’empêcher leur retour vers la Colombie. Et il a également insisté sur la nécessité que l’ONU joue un rôle de «bons offices» dans cette négociation.

La France n’a pour l’instant pas précisément répondu à cette requête, le porte-parole du Quai d’Orsay, François Rivasseau, ayant simplement expliqué mardi qu’il revenait «aux parties colombiennes de définir les conditions qui permettraient la libération des otages». Il a également rappelé que Dominique de Villepin avait déjà souligné la disponibilité des autorités françaises dans cette affaire. Si les négociations aboutissent en Colombie, la France pourrait donc être amenée à jouer un rôle clef dans cet échange humanitaire en recevant sur son sol des rebelles colombiens. Une situation des plus délicates puisque le défi serait alors d’accueillir des guérilleros qui mènent depuis plusieurs dizaines d’années une lutte armée meurtrière.



par Olivier  Bras

Article publié le 06/05/2003